Comme je l’ai déjà mentionné, il est très facile de me juger et de s’imaginer n’importe quoi ou de faire des caricatures à propos de ce que je dis, même si on se racontera bien sûr que ce ne sont pas des caricatures. Il y a peu de personnes qui prennent la peine d’écouter ou de lire les messages dans les interactions quotidiennes. Cela entraîne toutes sortes d’incompréhensions et de conflits. J’ai choisi de ne rien dire, lors de la conversation dont ces billets se sont inspirés, parce que ce qui m’arrive généralement quand je dénonce une situation, c’est qu’au lieu d’interroger son comportement, son discours ou ses idées, c’est moi qu’on cherche alors à détruire. C’est pratiquement toujours comme ça. Je dois alors subir toutes sortes de commentaires de l’autre que le problème doit être moi, que je ne dois pas être assez belle, trop grosse, trop mince, mauvaise au lit, mauvaise ménagère, castrante, que je ne sais pas comment garder un homme et autres niaiseries de cet ordre. Si les hommes reviennent si souvent dans ma vie, s’ils gardent un souvenir assez fort de moi pour revenir parfois même 2, 5, 10, 15, voire 20 ans plus tard ou même s’ils ressentent le besoin de s’excuser en me croisant dans la rue alors que je les ai vus une seule fois lors d’une mauvaise date, j’ai l’impression que je ne suis pas si terrible ni indésirable. Il reste que c’est plus facile de s’en prendre à moi que d’examiner sa vie et ses comportements ou de s’attaquer aux réels problèmes qui existent encore sur le plan des discours et comportements sociaux entourant les relations entre les hommes et les femmes. C’est plus facile de me fesser dessus que d’accepter qu’on se soit trompé ou encore d’être seul… Ça, c’est certain. Mais je ne suis pas votre punching bag. Le fait de me détruire ne règlera pas ce que vous vivez ni ce que vous subissez.
J’ai l’impression que les deux femmes qui ont tenu la conversation qui a démarré cette réflexion ont lu les billets de blogue parce qu’elles semblent plus froides quand je les croise. J’en ai parlé à une amie qui a trouvé que si c’était le cas, c’était vraiment avoir l’esprit fermé. Je trouve aussi. C’est probablement aussi de l’incompréhension et de l’orgueil mal placé. Je parle des propos qui ont été énoncés dans cette conversation. Je ne parle pas d’elles personnellement ni de la réelle relation de celle qui disait des choses pas si gentilles sur son amoureux. Je me doute bien que la relation est plus belle et complexe que ce qui en a transpiré ce jour-là. Je ne suis pas une imbécile. Il reste que je ne suis pas à l’aise avec les choses dites et ça c’est mon droit. Je n’ai pas à partager l’avis de tout le monde sur les relations. Je n’ai pas non plus à trouver correct que qui que ce soit répande des caricatures sur les hommes et les femmes. Je me suis abstenue de les corriger parce que ce n’est pas à moi d’éduquer tout le monde sur tous les sujets et parce que je les sais assez intelligentes pour faire leur propre cheminement. Si elles veulent être fâchées, ça leur appartient.
Je choisis personnellement de ne pas transmettre d’idées fausses sur les hommes ni les femmes dans ma vie et dans les cours que je donne. Je le fais parce que j’espère que les jeunes personnes qui sont devant moi n’auront pas à subir ces relations merdiques et ces idées que je trouve fondamentalement connes. Il n’y a pas d’essence féminine ou masculine qui précéderait notre naissance. Il y a juste des idées apprises et transmises… et comme ce sont des idées et non une nature fondamentale des êtres, ces idées peuvent être changées par l’éducation. Je n’y arriverai pas toute seule, non, mais si une seule personne (peu importe que ce soit un jeune homme, une jeune femme ou une personne non-binaire) qui est passée par ma salle de classe se souvient de moi le jour où quelqu’un lui fait du mal dans quelque type de relation que ce soit et que mon souvenir suffit à lui donner un peu de force pour mettre fin à cette relation, je serai heureuse. C’est déjà arrivé quelques fois en fait et ça me confirme que ça vaut la peine de le faire.
À mes yeux, ça ferait de moi une hypocrite de vivre une relation où il y a un manque d’égalité ou de respect. D’autres personnes peuvent décider autrement pour leur vie. Je ne me permets pas de les considérer comme des hypocrites ni de les rabaisser. C’est vraiment important pour moi de vivre le plus possible en accord et en cohérence avec mes idées et mes valeurs. Je ne peux pas enseigner à des jeunes personnes que la violence est inacceptable et rester dans une situation où j’en subis, que celle-ci soit un manque de respect ou des coups. Il m’est déjà arrivé de me faire demander si ça valait la peine de risquer mon bonheur pour mes idéaux. C’est parce que vous associez le fait d’être en relation comme équivalant nécessairement au bonheur et le célibat au malheur alors que ce n’est pas le cas. Il n’y a aucun bonheur possible pour moi dans une relation inégalitaire, encore moins dans une relation irrespectueuse. Je me dois aussi à moi-même de prendre soin de ma santé mentale. Le fait de supporter ces interactions et relations pendant des années m’a causé énormément de problème et puisque je souffre de stress post-traumatique complexe chronique, je ne peux pas me permettre de fréquenter des personnes qui prennent ma vie et les relations que nous entretenons à la légère. Ça ne vaut jamais la peine. Ça n’a rien d’amusant. J’en ressors toujours plus meurtrie et ça affecte mon fonctionnement et mon niveau d’énergie dans la vie quotidienne. Je pense aussi que je mérite mieux que ce qu’on m’offre à chaque fois… c’est-à-dire des miettes et me faire utiliser. Ce n’est pas acceptable. Je n’ai rien d’une princesse désagréable qui exigerait trop. L’égalité et le respect, ce sont des droits fondamentaux des êtres humains. Pas des considérations accessoires.
Ce que j’aimerais vraiment, c’est qu’au lieu de me considérer comme une grosse vilaine, on se pose davantage de questions sur soi-même, son comportement et les relations. Je ne pense pas que j’aurais à subir les choses que je subis si plus de personnes le faisaient. Pour moi, chaque personne doit se demander comment elle perpétue les idées fausses, les inégalités et la violence et choisir (ou pas, mais alors ne me demandez pas de vous plaindre) comment elle peut changer les choses, ne serait-ce que dans sa vie personnelle quotidienne.
J’arrête ici pour aujourd’hui, mais j’ai d’autres choses à dire, particulièrement aux hommes. Bonne journée!
