Linda Bishop (fin temporaire)

(Voici la suite du travail sur le livre d’artiste pour les personnes intéressées.)

L’aspect éthique de la création, sa responsabilité, son rôle en tant qu’artiste (Qui) 

            Je ne suis pas très à l’aise avec l’art qui n’a pas une certaine utilité, même si je ne pense pas que ce doit être le cas de tous les artistes. Je peux apprécier la beauté et l’esthétisme sans qu’il y ait nécessairement un engagement idéologique de l’artiste dans son œuvre chez les autres. C’est cependant quelque chose à quoi je ne peux pas me résoudre dans ma pratique. 

            J’essaie d’effectuer un travail de mémoire pour rendre les personnes dont je parle dans ma pratique, ainsi que leurs histoires et leurs vies, visibles. Je me pose beaucoup de questions concernant ce qui fait qu’on prétend sans arrêt que la différence est belle et riche, alors que dans les faits, elle est si mal traitée dans la société. Pourquoi autant de personnes sont invisibilisées? Pourquoi aussi peu de personnes sont entendues?

Je m’engage aussi sur le plan de mon histoire personnelle puisqu’il y a des recoupements à faire avec différents épisodes de ma vie comme celui présent comme je l’ai mentionné. J’ai été interpellée par des femmes et leurs histoires pendant que je faisais mon doctorat. Je pense que, jusqu’alors, je m’étais surtout sentie seule et anormale dans mon effacement. Ça a été très difficile à vivre, mais salvateur. J’ai ressenti un soulagement en lisant les textes de ces femmes. Comme si, tout à coup, nous étions plusieurs et que je nous voyais. Il y avait énormément de force et d’intensité dans cette rencontre. Ça m’a en quelque sorte donné le droit de vivre.  

            Il y a quelque chose de difficile dans les sujets que je choisis, mais ils ne me rendent pas triste pour autant. Je pense que ça vient du fait que dans la création au sujet de ces personnes, il y a pour moi une tentative de penser et d’écrire et de montrer l’histoire d’une façon différente. Une forme de guérison aussi. Je souhaite la partager tout en participant à faire subsister le souvenir de la vie de ces femmes. 

Les filiations : influences, intérêts, artistes qui nourrissent la démarche

            J’ai déjà brièvement nommé les intérêts dans une autre partie. J’ajouterais celui de la littérature. C’est pour cela que j’ai choisi d’écrire et fabriquer un livre d’artiste, parce que j’ai de la difficulté à me détacher de ma formation première. En termes de recul, je dois dire aussi que l’idée m’est venue de combiner l’histoire de Linda Bishop avec celle d’une autre femme dont la mort m’a beaucoup marquée et que je me demande s’il ne s’agirait pas d’un « meilleur » objet littéraire… Peut-être deux livres en fait, puisque je commence à avoir un certain attachement pour celui-ci. 

            Mon point faible, ce sont les influences. Je pense que j’ai un problème avec la notion d’autorité dans ma pratique artistique et que de trop regarder ce que les autres font me donne envie soit de trop me soumettre, soit de trop me révolter. Je crains de ne plus être là, de disparaître. Alors, je ne regarde pas toujours assez. Je trouve l’inspiration en moi et autour de moi. Dans mes lectures, dans mon passé, dans les choses et les personnes que je vois. Je pense quand même qu’une forme de pèlerinage ou d’expédition dans le monde du livre d’artiste m’aiderait à aller de l’avant. Peut-être que c’est quelque chose à faire une fois le processus bien amorcé ou entre les projets quand il n’est pas question d’une idée précise plutôt qu’en préparation pour un projet. Je pourrais ainsi acquérir des connaissances au lieu d’être vraiment influencée, position avec laquelle je ne me sens pas si confortable. C’est ma faiblesse. Nous sommes liés aux autres. Je me coupe trop. 

Retour sur le processus de création

            J’en ai parlé un peu dans la section précédente. Je ne suis pas encore complètement certaine de la forme que je veux que le livre ait ni si je veux qu’il soit un livre d’artiste, ce qui était le projet initial, ou un livre qui prendrait plutôt la forme d’un essai portant sur la mort de plusieurs femmes. 

            Je ne suis pas certaine de l’aspect esthétique non plus. Je ne peux pas dire que je trouve cela beau, mais plus les jours passent et plus je pense que c’est peut-être efficace et intéressant. J’ai voulu m’approcher de l’art brut en lien avec le fait que cette forme d’art a été en partie puisée chez les dessins de patients d’hôpitaux psychiatriques qui n’étaient pas toujours tous en plein contrôle de leur esprit (autant que ce soit possible) ou de leur motricité. 

            Chose certaine, quoiqu’il advienne du livre en définitive, le projet en tant que tel a été très stimulant à amorcer et continuer et il m’apporte beaucoup sur le plan humain. Les exercices proposés m’ont aussi fait repousser mes limites personnelles en termes de créativité puisque je ne suis pas portée à explorer avec autant de matériaux. 

            Je peux observer aussi que j’ai tendance à encore trop m’accrocher à ma formation initiale, soit l’écriture. Je pense qu’elle apporte quelque chose à l’œuvre, oui, mais il est facile, dans mon cas, de tomber dans le piège des images qui ne font qu’illustrer le propos plutôt que d’apporter vraiment à l’œuvre. Il faut que je sois prudente avec cet aspect.  

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