Les limites (3)

            Il me semble qu’une bonne question que chaque personne devrait se poser serait : Est-ce que je me contrôle moi-même ou est-ce que j’attends des autres qu’ils me contrôlent? Vous devinez probablement que, pour moi, il est important que chaque personne soit assez honnête avec elle-même pour répondre authentiquement à cette question et que l’idéal est toujours d’être en mesure de se contrôler soi-même. Ce que les deux personnes dont j’ai parlé dans le dernier billet me disaient en fait quand elles me disaient que mon problème était que mes limites n’étaient pas assez claires, c’est que c’était en fait ma faute si elles m’avaient fait du mal. Ce qui me semble éminemment absurde, même si je sais que oui, il existe des personnes dont il faut se protéger. Il me semble quand même qu’il y en a un peu trop et que beaucoup de personnes ne se demandent pas tellement à elles-mêmes. 

            Il faut savoir, je pense, que pour moi, c’est très difficile à imaginer, cette posture de « ce sont les autres qui doivent m’empêcher de leur faire ce que j’ai envie de leur faire ». Je suis quelqu’un qui ne s’autorise pas, qui n’est même pas capable, qui n’a aucune envie en fait, d’accepter un café ou un verre d’une personne que je n’ai pas réellement envie de connaître amicalement ou amoureusement. Alors l’idée de lui prendre son attention, son affection, son corps ou quoi que ce soit sans son consentement éclairé, en la bernant, la maltraitant ou je ne sais quel autre moyen louche, c’est quelque chose qui m’est complètement étranger. L’idée de dire des horreurs à l’autre sous prétexte qu’il ne m’en a pas empêché ne me semble pas vraiment compréhensible non plus, même si oui, je suis tout à fait capable d’être méchante. Il faut cependant en général qu’on m’ait fait très mal avant et je commence habituellement par être plus dure et dans la confrontation abrupte que méchante. Je ne peux pas dire qu’au quotidien, il y a vraiment beaucoup de vilenies qui me traversent l’esprit. Je pense être plutôt gentille et bienveillante à la base, en partie par nature et en partie par choix. Jamais par idiotie, contrairement à ce qu’on suppose souvent, idée qui me semble bien étrange, je l’avoue. 

            Je ne comprends pas pourquoi tant de personnes choisissent de faire du mal aux autres plutôt que de prendre cette énergie pour améliorer leur vie. Parce que c’est plus facile probablement. Peut-être aussi qu’elles manquent de ressources, de créativité et d’imagination. Les capacités de rêver et d’agir ne me semblent pas si répandues malheureusement. Je parlais récemment avec ma belle-sœur qui est de nature plutôt gentille et bienveillante aussi… et qui a pas mal été maltraitée également et elle me disait qu’avant elle assumait que les gens étaient gentils jusqu’à preuve du contraire, mais qu’elle s’était si souvent trompée et avait tellement été blessée, qu’elle assume maintenant que les autres sont égoïstes jusqu’à preuve du contraire et qu’elle est déçue moins souvent. C’est à la fois triste et sage, je trouve. Je pense que ce serait bon pour moi de faire ça aussi, surtout que, comme je l’ai mentionné plus tôt cette année, j’ai souvent tendance à donner, sans aucune preuve, beaucoup de qualités aux autres. C’est un reste de quand je pensais que j’étais inférieure aux autres et qu’ils étaient donc automatiquement mieux. J’ai aussi parfois tendance à assumer que les autres se posent les mêmes questions que moi et ont les mêmes connaissances que moi. Alors que c’est assez peu fréquent. Enfant, ma mère me disait souvent qu’on ne peut pas continuellement tout remettre en question, ce à quoi j’ai très tôt répondu : Pourquoi? J’ai un rapport au monde qui en est un de questionnement, de curiosité et de remise en question. Beaucoup de choses tenues pour vraies me semblent malsaines et improductives. Je suis forcée de constater que ce n’est pas quelque chose de très répandu et qu’au contraire, beaucoup de personnes se contentent de ce qu’on leur dit du monde. C’est plus rassurant et plus simple. L’inconnu, l’absence de règles et de définitions, ça fait peur à beaucoup de gens. La création de sa propre vie aussi. 

