Je vais un peu mieux ce matin. J’ai fini de corriger et je suis donc en vacances, même si je devrai travailler à mon rythme pendant celles-ci pour préparer la session d’hiver et mettre en route mes projets si je veux que ma pratique artistique puisse avancer en parallèle avec mon travail académique au sein des vagues immenses de travail que celui-ci implique. J’ai aussi vu le psy hier qui était effectivement, comme je l’avais prévu, profondément découragé pour moi de ce que j’ai encore une fois vécu. Toutes ces personnes trop centrées sur elles-mêmes et inconscientes de leurs problèmes psychologiques et comportements malsains sont épuisantes, peu importe les intentions et l’importance qu’elles se racontent avoir.
Nous avons aussi discuté de moi, de ce qui peut m’appartenir dans ces situations. Je suis arrivée à la conclusion que, bien que j’aie choisi de toujours adopter une attitude humble par rapport à mes compétences et mes accomplissements, cela peut parfois me nuire. Je me retrouve à me faire parler de haut par des personnes qui n’ont pas la moitié de mes compétences ni accomplissements et qui pleureraient de honte en se demandant ce qu’elles ont fait de leur temps si je leur mettais mon cv réel devant les yeux. Cette façon d’être et de faire ne fonctionne pas, même si elle me facilite parfois les choses parce qu’il y a un versant négatif aussi à montrer ce qu’on a fait, puisque ça rend aussi parfois les personnes inconfortables et alors je me retrouve en quelque sorte à m’excuser d’avoir accompli ce que j’ai accompli et fourni la quantité énorme de travail que j’ai fournie, ce qui est complètement absurde. Il me faut alors réfléchir à trouver (et je vole l’expression bouddhiste et la détourne de son sens pour l’occasion) « la voie du milieu » et l’appliquer de façon à moins subir les états d’âmes et les fausses prétentions des autres.
Aujourd’hui, je suis en congé. Je pense que je vais passer ce congé à faire l’inventaire de mon matériel artistique et à dresser la liste des projets que je veux mener à terme en 2023. Il y en a beaucoup et je n’arriverai peut-être pas à les concrétiser tous durant l’année qui vient, mais je vais au moins essayer de travailler différemment et d’appliquer la méthode de travail pour les neuroatypiques à la créativité effervescente que j’ai trouvée il y a quelques mois et que je n’ai pas réussi à mettre en œuvre cette année parce que j’en avais clairement trop pris. Cette année sera consacrée à mes projets et non à ceux des autres. Ça ne veut pas dire que vous ne pouvez pas me demander mon avis ou mon aide, mais mes limites seront vraiment plus claires qu’avant et je ne m’épuiserai pas à concrétiser les projets des autres pour me voir par la suite injustement méprisée comme si je leur devais d’être à leur service alors que c’est moi qui leur fais une faveur, ça, c’est certain.
C’est à moi de décider de ce que je donne dans mon travail ou pas. Souvent, les gens, quand ils apprennent mon salaire, ont tendance à assumer que je suis déjà payée même si les tâches que je fais pour eux n’ont rien à voir avec mon travail d’enseignement. C’est inacceptable comme idée et attitude. Il faut que je rende les choses plus claires de ce côté. Ça me fait plaisir de donner des toiles pour participer aux enchères visant à aider les élèves défavorisés. Ça me fait plaisir de donner un texte féministe par année à un magazine féministe. Ça me fait plaisir de donner gratuitement du contenu ici sur le blogue. Le blogue a d’ailleurs atteint les 6000 lectures cette année, chose à laquelle je ne m’attendais pas et je suis très reconnaissante que vous me lisiez. Ce qui me semble inacceptable, ce sont ces personnes qui s’attendent à ce que je leur donne mon travail, mon temps et mon énergie gratuitement comme si je leur devais, qu’elles me faisaient une faveur ou que c’était une chance pour moi de participer à leurs projets. Elles le font alors que mon travail est maintenant cité dans quelques thèses universitaires alors qu’elles sont complètement inconnues. C’est complètement absurde et très drôle quand on y pense. Décourageant et injuste aussi, oui. C’est difficile pour moi de comprendre comment on peut avoir la tête enflée à ce point… et comment je peux ne pas être plus fière de moi aussi, oui, ça aussi c’est difficile à comprendre. Ça cesse à partir de maintenant. C’est une promesse que je me fais à moi-même.
