Les erreurs de perception (2)

            Hier matin, mon amie qui vit à Terre-Neuve m’a dit qu’elle était en voiture avec son fils et que la chanson Gone Daddy Gone de Violent Femmes jouait à la radio. Petit H, son fils de trois ans, lui a alors demandé où était parti l’amour dont il est question dans la chanson. Elle a répondu qu’on ne savait pas malheureusement. Ce à quoi petit H a répondu enthousiaste : Peut-être que nous pourrions aller le chercher! 

            C’est une histoire très cute qui montre la gentillesse, la naïveté et la serviabilité du jeune garçon. Il reste que dans la vie, quand l’amour est parti, c’est assez rare qu’il revienne. Ça ne veut pas dire qu’il est impossible que deux personnes reviennent ensemble. Les études montrent cependant que c’est plus ou moins seulement possible si les deux personnes ont cheminé chacune de leur côté et il s’agira alors d’un nouvel amour et d’une nouvelle relation entre les deux. Autrement, retourner ensemble et vivre un amour sain est pratiquement impossible. La confiance est brisée, une personne agit dans la peur constante que l’autre lui refasse la même chose, la personne « fautive » vit dans une forme d’excuse constante de son existence et… C’est généralement malsain et voué à l’échec. Bien qu’il y ait des exceptions, oui… 

            Une des dernières choses que je voudrais mentionner au sujet de la dernière histoire, c’est à quel point il était encore fâché contre son ex quand on s’est vus, mais aussi comment il s’est impatienté quand je lui ai demandé des éclaircissements sur la situation. Cette colère et cette impatience, je n’avais aucunement à les subir. Personne n’a à subir les effets de ce que vos exs vous ont fait. J’ai vécu vraiment beaucoup d’abus et de formes de violence dans mes relations et je suis encore capable de penser que tous les hommes ne sont pas des malades et de bien les traiter s’ils me traitent bien. J’étais gentille, transparente, ouverte et sincère avec lui. Mes questions étaient normales. Ce sont des informations qu’il aurait dû mentionner plusieurs semaines, voire plusieurs mois plus tôt. Ma surprise et mes interrogations étaient normales et saines. Pas déplacées… Petit H a 3 ans. Sa naïveté et son espoir de retrouver les amours qui partent est compréhensible… Surtout qu’il ne comprend pas la métaphore impliquée dans ce départ puisqu’à cet âge les enfants n’ont pas encore acquis et maîtrisé la notion de sens figuré. L’irresponsabilité des adultes face aux relations est pas mal moins cute, je dirais. 

            Il m’est arrivé une drôle d’histoire cette semaine en lien avec les relations et comment on pense souvent que les liens entre les choses sont évidents pour tout le monde alors que ce n’est bien souvent pas le cas. En tout cas, je sais que c’est une erreur que je fais souvent. Je me promène un peu dans la vie comme petit H, avec la même naïveté. J’ai tendance à assumer que tout le monde possède les connaissances et la curiosité que j’ai. La même capacité de faire des liens. D’un côté, c’est une qualité puisque je suis là à penser que tout le monde est intelligent, ce dont découle directement le fait que je suis toujours respectueuse face aux autres. Je les vois comme égaux. Avant je les voyais comme supérieurs. J’ai plutôt tendance, parfois encore malheureusement, à diminuer ma valeur et la quantité de connaissances que je possède. C’est aussi un défaut puisque, comme vous pouvez l’imaginer, je suis déçue extrêmement souvent par ce que les gens me disent et me font, surtout quand pour moi c’est évidemment faux. 

            Lors d’une conversation cette semaine, j’ai appris qu’une personne pensait que je suis homosexuelle ou bisexuelle maintenant. Ça ne se voulait pas de la méchanceté, mais ça m’a surprise parce que pour moi mon orientation est très claire et l’a toujours été à part de très brefs questionnements durant ma vingtaine, mais j’ai principalement séduit des femmes pour montrer à des hommes misogynes malsains que j’étais plus efficace qu’eux dans la séduction des femmes qu’ils désiraient. Par curiosité un peu aussi. J’ai une très forte capacité de séduire, même si je ne l’utilise plus vraiment parce que je ne veux plus que mes relations se basent sur la séduction. C’est un long sujet à développer. J’expliquerai ça une autre fois… 

Je lui ai demandé ce qui lui avait fait penser ça et elle m’a répondu que c’est à cause du cours que j’enseigne qui porte sur la littérature écrite par des personnes trans et que normalement ce sont juste les homosexuels et les bisexuels qui s’intéressent à ça. J’étais abasourdie. C’est clair pour moi que dès qu’on est féministe, on s’intéresse à la question du genre et par extension à la transidentité et tout ce qui concerne la théorie Queer, puisqu’il y a là des personnes qui subissent les mêmes violences que les femmes cisgenres, ainsi que d’autres modèles de vie et de relations à explorer. Je sais que toutes les féministes ne pensent pas comme moi, mais j’avoue avoir assez peu de respect pour les féministes qui pensent que les femmes trans ne sont pas des femmes. Je pense qu’il faudrait réfléchir et vous informer un peu plus. Quand elle m’a dit ça, parlant de biais cognitif, j’ai bien vu qu’elle n’était pas animée d’une mauvaise volonté, mais la mâchoire m’est quand même un peu tombée d’étonnement, tout simplement parce que c’est pour moi évident que si on veut que les choses changent, tout le monde doit s’intéresser non seulement à ces sujets, mais aux réalités qui sont différentes des leurs. Il n’est alors pas du tout nécessaire pour moi d’être homosexuelle ou bisexuelle pour avoir envie de comprendre ce que les personnes trans vivent. J’ai résisté à l’envie de demander pourquoi je n’étais pas devenue afro-américaine quand j’ai enseigné la littérature féministe afro-américaine… 

C’est une femme que je respecte et que je pense intelligente et éduquée, mais ça m’a vraiment troublée honnêtement. Je suis contre toutes les formes de violence et d’injustice, pas seulement celles me concernant directement. En même temps, une bonne partie des violences vécues par les femmes trans me concernent puisque je les ai vécues aussi. J’ai été violée, moquée, violentée, déshumanisée et… Même si je sais que mon sort est plus facile à vivre que le leur, nous partageons des expériences et, pour moi, c’est normal que je m’intéresse à ce qu’elles vivent. L’amie dont je parlais au début du texte est aussi une femme trans et je raconterai notre histoire bientôt pour faire un lien avec la visite d’une autrice trans dans mon cours cette semaine. J’ai décidé de ne pas chercher à faire cesser la rumeur que je suis homosexuelle au travail. D’abord parce que ça ne me dérange pas. Ensuite, parce que ça me protégera peut-être des avances non désirées au travail puisque je ne mélange pas le travail avec la sexualité ni la vie amoureuse. 

Je continue plus tard. Ce billet est assez long, mais il s’est passé une autre drôle d’histoire avec une autre femme présente dans la conversation et qui est aussi liée aux erreurs de perception. Elle vaut la peine d’être racontée. 

À plus!   

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