Je comprends que sur plusieurs niveaux, il peut être difficile, pour un homme, de se retrouver face à moi. Je n’adhère absolument pas aux stéréotypes de genre et honnêtement, ils me répugnent vraiment beaucoup. Alors les hommes qui sont à fond là-dedans, ceux qui m’appellent « Honey » par exemple sur les réseaux sociaux et me font directement des commentaires sur mon corps en me parlant comme si j’étais une idiote ou une petite chose cute, ça m’énerve vraiment beaucoup. Je ne dis pas que toutes les femmes sont comme ça. Je ne le crois pas. Je dis que je ne corresponds pas à la plupart des stéréotypes qu’on garoche sauvagement constamment sur les femmes : Je ne suis pas romantique (au sens amoureux, au sens de l’esthétique allemand, oui, je le suis). Je n’aime pas les gestes grandioses. Je n’inspecte pas le ménage des hommes. Je ne leur dis pas comment s’habiller. Je préfère partir qu’essayer de les forcer à devenir comme je veux qu’ils soient parce que je sais que c’est impossible et que c’est leur faire violence. Je ne suis pas faible. Je ne suis pas dépendante. Je prends mes propres besoins en charge. Je ne suis pas soumise à mes hormones ni mon désir. Je ne suis pas irrationnelle. Je ne suis pas manipulatrice. Je ne suis pas menteuse. Je ne suis pas infidèle. Je ne suis pas jalouse. Je ne joue pas de jeux relationnels. Je ne suis pas superficielle. Je ne suis pas une victime impuissante. Je n’ai pas peur de me salir les mains. Je n’ai pas un mauvais sens de l’orientation. Je ne conduits pas mal. Je ne porte pas toujours des robes. Je n’aime pas me maquiller. Je ne suis pas girlie. Je ne suis pas trop émotive. Je suis facile à blesser, mais pas à manipuler. Je n’excuse pas la violence. Je ne me sens pas inférieure et je ne le suis pas. Je n’aime pas qu’on se place en posture de supériorité face à moi. Je n’ai pas besoin d’être protégée. Je n’ai pas besoin d’être sauvée. Je n’ai pas besoin d’un homme pour exister. Je ne me conforme pas au male gaze et… Crissez-moi la paix avec vos stéréotypes maintenant.
C’est une chose que j’ai oubliée de dire au sujet des propos du vieux monsieur aussi. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’aujourd’hui les femmes sont mises en garde contre les hommes qui adhèrent trop aux stéréotypes de genres justement. Les études démontrent qu’il y a une très forte corrélation entre le fait d’être un homme qui exige de sa compagne qu’elle aborde une apparence ultra féminine ou qu’elle se comporte de façon soumise et le fait d’être un homme qui fera vivre de la violence conjugale à cette même compagne. Stéréotypes de genres et misogynie vont effectivement très fréquemment main dans la main.
J’ai lu beaucoup de livres de psychologie depuis que l’histoire de l’été dernier s’est passée. Je vais parler de moi. Pas de lui. Malgré l’impression que je peux parfois donner ici, je ne pense absolument pas que je sais tout ce qu’il y a à savoir sur les relations ni que je suis parfaite. Je suis un work in progress et j’attends la même chose des autres. Un humain qui ne penserait pas avoir de problèmes ni de défauts est nécessairement dans l’erreur. Tous les humains en ont et tous les humains ont des choses à régler. Prétendre le contraire est faux et malsain. Et oui, on peut être avec une personne qui n’a pas tout réglé dans sa vie, mais encore faut-il qu’elle ait l’humilité de reconnaître que certains de ses enjeux peuvent nuire à la relation. J’ai voulu percer le mystère de mon mutisme que je comprenais quand même bien, mais qui me chicotait encore. D’abord, je tiens à dire que ce n’est pas du ghosting, puisque pour ghoster, encore faut-il que l’autre ait essayé de communiquer avec nous, ce qui n’est pas le cas dans cette histoire. Il n’a jamais essayé de me reparler après. Il reste que je n’ai pas aimé ça agir de cette façon donc j’ai continué à me poser des questions. Il y a le choc, l’agressivité et l’impulsivité de l’autre, l’absence totale de respect face à ce que la situation pouvait me faire vivre et d’autres choses que j’explore encore. Je vais m’en souvenir longtemps de cette histoire-là, mais malheureusement pas pour de bonnes raisons.
C’était tellement infiniment humiliant et blessant pour moi de me faire traiter comme ça l’été dernier par cet homme à qui je n’ai jamais rien fait d’autre que sourire dans la rue. Ça m’a tout de suite plongée en état de choc. L’image que j’utiliserais pour décrire la situation est celle de m’être fait foncer dessus volontairement par une personne qui savait que je traversais la rue en béquilles. Même si je sais que comment les gens traitent les autres parlent d’eux et de leurs enjeux non réglés et non de moi, ça m’a quand même énormément affectée. Je mérite vraiment mieux que de fréquenter quelqu’un qui se projette dans le futur avec une autre femme. Ça me dégoûte qu’on ait même imaginé une seule seconde que c’était une bonne idée de faire ça.
À l’époque des relations Kleenex, je ne suis pas très branchée j’imagine, mais je choisis quand même d’être contre l’instrumentalisation des êtres humains. Je suis plutôt, si on veut résumer une partie de Kant extrêmement rapidement, une personne qui pense que les humains ont une dignité et qu’elle doit être respectée, et ce, qu’il s’agisse de personnes que nous apprécions ou pas. Ce pourquoi je ne me permets pas, non, d’utiliser les autres pour ma satisfaction personnelle, pour me réconforter ou… J’essaie d’être le plus consciente possible des choix que je fais et des actions que je fais et me servir de l’autre ne m’intéresse pas. Je sais trop bien à quel point ça cause des dégâts graves sur le plan psychique et je n’ai absolument aucune envie de faire ça à qui que ce soit. Ça a pour conséquence que je ne me le laisse pas faire non plus dans la mesure du possible, et surtout pas dans une situation où le risque que cela me soit fait est aussi évident que c’était le cas dans cette histoire. Je ne cherche pas quelque chose de grandiose, mais au moins de minimalement beau et je sais qu’il n’est pas possible de construire quelque chose de sain sur la confusion de l’autre ou sa malhonnêteté.
Je suis tombée, durant mes lectures, sur le concept d’acceptation radicale. Je pense que je suis longtemps restée figée dans cette sorte de choc où je n’arrivais pas à croire qu’il avait cru que c’était une bonne idée de me faire ça. J’ai appris beaucoup de choses dans la longue réflexion qui a suivi et elle a été très pertinente et utile pour moi-même si je comprends qu’elle a pu être ennuyante pour vous à certains moments. Le fait est que je ne peux pas rester coincée là. Ça ne sert plus à rien maintenant. Je sais aussi que je n’ai rien à attendre de l’autre puisque si ça avait eu une quelconque importance pour lui, il aurait fait l’effort de régler les choses. Donc, ces jours-ci, ce que je fais quand les flashbacks reviennent, c’est que je me dis qu’il a choisi de me traiter comme ça (aussi cave, irrespectueux et violent que ce soit), que c’est arrivé, que ça lui appartient et que je ne peux rien y changer. La seule chose que je peux faire pour moi est de reprendre la route plus activement maintenant et de laisser les personnes qui m’ont fait du mal loin derrière. Elles ont clairement des choses à régler.
Je n’ai pas envie de me relire. Désolée s’il reste des coquilles.
