Donc j’ai parlé un peu de ma décision de faire une forme de deuil de ma vie amoureuse avec mon thérapeute. Il comprenait quand même assez bien mes raisons. Il trouve ça compréhensible après toutes les conneries qu’on me fait. Lui aussi trouve ça injuste et absurde. Lui aussi est pas mal découragé de voir les agissements des hommes dans ma vie. Il ne trouve pas leur comportement sain ni respectueux, non, alors mettez ça dans votre pipe, si vous êtes un homme qui m’a blessée me lisant en ce moment, parce que oui, certains lisent… Ça n’enlève pas la tristesse et la colère que je ressens. Cet énorme sentiment d’injustice qui m’habite est presque étouffant. En plus de la morve de la Covid, ce n’est pas la joie.
Mon sentiment d’injustice vient de choses dont j’ai déjà parlé, mais c’est un peu ça faire le deuil de quelque chose ou de quelqu’un : ressasser en allant toujours un peu plus de l’avant jusqu’à ce que tout cela soit derrière nous. Je reste coincée avec une forme d’amertume dans la gorge, qu’il n’arrive pas vraiment grand-chose aux personnes qui me font du mal, même si je sais qu’il leur arrive certaines choses. Le sentiment d’injustice est aussi lié à tout le travail que je fais sur moi et qui n’est jamais respecté. Je ne suis pas à l’aise avec l’espèce d’insouciance dont tant de personnes font preuve face à la vie des autres, mais bien sûr particulièrement avec l’insouciance dont les hommes font preuve face à moi et à ce que j’ai vécu. À chaque fois que je leur parle de ce que j’ai vécu, ils ne le prennent jamais en considération. C’est comme si je n’avais rien dit. Comme s’ils n’étaient pas concernés. Comme s’il ne leur venait même pas vaguement à l’esprit de faire un peu attention à ce qu’ils font considérant ce que j’ai vécu. Ça a quelque chose de complètement absurde et enrageant en même temps. C’est comme s’ils décidaient de faire une jambette à quelqu’un qui a la jambe cassée et qu’en plus ils s’en fichent après. Est-ce que ce serait si difficile, faire attention? Se poser des questions? Ou au pire, après, au moins dire qu’ils sont désolés et auraient dû réfléchir plus et qu’ils auraient dû me placer dans une situation plus respectueuse, une situation qui prenne un peu soin de moi? Même ça, ça a l’air trop… Je n’attends après rien et ça ne règlerait rien, mais ça montrerait au moins un peu de souci de l’autre. J’ai quand même appris il y a longtemps, oui, qu’il ne faut pas chercher du réconfort auprès d’une personne qui nous a fait du mal. Tout comme il ne faut jamais espérer qu’une personne qui nous a agressée s’excuse de ce qu’elle a fait. Ça impliquerait qu’elle nous voit comme un humain, comme elle, mais si c’était le cas, elle ne nous aurait pas traité comme ça à la base.
Donc j’avance sans rien attendre des personnes qui m’ont blessée.
Une chose que les gens n’ont pas l’air de comprendre, c’est que je dois, depuis longtemps, vivre avec le fait que je dois faire le deuil d’une partie de ma santé mentale et physique à cause de ce que des hommes m’ont fait, justement. À cause du fait que je suis condamnée à vivre avec le stress post-traumatique complexe jusqu’à la fin de mes jours. Je le répète encore une fois : Non, on ne peut pas en venir à bout à force d’efforts et de volonté. Donc non, je n’ai pas cette condition parce que je n’aurais pas assez essayé de m’en débarrasser, mais parce qu’on m’a fait des choses très violentes de plusieurs natures. Des violences physiques et psychologiques. Et les deux sont graves, oui. Devant cette situation et parce qu’aucun homme n’a jamais porté la moindre attention à ce que je lui disais quand je lui parlais de ça et a encore moins réfléchi aux implications que cela peut avoir, je pense que c’est normal pour moi de finir par cesser d’avoir envie de m’exposer à eux autrement qu’amicalement. J’essaie de me dire qu’ils agissent comme ils le font par ignorance et parce qu’ils ne réfléchissent pas plutôt que par envie de me faire du mal. Ça aide un peu, mais en même temps, je suis vraiment écœurée qu’on ne réfléchisse pas. Je leur donne littéralement toutes les informations pour que ça se passent bien et ils choisissent de ne pas en tenir compte. Il n’y a rien que je pourrais faire de plus. S’ils ne veulent pas prendre conscience de ce que je leur dis, je ne peux pas les forcer. Je dois m’éloigner. C’est tout.
