La clé

My daddy warned me about men like you
He said, « Baby girl, he’s playing you
He’s playing you
‘Cause when trouble comes in town
And men like me come around »
Oh, my daddy said shoot

Daddy Lessons – Beyoncé

            Chaque fois qu’il m’est arrivé de souffrir d’une crise de stress post-traumatique après qu’un homme m’ait fait du mal, j’ai continué à avoir des symptômes jusqu’à ce que je finisse par pouvoir faire sens avec le comportement de l’autre, et ce, même si celui-ci est apparemment insensé. C’est parce que le sens ne réside pas dans l’esprit de l’autre, bien qu’il puisse accorder un sens différent à ce qu’il fait selon sa logique (tordue dans le cas des personnes qui violentent les autres, mais torsion face à laquelle elles peuvent être aveugles). Le sens réside dans ce que je fais de la situation selon les connaissances que j’ai et comment je peux cadrer la situation par rapport à ce que j’ai vécu. Comment cette histoire s’inscrit dans ma vie. Je l’ai dit à quelques reprises et je vais réutiliser une image déjà utilisée, mais le stress post-traumatique, c’est une maladie qu’on peut dire philosophique dans le sens où souvent, la personne qui le vit subit une sorte d’effondrement de sa vision du monde et alors le sens qu’elle avait octroyé à l’existence ne fonctionne plus. J’utilise souvent l’image du disque rayé pour décrire l’esprit sous l’effet du stress post-traumatique. La chanson saute, saute, saute, au même endroit jusqu’à ce qu’on déplace l’aiguille ou qu’alors un nouveau sillon se creuse et qu’il soit possible de continuer la chanson, qui est alors la vie de la personne. 

            Donc hier soir, dans mon lit, la clé pour sortir de mon emprisonnement m’est apparue subitement. Elle ne sortait pas de nulle part, mais plutôt des connaissances que j’avais antérieurement et que j’avais rangées un peu trop loin dans mon cerveau. Cela m’a permis de creuser mon nouveau sillon et aujourd’hui je me sens enfin libérée et je pense que ça va continuer. Je m’explique : 

            Dans l’histoire qui m’est arrivée l’été dernier, la chose qui confondait tout le monde était qu’il me propose de vivre une relation alors qu’il avait l’intention de retourner avec son ex. Simple confusion, penseront certains. Je ne partage pas leur avis. C’était aussi le moment qui me revenait en flashback infiniment plusieurs fois par jour. L’horreur et l’humiliation que j’ai ressenties. La colère et la tristesse aussi. Mon cerveau était pris là. Ça me paraissait insensé. Vraiment bizarre, ont dit d’autres personnes. Mais ce n’est pas bizarre en fait. À partir des autres informations que j’ai, bien que je ne puisse pas parce que je ne le connais pas et que je n’ai pas les compétences pour poser un diagnostic, je peux quand même affirmer que c’est une personne qui est dans la manipulation. Ça, il n’y a pas vraiment de doute possible. Le fait, par exemple, qu’il ait lu mon blogue sans me le dire et qu’il se soit ensuite présenté comme la personne qu’il me fallait et qu’il m’ait servi durant les 7 heures que ce rendez-vous a duré des compliments « faits sur mesure » à partir de ce qu’il avait appris de moi (on voit le love Bombing ici, même si je ne l’ai pas laissé durer longtemps…) est effectivement clairement une technique de manipulation. Il y a d’autres choses aussi… Le stalking, les jeux de chat et de souris, la feinte de l’indifférence et… 

