J’ai des journées difficiles ces temps-ci… Je pense que c’est l’accumulation de bien des choses. J’ai aussi, contrairement à tout le monde apparemment, un genre de vague de tristesse au printemps. Parfois je me dis que ce sont simplement les allergies qui m’épuisent… mais je pense que c’est plus large que ça…
J’ai parfois l’impression d’être en quelque sorte piégée par les choses que je sais dans mes relations interpersonnelles, choses que ce n’est pas tout le monde qui sait, justement… On se souvient qu’il y a quelques mois, j’étais en quelque sorte tombée de haut en réalisant ce que tant de femmes acceptent encore dans les relations. Une des choses qui m’a vraiment frappée, c’est à quel point j’ai été naïve. J’ai longtemps beaucoup imaginé que les gens en relation devaient avoir une vie merveilleuse à laquelle je n’avais apparemment pas accès. J’ai longtemps cru que c’était parce que j’étais une personne épouvantablement insuffisante et inintéressante. Une personne laide aussi. Ça m’a fait comme une claque dans la face, de découvrir à quel point j’avais tort et combien je m’étais torturée inutilement en raison d’une situation idéalisée et rêvée que les autres ne connaissaient en fait pas du tout factuellement. J’ai eu l’impression d’être ramenée de force dans les années 60… ou 50. C’est juste qu’on a des vêtements différents et plus de technologie. À part pouvoir travailler et avoir le droit de porter des pantalons (en théorie, hein, puisqu’on a vu que même ça des hommes me le reprochent) les choses n’ont pas tellement changé.
J’ai découvert que bien des hommes et des femmes dont je pensais la pensée plus à jour, disons, traînent en fait de très vieilles mentalités et de fausses croyances et ça m’a fait peur, je l’avoue. Ça m’a découragée aussi. Plusieurs personnes vivent des situations dans lesquelles je ne pourrais pas vivre et que je n’imaginais sérieusement pas encore possibles. C’est vraiment très perturbant honnêtement. Ça ne m’apparaît plus vraiment quelque chose d’enviable et ça a perturbé beaucoup mon envie d’être en relation, elle qui était déjà pas mal flageolante…
Je constate qu’il y a comme un décalage qui s’accentue de plus en plus entre le monde et moi, ou plutôt entre un certain monde et moi, parce que j’avance au même rythme qu’un autre, celui des idées dans lequel je me sens honnêtement plus vivante que celui dans lequel je dois vivre tous les jours, principalement dans toute la vie à l’extérieur de mon appartement en fait, à part avec quelques personnes qui font exception. Heureusement. J’arrive encore, je dirais, à voir une certaine beauté de la vie et du monde… mais c’est plus difficile et je peux rarement la partager sans recevoir des platitudes par la tête, sans être confrontée à des casseurs de joie. Je ne sais plus trop où me positionner, comment vivre ni où trouver ma place dans le monde. Ça n’a rien à voir avec un sentiment de supériorité. Je me suis en fait longtemps sentie inférieure… Ça a plus à voir avec les connaissances qu’on a ou pas, les questions qu’on s’est posées ou pas, les démarches qu’on a faites ou pas, les idées reçues qu’on accepte ou pas et…
Je pense que ma tristesse est aussi liée à ça. Je pense que j’ai surestimé beaucoup de gens et l’avancement de la société en général et quand ce genre de prise de conscience m’arrive, l’image qui me vient toujours est quand j’avais fait une chute à vélo, le choc de ma face sur l’asphalte qui résonne dans tout le crâne, puis la douleur de se faire traîner, la peau qui cède un peu, la chaleur, le sang et… La réitération de l’absence de sens correspond à une douleur qui a quelque chose de physique (ou que je me représente comme telle, qui a la même intensité) pour une personne qui a besoin de sens comme moi pour pouvoir s’investir dans quelque chose… Donc je me sens un peu en flottement… entre deux vies… puisque c’est souvent à cela que me conduisent ces états, à un grand changement de vie. Je verrai bien où ça me mènera.
