
Je sais que ça peut sonner dur, les règles que j’impose dans mes relations. Elles ont cependant toutes leurs raisons d’être. Essayer de me faire croire qu’on sait mieux que moi comment je devrais vivre ce que je vis, qu’on sait mieux que moi ce que je devrais faire pour aller mieux et… C’est de la violence. Me parler comme si je pensais être la personne avec la pire vie possible ou encore comme si j’étais une personne qui ne sait pas que les autres aussi ont un passé, c’est de l’ignorance. Ça fait plus de 15 ans que je lis sur la violence et ses effets secondaires. Ça fait plus que 14 ans que j’enseigne sur la violence dans la vie des autres. Ça fait 16 ans que je suis en thérapie à analyser ce qui m’est arrivé et à décortiquer comment cela affecte ma vie et à défaire les idées négatives, les fausses croyances et les manipulations qu’on m’a mises de force dans la tête toute ma vie. Ce que je fais, je le fais pour moi et pour les autres. Ma recherche porte sur la violence, mon enseignement et ma pratique artistique aussi. C’est donc normal que j’y pense et que j’en parle souvent. La principale raison pour laquelle je le fais n’est pas pour me gratter le bobo et me regarder le nombril, mais pour que moins de personnes aient à traverser ces choses seules et dans l’ignorance comme j’ai dû le faire. Si vous préférez rester dans l’ignorance, ça vous appartient. Si vous n’aimez pas que je parle de ces choses, allez voir ailleurs. Vous ne me manquerez pas. Si vous n’êtes pas conscients que les choses qui me sont arrivées arrivent à des centaines, voire des milliers de personnes tous les jours, c’est que vous vous aveuglez… et je n’aime vraiment pas ça, l’aveuglement volontaire, parce qu’il blesse toujours les autres.
C’est sûr que ça me fait de la peine quand je dois ne plus être en contact avec quelqu’un qui me blesse trop, mais c’est parfois nécessaire. Je veux bien expliquer une ou deux fois pourquoi je pense comme je pense et ce que je sais de tout ce que j’ai lu et appris en thérapie sur le sujet, mais quand je dois répéter les mêmes choses 10-15 fois (ou parfois pendant 15 ans comme on a vu avec le prof de philo), à un moment donné, je perds mon temps. Si vous voulez rester dans l’ignorance, le déni et l’aveuglement, ça vous appartient, mais je ne perdrai plus mon temps à expliquer à l’infini à des gens qui n’ont pas vraiment de respect pour ce que je vis et comment je le vis. Penser à autre chose ne suffit pas. Quand on vit des violences, elles restent en nous pour toujours. Il est possible, oui, de profiter de la vie quand même et d’être heureux, mais pas si autour de nous on nie notre réalité et qu’on tente de nous forcer à faire semblant que ce n’est pas arrivé parce que ce serait plus pratique pour les autres de ne pas avoir à y réfléchir. Ce n’est pas non plus possible d’effacer son passé. Si vous voulez vous raconter que votre passé ne vous affecte pas, tout ce que vous réussirez à faire c’est de vous aveugler et de faire vivre injustement les effets de ce que vous avez vécu à d’autres. Vous vous mentirez probablement en plus au sujet de ce que vous faites et vous mentirez à l’autre pour sauver la face. Ça n’a rien de productif ni de vraiment pertinent comme choix. Ça nuit plutôt à tout le monde, incluant vous.

Me dire de penser à autre chose est aussi pas mal insultant et aussi une forme de condescendance. Il me semble que c’est clair que je ne pense pas 24h sur 24 à ce qui me fait souffrir. J’ai une belle vie. J’ai un chien, bientôt deux. J’ai des amis ayant une façon constructive d’être avec moi. J’ai ma famille qu’est ma belle-sœur et mes vieux messieurs gais. J’ai un travail qui paie quand même pas mal cher parce que j’ai un doctorat. Je suis à l’abri de la misère. J’ai un appartement que j’aime même s’il commence à devenir trop petit pour la quantité de choses que j’y fais. J’aime mon quartier. Je vais à l’université. J’ai une pratique artistique. Je suis membre d’un centre d’artistes. Je suis dans un groupe de travail pour artistes en voie de professionnalisation. Je suis responsable de plus d’une centaine d’étudiants à qui je dois enseigner ce qui leur permettra d’obtenir leur diplôme collégial lors d’un examen très stressant qu’ils passeront en décembre. J’ai un jardin. J’ai une boutique en ligne. J’ai ce blogue. Je reprends mes activités sportives. J’ai plein de projets et d’autres choses en tête. Donc non, je ne suis pas assise seule à pathétiquement penser toujours à la même chose en pleurant et je ne sais pas pourquoi certaines personnes se permettent de m’imaginer comme ça. C’est condescendant. Je n’aime pas qu’on fasse des caricatures de ma vie.
