L’une des choses qu’il a été difficile de m’admettre à moi-même, c’est que j’ai laissé de côté pendant trop longtemps une partie de mes projets importants (même si j’en ai réalisé plusieurs), à cause de mes difficultés relationnelles. Quand j’étais enfant, malgré mon côté rebelle, les violences vécues ont imprimé une très mauvaise image de moi en moi. Ça a été vraiment difficile pour moi de la dépasser. Elle m’affecte encore parfois. C’est une des raisons pour lesquelles je suis si sensible aux choses que l’on me dit et à la façon dont on me traite, même si je pense qu’au-delà de ma sensibilité personnelle, les choses qui me fâchent ou me blessent le sont, blessantes.
Les relations ont toujours été la partie de la vie qui me fait le plus souffrir. Mon psy dit que j’accorde trop de temps et d’importance à des personnes qui se révèlent ne pas en valoir la peine. Même si je trouve ça dur de sa part, forme m’est d’admettre qu’après coup, il m’arrive rarement de constater que les personnes qui m’ont fait du mal valaient effectivement vraiment le temps, la bienveillance et le respect que je leur avais accordé d’emblée. Il me faudra faire les choses inversement, j’imagine, c’est-à-dire accorder moins d’importance aux autres à la base et voir seulement ensuite comment j’ai envie d’être avec eux à partir de ce qu’eux font. Mais pour le moment ça ne me tente plus trop les relations. J’entends souvent parler du besoin de chaleur humaine. J’imagine que je l’ai aussi, mais je n’ai pas eu beaucoup de relations chaleureuses et si le prix à payer pour la chaleur humaine est d’endurer la violence sous différentes formes, je préfère m’en passer, même si ça me fait souffrir parfois. Mon psy dit aussi que ce que j’ai, c’est que je suis tannée des relations étouffantes. Je n’en ai pas connu d’autre genre, donc c’est difficile d’imaginer comment ça pourrait être autrement, mais c’est certain que le genre de relations que j’ai eu, je n’en veux plus, plus jamais.
Quand nos relations ont principalement travaillé à nous faire croire que nous étions inaimable et bonne à rien, c’est difficile parfois de se mobiliser et de croire assez en soi pour réaliser des projets. J’ai réussi quelques fois à le faire. Souvent quand j’avais aussi le regard d’une autre personne qui croit en moi parfois plus que je ne le fais moi-même. Par exemple pour mon doctorat. Le travail en tant que tel n’a pas été si difficile à faire. C’était plutôt passionnant en fait. J’y ai appris que je suis capable d’une très grande discipline et de travail sur des projets très longs à réaliser. Ce qui a compliqué les choses, à la fin, c’est quand j’ai commencé à souffrir de stress post-traumatique. Quand on est rabaissé et ravalé au statut de personne qui est coupée de sa capacité normale d’action et de pensée et qu’on n’est même plus persuadée de valoir la peine d’être en vie et d’exister, c’est difficile de mener un projet à terme, mais j’ai réussi quand même et c’était un gros projet, un projet qui m’a permis de m’assurer un peu de sécurité à long terme, parce que c’est principalement de ça que j’ai besoin : de sécurité et de calme.
Cet été, je vais vraiment prendre congé et ne pas suivre de cours autres que ceux que je peux faire à mon rythme à la maison. J’ai besoin d’une longue pause des rapports forcés avec les autres et des horaires des autres comme je disais. Je suis épuisée par les attentes des autres et leurs problèmes sur lesquels ils ne travaillent pas. J’ai besoin de me concentrer sur le fait de prendre soin de moi, de ma santé et de mes projets. J’ai recommencé à courir. Ça me manquait énormément et je sens que mon corps l’apprécie. J’ai besoin de me retrouver. J’ai été un peu trop ballotée par la vie sociale disons.
J’ai commencé une bande dessinée pour un concours et je vais faire le volet photo aussi. Je veux faire du ménage dans tout le matériel que j’ai, voir ce que je peux en faire. J’en ai accumulé beaucoup au fil des ans. Je veux voir ce que je peux en faire. Je veux terminer d’autres projets qui traînent depuis un moment et avancer dans la liste que j’ai de tout ce que je veux faire. Ce ne sont pas les idées qui manquent, ni la pertinence des projets qui m’arrête, c’est l’absence de foi en moi et l’absence du sentiment que j’en vaux la peine. C’est ça qui me bloque et m’enlève toute mon énergie quand je veux me mettre à la tâche. Pas la paresse ou le manque de motivation. C’est encore mon droit à la vie que je dois réactiver puisqu’il s’affaiblit sous les coups répétés. Avec le recul, je me demande parfois si les gens qui me font du mal en sachant ce que j’ai vécu ont envie que je me tue, au fond. On dirait parfois. Souvent, même.
La chose la plus importante sur laquelle je veux me concentrer, c’est ma pratique d’écriture. Une chose fondamentale pour moi, mais aussi la sphère dans laquelle je me suis le plus laissée tomber toute ma vie. Je ne pense pas que c’est parce que je n’aurais pas de talent ni parce que je ne serais pas capable de le faire. On peut constater ici que je suis capable d’une très grande productivité. Ce qu’il faut que j’arrête, c’est de laisser les autres passer avant moi, me décourager et… pour me redonner mon droit à la vie et à la réalisation de moi dans mes projets. Je pense que c’est fondamental pour que je puisse continuer à vivre et avoir une vie plus belle et plus saine. Parce que celle que j’ai eue jusqu’à présent, elle était trop difficile et trop tournée vers les autres. Je veux me donner la permission de vivre ma vie comme je le veux, encore plus que je le fais maintenant.
Le projet sur la femme itinérante avance. J’ai ramassé de l’eau de neige ces derniers jours avec les tempêtes. Je ne dis pas tout de suite ce que j’en ferai. Mon imprimante a fait un bel accident sur son visage ce matin.
Je continue bientôt.
Bonne journée!