            J’ai toujours refusé de vivre dans la peur malgré ce qui m’est arrivé. J’ai parfois peur, mais je fais quand même toujours ce que je veux faire malgré la peur, ce qui est un signe de courage. C’est un peu plus difficile maintenant, j’avoue. Je me sens plus fermée aux autres. J’avoue n’avoir aucune envie de contrôler les autres et de vivre dans la méfiance. Il vaut mieux alors être entourée de moins de gens. J’ai parlé il y a quelques temps des critères que les autres femmes trouvent souvent attirants chez les hommes et qui ne m’intéressent généralement pas tant, comme l’apparence, l’argent ou le statut social. J’ai plutôt tendance à trouver attirants les hommes parce qu’ils me semblent intelligents et gentils. Ce sont de bons critères, il me semble. Il reste que je ne peux pas lire dans la tête des gens ni deviner à l’avance ce qu’ils ont l’intention de me faire ni ce qu’ils me veulent réellement. Je n’ai pas ces capacités-là. J’aimerais qu’on arrête de me rendre responsable de ce qu’ils me font. Ils me font ce qu’ils me font parce que c’est ce qu’ils choisissent et ce qu’ils sont capables de me faire. Je n’ai pas le pouvoir de faire que quelqu’un choisisse de me maltraiter ou de me manquer de respect. Alors je mets une limite là aussi. Quiconque choisira d’essayer de me faire croire que ce qu’on me fait est ma faute sera automatiquement mis à la porte de ma vie. (J’ai pris la photo dans une prison à Philadelphie où j’aimerais bien retourner un jour.) Je ne suis pas responsable du fait que les autres choisissent de ne pas prendre soin de moi, même si moi, je prends soin d’eux. Ils sont les seuls responsables de leurs actions et de leurs paroles. Ça vaut pour les hommes et pour les « ami.e.s » qui m’ont blessée. La seule chose dont je suis responsable, c’est de choisir ou pas de garder ces personnes dans ma vie. Je choisis maintenant de ne pas le faire, à moins qu’elles aient démontré qu’elles comprennent bien en quoi leur comportement était blessant et qu’elles s’engagent à travailler à ne plus le faire. 

            Je vais un peu mieux. Comme j’ai dit, l’état de stress post-traumatique se résorbe vers un niveau plus endurable au quotidien même si j’ai encore de la tristesse et de l’anxiété. Je n’ai plus de crises de panique quand je crois l’homme de cet été. Je suis sortie aussi pas mal de l’état de choc et la colère diminue sans pour autant être remplacée par de bons sentiments. Avant je pardonnais trop vite les autres sans qu’ils fassent quoi que ce soit. Plus maintenant. Je me sens moins handicapée au quotidien par cette situation. Je prends du recul intérieurement aussi. Ce qu’il a fait m’a beaucoup blessée. J’admets que je n’ai pas aidé tant que ça la situation par la suite et j’ai déjà expliqué les raisons qui ont fini par me rendre un peu incapable d’avoir envie d’aider. Il reste que je n’ai pas aimé l’absence d’explications, le silence étrange qui a suivi. En même temps, il me semble que je n’avais pas tellement de choses à expliquer de mon côté ni tant d’efforts à fournir. Il n’y a rien d’étrange à être blessée par le fait de se faire approcher par et dans le fait de ne pas vouloir commencer quelque chose avec quelqu’un qui est amoureux d’une autre personne et planifie de retourner avec. Il me semble que mon refus et ma prise de distance sont assez faciles à comprendre. Surtout dans l’état où je suis. 

            Bonne journée!

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