Les apprentissages difficiles (6)

            Le fait que je me permette de critiquer certains comportements n’implique pas que je pense que je suis parfaite. Je ne resterais pas en thérapie si je pensais que j’ai tout réglé et qu’il ne reste plus rien à travailler dans ma personne. Ces 16 années de thérapie me permettent quand même de mesurer l’écart qu’il y a entre quelqu’un comme moi et une personne qui refuse de questionner son comportement et de travailler à avoir plus de souci de comment ce qu’elle fait ou dit peut affecter l’autre. D’un côté je suis là avec mes interrogations multiples à passer des heures à m’informer, à travailler sur moi et à améliorer mes relations avec les autres, alors que souvent je me retrouve face à des personnes qui font et disent tout simplement tout ce qui leur passe par la tête sans se demander quel effet cela aura sur moi et qui piquent une crise si j’ose suggérer que leur comportement a quelque chose de blessant. Ce sont deux approches du monde et des relations très différentes et je pense que c’est normal que ça cause des conflits régulièrement. 

            J’ai parfois eu certains des comportements que je critique aujourd’hui. Je l’assume et l’accepte. Ça fait partie de qui j’ai été. Ça me prouve qu’il est possible de changer avec le temps si on le désire. Par exemple, quand je souffrais beaucoup, je sais que j’étais plus égocentrique. Je me souviens d’avoir ressenti de la honte face à ça quand je me suis mise à aller mieux, même si, dans les faits, c’est normal d’avoir de la difficulté à se tourner vers l’autre et vers ce qu’il vit quand on souffre vraiment beaucoup. Il reste que j’ai fini par accepter ma souffrance et les effets qu’elle pouvait avoir sur les autres. C’est un peu ça qui m’énerve, dans les situations que je vis. Si les autres acceptaient également leurs erreurs et le fait qu’ils ont pu me blesser même si ce n’était pas leur intention, ça simplifierait grandement les choses. Ça éviterait aussi qu’on me blesse encore plus juste parce que j’ai osé dire qu’on m’avait blessée. Il me semble que c’est assez simple, dans la vie, d’admettre qu’on est imparfait et de montrer à l’autre ce qu’il se passait pour nous et ce qu’on a voulu faire. Ce serait en tout cas vraiment plus simple et sain que d’essayer de faire croire à l’autre qu’il hallucine ou qu’il capote pour rien. Ce qui est du gaslighting, donc de la manipulation et de la violence psychologique, et non un comportement sain. Personne ne capote jamais vraiment pour rien de toute façon. C’est très malhonnête de prétendre le contraire. 

            J’aurais plus de patience et d’envie de maintenir un lien avec une personne capable d’admettre qu’elle n’a pas agi de façon idéale qu’avec une personne agressive qui essaie de me faire croire que tout est ma faute et qu’au fond c’est elle ma victime… Je prends ma responsabilité dans le fait que parfois je donne trop de chances aux autres. C’est une caractéristique de ma personnalité que je dois encore travailler. Je n’endure plus vraiment de comportements blessants dans les liens amoureux. Il semble cependant que j’en endure encore peut-être trop dans les relations amicales. Même si je comprends que c’est lié à un problème d’estime de soi et à la présence d’idée nocives dans la tête de la personne qui me fait du mal, j’avoue qu’il y a quand même souvent chez moi une forme de surprise et d’ahurissement quand je vois les choses mesquines qui apparaissent dans la tête des autres et qu’il leur semble normal de les dire et de les faire. Ce sont des façons d’agir avec les autres et de parler aux autres qui sont très loin de moi. Ça me provoque encore une forme de choc à chaque fois que je vis des moments de manque de respect. 