La tristesse que je ressens ces jours-ci vient aussi du fait que beaucoup de mauvais souvenirs remontent parce que j’envisage de faire ce deuil. C’est beaucoup à porter, mais ça doit sortir, on dirait. Ça diminuera d’intensité avec le temps.
Il y a en même temps de l’espoir qui se profile à l’horizon. Il y a une liberté folle dans le célibat. Je ne parle pas sur le plan sexuel. Ça c’est la partie qui est la moins intéressante dans cette situation parce que j’en ai déjà bien profité sur ce plan dans ma vie et qu’à un moment ça devient insensé tout simplement. Vide. Je parle du fait de tout ce qu’il est possible de vivre et de créer hors du cadre du couple. Je fais déjà beaucoup de choses. Imaginez combien ma vie serait riche et tout ce que je pourrais accomplir si je ne perdais pas autant de temps et d’énergie à me réparer des conneries insensées qu’ils me font. Oui, une partie de moi aurait aimé trouver un bon compagnon, mais honnêtement, on me fait tellement de mal inutilement tout en essayant de me faire porter le chapeau que ça finit par être juste une perte de temps et d’énergie. Une perte immense. Je ne sais pas s’il existe, l’homme qui ne me forcera pas dans des rôles dont je ne veux absolument pas. Je n’en ai rien à foutre des clichés de couple qu’on me ressort sans arrêt. Tant mieux pour les autres si c’est ce qu’ils veulent. Je veux créer ma vie autrement. Je ne sais pas s’il existe l’homme qui me laissera être moi pleinement en relation, l’homme qui me laissera vivre tout simplement sans toujours chercher à me rabaisser ou m’utiliser à son avantage. Je ne le chercherai plus en tout cas. Ça, c’est certain.
J’ai lu la semaine dernière que des études récentes démontrent que les femmes sont plus heureuses célibataires qu’en couple. C’est parce que ça coûte trop cher encore aujourd’hui aux femmes d’être en couple en comparaison de ce qu’une relation leur donne. Je ne vais pas perdre plus de temps à attendre que les hommes comprennent que des choses doivent changer et que nous ne nous laisserons plus faire. Que moi, en tout cas, je ne me laisserai plus faire, encore moins qu’avant, puisqu’une des raisons pour lesquelles je ne suis pas en couple est que je ne me suis jamais vraiment laissé faire justement. J’ai toujours refusé de me soumettre à ce qu’on tentait de m’imposer et qui était toujours irrespectueux de toute façon. Rien d’enviable.
J’ai mis la photo du livre parce qu’il est bon et qu’il traite en partie du fait que dans les récits qu’on nous raconte, les femmes n’ont jamais vraiment des rôles pertinents et ne font pas grand-chose. Il faut en sortir, de cette situation. C’est commencé, mais ça traîne encore. J’ai travaillé beaucoup, durant les 16 dernières années, à me libérer du regard masculin et de ce que les hommes pouvaient attendre de moi. J’ai encore du travail à faire. C’est long, se nettoyer le cerveau de toute les idées crasseuses et paralysantes que la société nous a fourrées de force dans le crâne depuis notre naissance… Je sais que c’est possible. J’ai gagné beaucoup de liberté. Comme l’autrice du livre à la fin, j’en ai une histoire. J’en ai même plusieurs, mais il m’en reste de bien plus heureuses à écrire. Lisez le livre. Il est bon.
Je retourne soigner ma Covid.
À plus!