Chose certaine, même si je sais que je n’ai rien à prouver à qui que ce soit, ils me pèsent les comportements, les commentaires et les problèmes non réglés et parfois même pas conscientisés des autres. En classe cette semaine, j’ai parlé du fait que beaucoup d’humains ne sont pas conscients du fait que les hommes (mais ça commence à changer et il y a des exceptions pour certaines catégories, je sais) peuvent être la personne qu’ils veulent dès la naissance, mais que ce n’est pas le cas pour les femmes, ou alors c’est beaucoup plus difficile. Les femmes sont toujours arrêtées par l’image et l’être qu’on leur dit qu’elles devraient avoir et c’est toujours, encore aujourd’hui, sur cela qu’on les juge. Quand je parle de misogynie et de patriarcat, je n’implique jamais que tous les hommes sont conscients de ça… mais c’est en quelque sorte dans cette inconscience que réside le problème. Ça prendrait un temps infini de leur expliquer pourquoi ils pensent ce qu’ils pensent et font ce qu’ils font et je n’ai honnêtement pas le temps de faire ça. Ce n’est pas mon rôle non plus. Surtout, la réponse à ces questionnements n’est absolument pas parce que les choses sont comme ça, ni, parce qu’une femme c’est une femme et un homme c’est un homme…
J’ai lu aujourd’hui dans je ne sais plus quelle page de psycho sur Instagram et je ne peux donc malheureusement pas vraiment donner le crédit à qui de droit… que les gens vivent de la façon dont ils ont été élevés. Par exemple si vous êtes un homme à qui l’on a appris qu’un homme doit être supérieur et que les femmes sont de petites choses devant avoir une certaine image, être fragiles, dépendre de vous et de votre approbation pour exister et devant se faire tout expliquer comme des enfants puisque nécessairement moins intelligentes, vous allez continuer à vivre et penser de la même façon. C’est simple et évident en un sens, je sais, même si c’est une attitude qui me semble profondément absurde puisqu’elle est le total opposé de ma vie qui en est une de déconstruction des idées fausses qui persistent dans le monde. Il reste qu’un de mes problèmes dans la vie, c’est que je projette ma curiosité et ma capacité de remise en question sur les autres et j’assume qu’ils savent plus de choses que c’est le cas réellement. Alors je leur parle comme s’ils étaient mes égaux, puisque c’est ce que je pense… eux me considèrent et me répondent souvent comme s’ils m’étaient supérieurs et comme si j’étais ignorante… Et ils le font souvent à partir d’arguments qui sont complètement faux… tout en pensant m’apprendre quelque chose. Vous imaginez ce que c’est, se faire parler comme une idiote ou une enfant de cinq ans parce qu’on est le moindrement cute alors qu’on est une HPI avec un doctorat? Et en plus de se le faire faire la majorité du temps par des personnes qui en savent moins que moi sur la chose dont elles me parlent? C’est insupportable. Voilà ce que c’est. Quand je trouve un homme intéressant et/ou joli, je ne me mets pas à lui parler comme s’il était un imbécile… Qu’est-ce que c’est que cette attitude de merde complètement insensée? Et pourquoi elle existe encore? (Je connais une partie des réponses possibles, oui… mais ça ne change en rien la rage que ça provoque en moi.)
Ma belle-sœur me dit souvent que le problème dans mes relations, c’est que je réfléchis et que je me pose des questions sur des choses auxquelles les autres ne pensent pas. Je pense que c’est vrai et que ça vient en partie de ma nature et en partie de la thérapie. Les autres ne sont pas toujours en mesure de faire les liens aussi rapidement que moi entre les choses… Ça aussi c’est un fait. Ce n’est pas une question de supériorité encore une fois, mais de fonctionnement différent. En entendant le même mot, mon cerveau n’utilisera pas les mêmes zones que les autres pour le traiter… que la majorité des autres en tout cas. Ce qui leur donne parfois l’impression que mes réponses à ce qu’ils me disent sont à côté de la plaque… alors qu’en fait, elles tiennent compte de plus de facteurs et de sphères de l’expérience humaine. Mon cerveau s’est développé comme ça. C’est sûr que je le nourris différemment que la plupart des gens… mais ça reste une caractéristique d’abord génétique. C’est là et c’est vrai et ça provoque toutes sortes de situations abracadabrantes qui me découragent profondément…
La suite bientôt. Je vais me mettre à OFF…
(Hannah s’habitue de plus en plus à la lecture… avec son oreille encore floppy, oui…)