Les gens ne travaillent pas tous pour les mêmes raisons. Le contenu que je donne, je le donne afin que les personnes qui vivent les violences que j’ai vécues et traversent les expériences difficiles que j’ai traversées n’aient pas à le faire aussi solitairement que je l’ai fait. D’autres personnes ne travaillent que pour elles-mêmes et je dois m’en méfier. Comme me disait un homme à qui j’ai parlé durant l’année : « Maintenant, je m’entoure seulement de personnes qui sont vraiment capables d’aimer ». Et oui, dans l’engagement qu’on a face aux causes que notre travail soutient, c’est de l’amour qu’il y a. Un amour et un don de soi purs qui méritent quand même un peu de respect. On ne peut pas non plus se donner à l’infini sans jamais recevoir. Ce pourquoi je vais travailler à mieux m’entourer dans mes collaborations. Ce pourquoi je vais aussi trouver des façons d’être mieux rémunérée pour le travail que j’accomplis en dehors de mes tâches d’enseignement. En ce sens, je vais installer sur le blogue un lien vers un système où vous pouvez, si vous le désirez, faire un don pour mon travail. Le principe est que si ce que je fais vous apporte quelque chose et que dans la vie vous auriez eu envie de me payer un café ou un verre pour avoir cette conversation, vous pouvez donner quelques dollars. Ce ne sera pas obligatoire et le contenu du blogue restera accessible gratuitement bien sûr, mais comme ça me coûte assez cher pour acheter le matériel d’art et obtenir toutes ces informations que je donne ici gratuitement, les personnes voulant montrer leur appréciation pourront le faire au choix et non, je ne vous garderai pas rancune si vous ne le faites pas, je sais que les temps sont difficiles pour tout le monde en ce moment. Une bouteille de Tide à 12$, c’est épeurant. Rien de moins.
Durant les prochains jours, je vais faire mon habituel bilan de l’année, mais je veux aussi consacrer une série de billets au tour de force que je considère avoir accompli cette année en enseignement. Je veux rendre hommage à mes élèves qui ont été particulièrement incroyables. J’y inclurai aussi un billet pour Chris Bergeron, puisque je veux qu’elle puisse un peu sentir l’incroyable vague d’amour, de prise de conscience et d’inspiration que sa généreuse venue au collège a provoqué chez les élèves qui m’en ont parlé avec enthousiasme jusqu’au dernier jour de la session en pleine évaluation qui aurait dû les stresser, mais où ils en ont profité pour glisser inévitablement un mot sur combien ils l’avaient aimée et trouvée inspirante. Je pense qu’elle mérite de le savoir. Elle travaille vraiment très fort et a vécu assez d’épreuves difficiles.
J’irai à mon rythme, puisque l’essentiel pour moi, ces jours-ci, c’est de me réparer le plus possible afin de trouver la force d’aller de l’avant malgré les coups encaissés cette année. D’ailleurs, si vous cherchez du divertissement de vacances et que vous êtes un peu nostalgique des années 80 comme moi, j’ai regardé cette semaine AHS 1984 que je n’avais pas encore vu et c’est littéralement absurdement complètement délicieux. Je vais fouiller dans mes tubes de peinture maintenant, mais d’abord je vais prendre une longue douche et enfiler une robe chandail de squelette en laine pour être bien confortable et danser un peu dans la cuisine avec les chiens pour bien amorcer la transition vers les vacances et le futur.
Bonne journée!