En dehors de ces détails, ça va mieux. Je tousse encore terriblement, mais c’est toujours un peu plus impressionnant dans mon cas à cause de mon asthme. La Covid est partie. Je vais souvent être masquée dans les prochaines semaines parce que je ne tiens absolument pas à l’avoir une deuxième fois et que je n’ai juste plus le temps d’être malade pour le reste de la session. Ce n’est pas vrai que la Covid ce n’est rien. Dans mon cas c’était comme quand j’ai une bronchite et une sinusite en même temps et en plus j’avais une rhinite à cause des allergies automnales. Protégez-vous et protégez les autres.
Quelques nouvelles en vrac : J’ai avancé dans le ménage et le réaménagement de mon appartement. J’ai encore du travail à faire, mais il y a plus de place pour accueillir un deuxième amour. J’ai par exemple donné une chaise en cuir super confortable au monsieur de 74 ans en bas qui était rendu à regarder la télé sur une chaise d’ordinateur qu’il avait trouvée dans les poubelles et sur laquelle il avait scotché un bloc de mousse pour essayer de la rendre un peu moins dure. Même si j’ai des problèmes et des difficultés, je suis quand même consciente que j’ai une très belle vie et je ressens beaucoup de gratitude de pouvoir partager ce que j’ai avec d’autres dont les conditions de vie son plus précaires que les miennes. J’irai donner d’autres choses à des organismes durant les prochaines semaines. J’attendais de ne plus être contagieuse.
La chose positive avec la Covid, c’est que j’ai été dans l’obligation de moins bouger et ça a aidé les blessures à mes deux pieds. Je pense pouvoir enfin reprendre un entraînement plus intensif bientôt parce que c’est ce qui me manque le plus dans ma vie. Bouger. Je m’ennuie de la force et de l’énergie physiques que j’avais. Il n’est pas trop tard pour les retrouver. Je recommence à avoir envie de m’habiller aussi, phrase qui peut sembler bizarre, je sais. Je suis vêtue, bien entendue, mais j’ai comme revêtu le même uniforme de circonstances depuis ma première blessure au pied parce que c’était plus pratique. Je m’ennuie de ma garde-robe. Ça peut sembler superficiel, mais les vêtements m’amusent beaucoup et pour une personne qui a détesté son corps et son image aussi longtemps que je l’ai fait, je me garde le droit d’avoir le plaisir des textures et des formes quoi que vous en pensiez. Mon moral remonte. Le fait de moins penser aux relations me libère de l’espace de pensée et je suis plus disponible pour les sujets qui m’intéressent. Un peu plus clownesque aussi. Je prends souvent la parole dans mes cours à l’université et j’ai fait des blagues qui ont amusé beaucoup de personnes. Une personne s’est aussi rapprochée de moi parce que nous avons été dans d’autres cours et qu’elle dit avoir toujours aimé mes interventions. Ça me fait plaisir et ça me montre que j’ai changé et ça me rend heureuse. Je me sens plus libre et plus sûre de moi. La première fois que j’ai fait un parcours universitaire, je n’osais même pas lever la main pour poser une question. Maintenant je lève souvent la main pour contribuer au cours et j’aime ça… et d’autres personnes aussi apparemment. J’ai aussi fabriqué le Kalimba dans la photo. J’aime travailler le bois. Je dois le faire plus souvent.
C’est sûr que je ressens encore de la tristesse par rapport à ce que j’ai vécu ces deux dernières années. Elle est quand même modulée par du bon, du positif, de belles rencontres. Les choses changent peu à peu et je vais vers plus de bonheur. La petite amoureuse de mon beau garçon arrive la fin de semaine prochaine. J’ai hâte! J’ai déjà comme le cœur qui va m’exploser d’amour… Ça va être beau quand elle sera réellement là.