J’aime bien regarder ce genre d’émissions. Contrairement à ce que les gens assument parfois, que ça doit me rendre triste, ça a plutôt l’effet inverse. Pas au sens où je serais cruellement heureuse qu’il y ait tant de violence conjugale, mais au sens où je suis heureuse qu’il y ait tant de personnes qui travaillent à la contrer. Je suis contente aussi de l’éducation populaire que ces émissions contribuent à répandre. Je pense que plus de personnes devraient les écouter. C’est important, si on veut que les choses changent.
C’est ça qui me marque souvent, dans mes interactions avec les autres, à quel point ce qu’est la violence semble obscur, voire inconnu pour les personnes avec qui je parle. Les discours ont dérivés d’une façon qui ne me plaît pas trop. Pas du tout en fait. Il y a de plus en plus de personnes qui confondent le fait de dire son opinion, avec le fait d’exercer de la violence psychologique sur une autre personne. J’avoue quand même que ça me laisse perplexe, surtout parce qu’il ne me semble pas, de toute façon, y avoir aucune utilité à déverser sans arrêt des opinions négatives sur les autres même si on est réellement inconscient que c’est en fait de la violence psychologique.
Parce qu’il est un peu dans cette ambiguïté là, le noeud de l’histoire. Puisque les distinction langagières sont devenues tellement floues et que plusieurs personnes, quand on leur oppose que ce qu’elles disent est violent, répondent que c’est juste leur opinion et qu’elles ont le droit de dire leur opinion. Alors que ce n’est jamais, ou presque, une opinion. C’est ce qu’une personne comme moi qui a vécu ce qu’elle a vécu, qui a lu ce qu’elle a lu et qui est en thérapie depuis si longtemps sait maintenant. Si on prend l’exemple du gars de l’été dernier qui en quelques minutes a critiqué mon appartement, ma lampe et ma salade, comme si j’avais demandé son opinion et comme si c’était utile d’une quelconque façon, certaines personnes pourraient penser que je suis susceptible d’être dérangée par ces commentaires. Ce n’est pas le cas. Je ne l’étais pas avant… ou plutôt je me disais que je ne l’étais pas… parce que ça me faisait sentir de la honte quand quelqu’un me faisait quelque chose du genre, mais je faisais comme si ça ne me faisait rien. Ce n’est pas une bonne idée.
Pourquoi ce n’est pas une bonne idée? Parce qu’il y a beaucoup de personnes, beaucoup d’hommes en tout cas puisque c’est eux qui me font ça généralement, qui font ça pour nous tester. Ça commence par des critiques sur des choses extérieures et apparemment anodines pour voir comment nous allons réagir… si nous allons nous laisser faire. Ils ont toujours la porte de sortie de dire que c’est juste une opinion ou juste une blague quand ça concerne des choses anodines comme une lampe par exemple… lampe que j’ai rangée pour le moment, mais que je ressortirai un jour, quand je serai en sécurité, pour me rappeler de tout ce que j’ai traversé et de ma force. Puis, si on n’a pas réagi assez fort ou assez souvent aux attaques, les commentaires cinglants, critiques et négatifs se tournent vers nous, notre corps, notre intelligence, notre personne, notre potentiel d’être aimé.
C’est comme ça que ça glisse, oui… La personne d’abord charmante qu’on avait rencontrée a testé nos limites peu à peu, nous insécurisant sur nos goûts, nos choix et… pour en arriver à nous placer dans une position d’infériorité et de soumission dans laquelle nous confondons ses opinions avec la vérité et où nous cherchons à obtenir son approbation. C’était la même chose pour le gars qui se permettait de m’expliquer le sens de mots que je connaissais comme si j’étais une ignorante. S’il se permet de faire ça pour une simple blague taquine, il se permettra de le faire plus tard sur des choses bien plus importantes, allant jusqu’à remettre en cause la moindre pensée ou le moindre choix ne correspondant pas à ce qu’il pense ou veut.
Ce qu’il y a d’effrayant dans ces histoires, est comment elles sont toutes semblables. Là c’était juste des femmes, mais ce pourrait être l’inverse aussi. Des femmes qui rencontrent des hommes d’abord charmants, que tout le monde aime, puis cet homme change, révèle son vrai visage entre 4 murs, se mettant à leur dire combien elles sont laides et décevantes comme femmes, que personne d’autre qu’eux ne pourrait les aimer tellement elles ne valent rien et sont atroces. Des choses qu’on a toutes entendues, parfois de la bouche d’hommes qui n’avaient clairement pas à parler et qui ne nous méritaient jamais, ça c’est certain, contrairement à la connerie dont ils faisaient preuve en pensant que nous leur étions dues, que nous devions nous soumettre, que nous leur appartenions et que tout cela était bien entendu l’ordre naturel des choses… et que bien sûr tout ce qu’ils nous disaient était tout simplement vrai, incontestable. La seule chose affreuse dite ou faite à ces femmes que je n’avais jamais entendue, c’était un homme qui filmait sa conjointe quand elle pleurait. Pourquoi? Pour lui montrer comment elle était ridicule lorsqu’elle pleurait.
Ça a quelque chose d’à la fois étonnant et convenu, qu’ils disent tous les mêmes choses. On dirait qu’ils ont un cerveau préenregistré. Ça me fait peur parfois à quel point ces discours sont communs et banalisés. Ça me fait encore plus peur qu’encore aujourd’hui on essaie de faire croire aux femmes qu’elles sont paranoïaques quand elles les reconnaissent. On essaie de leur faire croire qu’elles sont folles et que ce sont juste des opinions.
Elles ne sont pas folles. Ce ne sont pas juste des opinions. C’est de la violence… De la violence qui vise à écraser subtilement pour mieux la contrôler.
Je continue bientôt. Je dois aller en classe.
Bonne fin de semaine!