            Le manque de respect et l’aveuglement. La nécessité de se sentir supérieur à l’autre. Ce sont des choses qui me sont devenues insupportables. Je souligne que je ne me permets jamais de juger la vie des autres avant qu’ils m’aient fait beaucoup de mal. Je respecte généralement les choix des autres, même s’ils ne me conviendraient pas. Mais avouez que ça tient quand même un peu du délire que les deux dernières personnes qui m’ont dit que je gérais mal les violences que j’avais vécues sont un polytoxicomane et une personne qui ne sort pratiquement jamais de chez elle… Je n’ai aucune idée de comment ces personnes peuvent assumer que leur vie est mieux que la mienne. Commencez par regarder vos propres vies avant de critiquer celles des autres. Il ne faut pas non plus projeter l’intelligence et les connaissances qu’on a maintenant sur qui on a été dans le passé. J’ai été violée pour la première fois à 20 ans. En général, les jeunes de 20 ans ne réagissent pas de façon parfaite à ce qui leur arrive, tout simplement parce qu’ils n’ont pas les connaissances ni l’expérience nécessaires pour le faire. C’était aussi un moment où la société blâmait encore plus que maintenant les victimes d’agression. Imaginer que j’aurais dû avoir plus de connaissances que l’entièreté de mon époque et des gens autour de moi et agir de façon idéale est tout simplement absurde. Je n’ai pas réagi en devenant polytoxicomane. Je n’ai pas réagi en me cachant chez moi. J’ai réagi en retournant dans le monde, en continuant à avoir des relations avec des hommes et en adoptant, de façon compulsive, oui, un rapport de soif infinie face aux connaissances qui existent sur la violence. Ça ne me semble pas si mal, tout de même. 

            Attendre de moi que je subisse sans broncher qu’on me serve des idées dénigrantes qui nuisent à l’ensemble des victimes de violence n’est pas très raisonnable non plus. Quand je rejette une idée, c’est parce que j’en ai fait le tour avant et que j’ai examiné les impacts possibles qu’elle aurait sur ma vie et celle des autres et qu’ils me sont apparus plus négatifs que positifs. Aussi parce que j’ai effectué des recherches sur comment cette idée a été étudiée par d’autres avant. Cette femme avec qui j’ai eu un conflit dernièrement, elle a tellement besoin de m’imaginer plus petite et inférieure à elle qu’elle m’imagine littéralement plus petite qu’elle physiquement. Nous faisons exactement la même taille et elle me dit toujours que je suis petite. Et quand je lui dis ma taille, elle me demande si je suis certaine. Oui, à 41 ans, je connais bien mes mensurations… merci.  

Il y a quelques temps, elle s’était autorisée à rire de moi quand je lui avais dit qu’un de mes exs avait rôdé près de chez moi pendant longtemps après la fin de notre relation. Sans me demander ce que j’avais fait, elle m’a immédiatement dit que j’avais mal agi et qu’elle n’aurait jamais laissé faire ça et appelé la police immédiatement. C’est d’ailleurs exactement ce que j’avais fait et j’avais aussi écrit à l’homme en question pour lui dire que je porterais plainte si jamais je le voyais à nouveau s’approcher de moi ou de mon chien, ce qui est ce que la police recommande de faire et ce qu’il est nécessaire de faire pour pouvoir porter plainte. Mais même si je lui expliquais que la police ne peut pas faire grand-chose dans ces cas-là et que j’avais fait tout ce qu’il était possible de faire à ce stade, elle continuait à affirmer qu’elle aurait fait bien mieux que moi. Récemment, sa voisine est entrée chez elle avec son chien par effraction et ça a causé un conflit qui a fait qu’elle a appelé la police. Le conflit a aussi dégénéré en hurlements qui ont réveillé une bonne partie des personnes vivant sur la rue très tard dans la nuit, mais ça, elles s’en fichaient royalement. La police ne pouvait pas faire grand-chose dans ce cas. La réaction de cette femme a été de se victimiser sur Facebook et d’insulter la police. Je n’ai rien dit, même si l’envie m’habitait fortement de lui remettre sur le nez ce qu’elle avait fait et comment elle m’avait traitée quand je lui avais raconté ce qui m’était arrivé. Elle n’a jamais fait le lien entre les deux histoires et ne s’est jamais excusée. Je ne doute pas non plus qu’elle parlera contre moi maintenant et se fera passer pour ma victime plutôt que de remettre en question sa façon d’agir avec moi. C’est beau l’aveuglement et le déni. Mais maintenant ça ne me fait ni chaud ni froid ce qu’on dit de moi puisque je sais ce qu’il s’est réellement passé et qui je suis. 

Je ne sais pas quoi mettre pour illustrer ceci, donc je vous donne un bel arbre en feu d’automne.

Bonne journée!

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s