Vivre malgré la honte

            Deux des comportements que j’ai hérités des traitements que j’ai vécus dans l’enfance est de prendre les responsabilités et vivre la honte des autres. Quand l’autre me fait du mal, souvent il projette sa honte et ses responsabilités sur moi en essayant de me faire croire que c’est mon comportement ou ma nature profonde qui est responsable de la façon dont il a choisi de me traiter. C’est pour cela que j’ai longtemps été persuadée de mon absence de valeur et de l’impossibilité qu’on m’aime. C’est vrai pour les hommes et les femmes qui m’ont fait du mal dans ma vie. Ces personnes ont toujours toujours essayé de me faire porter le chapeau des situations et c’était toujours toujours faux, même si oui, parfois, j’ai pu, après coup, avoir des comportements non idéaux. Je ne suis pratiquement jamais, au moins depuis les dix dernières années, à l’origine des situations problématiques dans ma vie. Je peux l’affirmer avec certitude parce que toutes ces situations ont été examinées en long et en large en thérapie et parce que je porte toujours une attention particulière à comment je traite les autres au quotidien. Il peut bien sûr m’arriver d’être impatiente ou de commettre des erreurs, mais en général je m’excuse assez rapidement si je juge que c’est nécessaire dans les circonstances. Je ne suis pas parfaite. Ce n’est pas ce que je suis en train de dire. Il reste que la majorité de mes comportements non idéaux suivent pratiquement toujours une situation ou un comportement inacceptables provoquée ou commis par l’autre avant. Je travaille sur mes réactions, oui. 

            Cette nuit j’ai fait un rêve particulièrement réaliste au sujet de l’homme de l’an dernier, celui qui a pensé que c’était une bonne idée de me poursuivre ardemment même s’il ne voulait rien de sérieux et qui a pensé que le fait que je lui parle des violences et des traumatismes que j’ai vécus signifiait que je voulais quelque chose de léger… Conclusion erronée et plutôt conne s’il en est une. Vous pouvez trouver ça dur si vous le désirez, mais considérant la façon dont j’ai été traitée et la gravité des conséquences que la situation a eu sur ma vie, je ne pense absolument pas que j’ai à me demander d’être extrêmement respectueuse avec cet homme. Dans le rêve, j’avais accepté d’aller dans un bar avec une amie, chose que je ne fais plus vraiment depuis plusieurs années maintenant. Il était là. Je ne raconterai pas le rêve en entier, mais en gros, il finissait par venir s’excuser. Je me suis réveillée en me sentant toute à l’envers et très mal. Heureusement qu’il y avait deux petites bêtes chaleureuses pour m’accueillir. La journée a donc très mal commencé, mais elle s’adoucit depuis.  

            Je me suis demandé après pourquoi j’avais rêvé à ça et ce que ça me disait d’où j’en suis maintenant dans ma vie. Une des raisons est fort probablement le stress post-traumatique qui ramène à la conscience de façon très vive des expériences pénibles et traumatiques vécues dans le passé à des moments où il n’est pas toujours évident de déterminer pourquoi cela se produit. Ce n’est jamais un choix. Il y a aussi probablement le fait que cette semaine, je me suis questionnée à nouveau, avec plus de recul, sur ma responsabilité face à la situation de l’été dernier. Je continue à penser que j’ai agi correctement et qu’il n’y a rien dans mes actions ni paroles qui pourrait être la cause de ce qu’il s’est passé, ni avant, ni après. Je ne l’ai pas obligé de quelque façon que ce soit à me manquer de respect en me faisant sentir désirable au point d’être juste un deuxième choix. Je ne l’ai pas forcé à rester mutique après non plus. Le fait est que lui avait des façons de me rejoindre. Il a une adresse courriel, un site internet et il sait où je vis. Il n’a pas essayé d’entrer en contact avec moi. Jamais. C’était sa responsabilité. Pas la mienne. Je n’ai absolument pas à porter la responsabilité de prendre contact avec l’autre et d’effectuer les démarches pour obtenir réparation d’une personne qui m’a blessée. Je n’ai pas à prendre les responsabilités des autres. Je n’ai pas à les aider en étant gentille à outrance, puisque leur choix a été de mal me traiter même quand j’étais gentille au départ. Je n’ai pas à porter leur honte non plus. Je n’ai rien fait de mal. Je peux donc arrêter de me sentir coupable ou honteuse même si ça n’est pas toujours si simple de se défaire des projections des autres.  

            L’autre raison pourquoi j’ai rêvé à ça, je pense, c’est parce que j’ai longtemps attendu et espéré que les autres reconnaissent ma valeur. C’est leur donner trop de pouvoir. Mon subconscient a l’air de me dire qu’il reste un peu de ça en moi malheureusement et que c’est quelque chose que j’ai encore besoin de guérir, même si ça implique plus d’efforts parce que je dois le faire seule. À chaque fois que j’espère enfin trouver une situation apaisante qui aidera, l’autre choisit d’agir comme un cave, même avec toutes les informations qui devraient suffirent à le faire réfléchir avant d’agir. C’est désespérant, oui. Je me aussi suis aperçue, en réfléchissant mieux ce matin, qu’il y a des choses que je me suis empêchée de faire à cause de personnes qui m’ont fait du mal. J’ai pris certaines habitudes d’évitement dont je n’étais pas tout à fait consciente. C’est à cause de ces idées que j’ai intériorisées… La honte de ne pas avoir été aimée. La honte d’avoir été utilisée. La honte d’exister. Il y a des choses que j’ai arrêté de faire. Il y a des choses qui sont devenues vraiment plus difficiles à faire, qui me demandent beaucoup plus d’efforts que les autres en tout cas. En ce moment, avec la possibilité constante de croiser une personne qui m’a fait du mal et qui s’en câlisse, juste sortir de chez moi pour aller remplir mes obligations est devenu plus difficile. Je le fais quand même, mais c’est crissement pénible et je ne méritais pas ça. Absolument pas.

            Chose certaine : aucune femme ne pourra jamais m’accuser d’avoir entretenu et facilité (enabling) les comportements malsains et/ou infantiles d’un homme. C’est vraiment important pour moi. Si on encourage ces comportements en les excusant facilement constamment ou en infantilisant l’autre, en prenant ses responsabilités à sa place, la personne n’a aucune raison de se remettre en question.  

            Congé aujourd’hui! Je me remettrai au travail demain. J’ai besoin de prendre soin de moi, mon cerveau me le dit même quand je dors… À plus!    

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