Les erreurs de perception (8)

            Ce matin, vers 4h, le chien, qui dormait tranquillement jusqu’alors le long de ma cuisse sous les couvertures, s’est mis à hurler comme un loup. Il rêvait. Les chiens ont des rêves assez élaborés, oui. Je pense qu’il devait rêver qu’on lui enlevait la petite, parce qu’il est très protecteur et que c’est le son qu’il fait, entrecoupé d’aboiements, quand le monsieur qui vient sortir la petite pendant mon absence la prend pour l’emmener dans la cour. Bien sûr il a réveillé la petite et j’ai ensuite passé l’heure suivante à être dans un demi-sommeil, entourée de ronflements (un peu cochonnesques pour la petite à cause de son nez très court) et borborygmes… puisqu’ils avaient réussi à se rendormir, eux. C’était un moment chaleureux dans cette arrivée hâtive un peu troublante de la neige, qui fondra avant de revenir, je l’espère, même si j’aime l’hiver. Je ne suis pas tout à fait prête encore.  Si le reste de la neige pouvait attendre jusqu’au 15-16 décembre, je lui en serais bien reconnaissante. 

            Hier soir, je parlais avec ma belle-sœur, à la suite du texte que j’ai écrit, de choses qu’elle a vécues avec mes parents elle aussi. Au début, elle les voyait comme incroyablement gentils, comme la plupart des gens. Elle m’a dit que tant qu’elle n’avait pas expérimenté leurs comportements malsains, elle ne pouvait pas vraiment imaginer ce que c’était. Maintenant elle sait. Ils essaient de les monter l’un contre l’autre, elle et mon frère… Ils essaient de briser leur couple. Ils essaient de le faire passer pour méchant, comme ils m’ont fait très souvent aussi. La connaissance de ce qui est violent arrive peu à peu à la conscience. Généralement pas tout d’un coup. Il y a quelques années, quand je montrais mes bandes dessinées à ma belle-sœur, elle ne comprenait pas pourquoi je disais qu’il était question de violence dans celles-ci. Maintenant, je n’ai plus besoin de lui expliquer, presque jamais en tout cas. Elle pose beaucoup de questions pour comprendre ce que j’ai vécu et ce que je vis et cela rend nos conversations très riches. Bien plus riches que celles que j’ai avec des personnes qui essaient de me faire croire que j’exagère, voire que je suis paranoïaque. Je ne suis ni dans l’exagération ni dans la paranoïa. Je connais l’état de ma santé mentale et le diagnostic a été fait par des personnes vraiment plus compétentes que les personnes qui me disent ces conneries pour ne pas avoir à prendre la responsabilité de ce qu’ils ont fait, à moi ou à d’autre. 

            L’aveuglement, face à la violence, il vient souvent de l’ignorance et de la fragilité interne. On ne le voit pas, tant qu’on n’est pas prêt à le voir. Vous me direz que vous le sauriez si vous viviez de la violence ou si vous étiez violents vous-mêmes… La vérité, c’est que ce n’est pas nécessairement le cas. Vous êtes peut-être comme mes parents qui préfèrent s’aveugler sur ce qu’ils nous font et projeter leurs propres défauts sur nous en nous construisant comme des méchants dans leur esprit, alors que nous ne le sommes pas et que ce sont eux qui ont des comportements malsains et violents. Alors au lieu de dire aux autres qu’ils exagèrent ou sont paranoïaques, ça peut être une bonne idée de s’ouvrir l’esprit et d’examiner vos croyances et comportements (la conclusion traitera de cela quand j’y arriverai). Souvent, les choses que je nommerai « non idéales » que nous faisons aux autres seraient bien moins graves si nous acceptions d’en porter la responsabilité et de les déconstruire, au lieu de s’indigner en criant qu’on n’a pas voulu mal faire et en violentant encore plus l’autre en lui disant n’importe quoi pour sauver la face. Ce n’est pas important de savoir si une personne voulait mal faire ou pas. Tu as mal fait, que tu le veuilles ou non. C’est un fait. Assume et répare, si tu peux. Ce sera plus productif que de nier et d’empirer les choses.

            Bien sûr, vivre avec mon père m’a détruite presque autant que ma mère. Un peu moins, parce que j’étais moins isolée qu’elle, à cause des autres jeunes et des professeurs avec qui j’étais en contact fréquent. Ma mère n’a longtemps pas vraiment eu d’amis. Les personnes violentes ont tendance à isoler leur conjoint, vous le savez. Je pense que je suis en partie devenue professeure parce que plusieurs de ceux que j’ai eu ont contribué à me sauver comme personne, même s’il y en a aussi eu aux comportements pas mal toxiques… Je me détestais. J’étais persuadée d’être affreuse. Je pensais n’être capable de ne rien faire. Je me pensais complètement idiote. Et… Dans ma tête, je n’avais pas le droit d’exister et bien sûr, quand j’ai commencé à avoir des relations avec des hommes, ils étaient pas mal tous comme mon père, mais en un peu moins pire… À cause de ces expériences, je suis plus sensible que d’autres à tout comportement relevant de dénigrement, même inconscient de la part de l’autre. Un homme qui ne ferait rien en relation est ainsi probablement pas mal moins pire que mon père, mais ça reste un homme qui assume avoir en quelque sorte une position de supériorité où c’est normal que je fasse des choses pour lui, mais pas l’inverse. Et qui donc, par conséquent, me dénigre, me reconnaît une moindre importance que lui, qu’il en soit conscient ou pas, et ça m’est insupportable. Je veux l’égalité, le plus possible. Ça pourrait tout à fait être une femme qui fait ça à un homme aussi. J’en suis tout à fait conscience. Elles existent aussi, les princesses petit pois venimeuses. Je le sais. 

            Le fait que ce type de relation puisse moins affecter d’autres personnes que moi ne fait pas que ma réaction est mauvaise ou exagérée. Ça ne veut pas dire non plus que j’ai tort. Si des personnes ont le droit de choisir d’accepter ça, j’ai aussi le droit de choisir de ne pas l’accepter sans me faire ridiculiser ou insulter. Je ne peux pas rester de marbre devant des discours fallacieux et méprisants sur les hommes et les femmes qui rendraient ces relations « saines et normales ». Pas quand je sais que ces discours sont absolument faux et n’aident en rien la situation. Les humains ne sont pas la caricature qu’on fait d’eux trop souvent dans la vie quotidienne. Les humains sont responsables de leurs choix. Ils sont aussi responsables des valeurs et idées qu’ils véhiculent dans la vie et les conversations quotidiennes. Si vous dites des choses que je juge fausses et irrespectueuses, c’est possible que je m’éloigne de vous volontairement parce que je pense que ça me nuit et que ça nuit aux autres. Je ne fais pas juste le penser. Je le sais.   

            Je continue bientôt. Je dois aller travailler et demain c’est Expozine! 

            (Une autre partie de mon tatouage qui a à voir avec mon père, comme vous pouvez le deviner… Le flou est voulu, oui… Il reste tout le remplissage à faire, oui, mais je l’aime quand même dans l’état où il est maintenant. Pas de commentaires négatifs sur mon corps, s’il-vous-plaît, ça m’a déjà pris 40 ans avant de commencer à faire un peu la paix avec lui…)

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