Plan B

            Hier soir, je suis revenue du travail un peu tannée de tout. J’avais vécu beaucoup de contretemps et de stress inutiles pour des choses qui ne relevaient pas vraiment de mes responsabilités, mais aussi parce que la mort d’Ali me travaillait un peu intérieurement. Je pense que ça ne passe jamais vraiment, même si la vie continue et l’amour aussi. J’ai fait beaucoup de mes premières expériences avec ce chien et il m’a apporté beaucoup de tranquillité d’esprit et était un excellent compagnon de voyage. Notre premier road trip a été épique. Je venais d’avoir mon permis et nous avons passé un mois sur la route, tous les deux et je me sentais bien et en sécurité avec lui. Il me manque tous les jours. En tout cas… Je suis rentrée à la maison en ayant envie de ne rien faire et j’ai décidé de regarder la nouvelle saison de Plan B qui venait de sortir. Je pensais que ce serait parfait pour ne pas trop penser, mais ce n’est pas exactement ce qu’il s’est passé, puisque celle-ci raconte l’histoire d’un jeune homme comme j’en ai connu beaucoup. 

            C’est une série dans laquelle les personnages peuvent retourner dans le passé avant un moment où ils savent qu’ils ont merdé, pour faire les choses différemment, choisir un plan B, justement… Il y avait quand même quelque chose de réconfortant dans le fait de le voir essayer de se reprendre. Essayer de changer sa vie. Essayer de moins blesser les autres. Essayer de construire au lieu de détruire. Il était aussi bien montré comment il n’avait absolument pas pris l’habitude de regarder en lui ni de vraiment tenir compte des autres. Comment sa consommation lui nuisait et nuisait aux autres. Comment il ne savait pas aimer. Comment sa sexualité était malsaine. Comment il se mettait toujours en situation d’échec même quand tout allait bien. Il se détestait au point où il fallait qu’il se prouve à lui-même constamment à quel point il ne méritait pas d’être heureux en répétant infiniment les mêmes erreurs. Jamais heureux. Jamais bien. C’était bien triste tout ça. Enrageant aussi. Je ne suis pas fan de toutes les saisons, mais celle-ci était excellente et représentait bien les aléas de la thérapie, comment parfois on pense prendre un chemin différent pour en fait se retrouver à la même place, tellement les choses qui nous animent inconsciemment sont plus fortes que nous. Ça montrait bien comment il faut répéter des erreurs et comment ça prend du temps pour changer.

            Finalement, au lieu de penser moins, j’ai pensé plus en regardant la série. Beaucoup de mauvais souvenirs sont remontés aussi. Surtout ceux qui me ramènent à l’irresponsabilité des autres, à comment ils veulent souvent me faire porter le chapeau à leur place. Comme la fille du centre d’artistes qui essayait de me faire croire que j’en avais trop pris alors que j’ai fait tout ce que j’avais à faire et plus et que ce sont elles qui n’ont pas fait ce qu’elles devaient faire… (Je l’ai croisée hier… c’est pour ça que j’y pense. Sinon je n’y pense plus vraiment.) Comme les hommes qui essaient de me faire croire que c’est juste avec moi qu’ils agissent comme ils le font, alors que je suis assez bien renseignée sur les humains pour savoir qu’ils vont plutôt adopter de vieilles recettes qui ont fonctionné plutôt que d’en créer de nouvelles pour des personnes différentes, à moins d’entreprendre un travail sérieux sur eux-mêmes encore une fois. Comme les hommes qui essaient de me faire croire qu’ils m’auraient traitée autrement s’ils avaient su ce que j’ai vécu, alors que je leur ai dit et qu’en plus ça n’aurait pas été moins irrespectueux de faire ce qu’ils m’ont fait à des femmes n’ayant pas vécu ce que j’ai vécu. Comme tous ces gens qui ne veulent juste pas faire d’efforts et qui se racontent qu’ils vont trouver la personne parfaite qui les acceptera comme ils sont et les aimera de façon inconditionnelle alors que le problème n’est pas d’aimer ce qu’ils sont, mais plutôt que les comportements d’abus qu’ils choisissent d’adopter ne sont pas inclus dans l’amour inconditionnel et que ce sont ces comportements qu’eux doivent changer plutôt que de chercher quelqu’un qui se laissera docilement violenter. 

            Finalement j’ai trouvé ça beau et touchant, mais ça m’a perturbée un peu aussi… Et j’ai été anxieuse une partie de la soirée, même si je suis quand même convaincue que c’était une bonne chose de l’écouter. Heureusement, il y avait les chiens pour me réconforter. Il faisait très froid et nous avons passé la soirée collés sur le sofa, Cassius nous protégeant contre tout, même les vents « semi-violents » qu’il entendait au loin. Il les aime, ses filles… Je ne crois pas que nous irons très loin ce week-end. Il fera très froid. Nous resterons cachés au chaud. Je vais faire les courses en rentrant et aller à la bibliothèque. Puis j’imagine que nous nous abriterons ensemble jusqu’à mardi. J’avoue que je savoure vraiment le fait qu’ils aient réparti mon horaire sur seulement trois jours cette session. Ça fait de grosses journées, mais ça me laisse aussi beaucoup plus de temps. Je ne suis plus capable de subir les horaires des autres ces jours-ci. Je déteste les horaires des autres, mais j’aime m’en donner. Je pense définitivement prendre congé cet été. J’ai besoin de ne plus avoir de comptes à rendre à qui que ce soit et j’ai un travail qui me permet heureusement de faire ça durant quelques mois chaque année. J’ai parti mes semis. Je rêve de longues promenades. J’ai envie d’accomplissements sains et de liberté. Liberté des autres imposés. Liberté de choisir de vivre à mon rythme et de voir seulement qui je veux. Liberté de faire tout ce que je veux, à mon rythme, sans être constamment exposée aux autres. Liberté de rêver et de concrétiser des projets, de chercher mon plan B. Enfin.