            Peut-être vous direz-vous que de me parler de son ex comme ça alors qu’il tente d’amorcer une relation avec moi est contreproductif, mais je vous dirai que non, ce n’est pas le cas en fait. La clé que j’avais égarée dans mon analyse, c’était celle de la triangulation. Je pense que c’est ça, qu’il faisait. « Qu’est-ce que la triangulation? », me demanderez-vous. Pour l’expliquer rapidement, puisque je n’ai vraiment plus aucune envie de m’éterniser sur cette histoire, mais que je pense que ça peut servir, je dirai que c’est quand une personne qui veut quelque chose de vous fait intervenir une tierce personne (présente ou absente, réelle ou imaginaire) dans une situation afin d’arriver à ses fins. Par exemple un homme qui voudrait faire passer sa conjointe pour une folle jalouse va flirter avec des femmes devant elle et… Il y a plein d’exemples si vous cherchez un peu. Dans le cas qui nous occupe, la mention de cette ex pas ex qui va peut-être revenir, elle sert à m’insécuriser. Une personne autre que moi, et j’expliquerai après pourquoi ce n’est pas mon cas, et qui aurait peu confiance en elle aurait réagi différemment. Elle aurait pu par exemple se sentir en compétition et alors déployer un nombre infini d’efforts pour en quelque sorte « gagner » l’homme et la relation. Les personnes qui font ça, les personnes avec qui ce type de manipulation fonctionne, ce sont les personnes qui remettent leur valeur entre les mains des autres. Elles se retrouvent alors à faire de plus en plus de choses pour plaire à l’autre et qu’il reconnaisse enfin leur valeur. Je ne suis pas comme ça. Un autre exemple de triangulation peut résider dans ce fait de se montrer avec d’autres femmes devant chez moi, femmes auxquelles il dit probablement que je suis folle (et non que lui a un problème, hein… non se remettre en question, ça, pas possible, même si absolument tout le monde trouve ton comportement problématique). Ces femmes-là ont alors l’impression d’être mieux que moi si elles n’ont pas une bonne estime d’elles-mêmes. Elles la construisent sur ma dépouille. Si elles vont bien dans leur tête, elles peuvent saisir ce qu’il fait et voir clair dans son jeu et s’éloigner, si possible. Tout comme moi, au lieu d’être jalouse ou blessée comme il l’espérerait peut-être, je vois le caractère minable de ses actions. Je précise que ce genre de manipulation, comme les autres formes possibles, n’est pas toujours conscient. Parfois ce sont simplement des comportements malsains appris et non questionnés. Le fait est que l’intentionnalité ne compte pas tellement dans le fait de faire du mal à l’autre. Cela signale pour moi un manque de conscience de l’autre, ce qui, à mes yeux, est une faute en soi puisque si on n’a ni conscience de soi ni de l’autre, on met nécessairement l’autre en danger, ne serait-ce que d’être blessé. 

            Je pense que je ne l’ai pas vu immédiatement en partie parce que j’y suis habituée. C’est quelque chose que j’ai vu mon père répéter à l’infini durant mon enfance où il s’amusait très clairement à monter les membres de la famille les uns contre les autres. Il le faisait encore jusqu’à tout récemment dans le couple de mon frère. C’est aussi un comportement que j’ai vécu dans plusieurs des histoires que j’ai vécues. Je n’ai pas été aveugle à ce fait par stupidité. J’ai été aveugle à ce fait parce que je voulais vraiment très fort que ce soit une histoire différente cette fois, parce que c’était vraiment important pour moi que ce le soit. En même temps, je n’ai pas été complètement aveugle puisque je suis partie immédiatement. Je n’ai pas tout de suite ramené la situation à la triangulation, mais j’avais quand même intégré solidement des choses que j’ai apprises en thérapie. Par exemple qu’il faut se méfier des personnes qui sautent rapidement d’une relation à l’autre, qui ne règlent par leur situation et… Aussi parce que maintenant, ma valeur, je ne la place entre les mains de personne d’autre que moi. Jamais. J’étais donc une bien mauvaise victime potentielle à choisir malheureusement pour lui. Il m’a mal lue. Il m’a sous-estimée aussi. Il m’a mal jugée extérieurement aussi. Je le vois dans son insistance à me répéter qu’il voulait me connaître alors que je venais d’écrire plusieurs billets concernant le fait que les gens ne veulent jamais vraiment me connaître en relation. Ce qui n’est pas super subtil… Il a dû prendre ça pour du désespoir. Ce n’est est pas. C’est une exigence. Il faudrait aussi comprendre que je ne suis pas assez conne et désespérée pour confondre une personne qui s’informe sur moi en cachette et me manipule avec une personne qui ferait réellement les efforts pour me connaître. C’est plus facile de penser que je suis une petite conne naïve, j’imagine… comme toutes les femmes bien évidemment.  

            Alors pourquoi avoir mis Beyoncé en exergue? Je ne tirerai sur personne. Rassurez-vous. En tout cas pas littéralement. Je reparlerai une autre fois de cette chanson qui est fort intéressante. Je dirai seulement aujourd’hui que mon père ne m’a pas directement avertie oralement de me méfier des hommes comme lui (comme mon père et comme cet homme agit), mais que le voir aller pendant si longtemps m’a avertie de leur existence et quand je vois ces comportements, je sais qu’il y a quelque chose de louche en dessous, qu’on se joue de moi. Mon tir, c’est le fait d’utiliser toutes les connaissances que j’ai acquises pour analyser l’autre à mort. Le tuer métaphoriquement en pensée en lui enlevant le pouvoir qu’il a sur moi, en l’empêchant de me tenir de quelque façon que ce soit. C’est fait. J’ai tiré. Je suis libre.

Middle fingers up, put them hands high
Wave it in his face, tell him, boy, bye
Tell him, boy, bye, boy, bye

Sorry – Beyoncé 

            À toi qui m’as fait du mal, si tu m’espionnes encore ici, va chercher de l’aide, que tu sois conscient ou pas de ce que tu fais. Tu réussiras peut-être à avoir des relations comme cela, mais jamais des relations saines et égalitaires. Tu n’auras jamais le genre de relation que je veux en tout cas.  

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