J’ai eu beaucoup de deuils de différentes natures à faire dans ma vie. Certains ont été plus faciles que d’autres. Certains ne se sont jamais terminés. Ces jours-ci j’expérimente mentalement avec l’idée de faire le deuil de ma vie amoureuse. Il y a plusieurs raisons à cela et aucune d’entre elles n’est une exagération ou une crise dramatique ni non plus une victimisation.
Penser à ne plus avoir de vie amoureuse, ça ressemble un peu à faire un voyage d’exploration sur une planète inconnue. C’est quand même une idée assez étrangère au monde dans lequel nous vivons qui est tellement obsédé par le couple et la famille. Par le sexe aussi. J’ai lu un bon livre sur l’abstinence dans le monde contemporain. J’ai oublié le titre malheureusement. Il y a le livre « Vieille fille » qui est sorti aussi récemment et que je n’ai pas encore lu, mais qui semble intéressant. Je ne suis donc pas la seule qui se pose ces questions et envisage cette avenue, mais ça reste peu courant, disons… et il n’y a pas tant d’informations sur le sujet. Il y en a dans les traditions religieuses, c’est certain… et non, tous les religieux n’étaient et ne sont pas des personnes naïves ou débiles. Je suis plus à l’aise avec les rapports à la foi qui impliquent une réflexion profonde sur l’être et l’existence et oui, ils existent… mais je ne suis pas religieuse.
Ce matin, je lisais un texte pour mon cours d’art qui traite de la solitude du projet. Ça expliquait comment, quand on travaille sur quelque chose, par exemple un projet artistique, l’écriture d’un roman, la recherche dans un problème scientifique particulier et… Il y a là une excuse acceptée par tout le monde pour être désynchronisé d’avec le social et ses idées sans être perçu comme bizarre, asocial, inadéquat ou… Ça m’a interpellée beaucoup, puisqu’il me semble que toute ma vie est ça, une succession de multiples projets toujours en train d’advenir. Certains très anciens et longs, pas terminés, d’autres très courts qui prennent à peine une journée pour se concrétiser. Il me semble que c’est là, que je me sens à l’aise. Dans la création, la recherche et la réalisation de mes projets, constamment. Je sais qu’aux yeux des autres, j’ai parfois l’air de partir dans tous les sens, mais c’est bien mal me connaître. Tous mes projets ont des liens organiques très puissants les uns avec les autres. Ils sont parfois difficiles à voir à première vue, mais je sais qu’ils sont là. Encore une fois, il faudrait poser des questions.
Ce n’est pas que je crains d’avoir l’air anormale. Je vis plutôt bien avec mes différences en général et, même si j’ai parfois des moments d’anxiété, je finis toujours par faire ce que je veux faire. Il reste que, pour ma sensibilité, les commentaires et réactions des autres sont parfois extrêmement lourds au quotidien. Ils font souvent preuve d’insensibilité et de déni de ce qui peut être ma réalité. Ils témoignent aussi très bien de la forme de lavage de cerveau que nous subissons socialement et qui nous poussent à nous concevoir comme incomplets ou comme des échecs si nous ne sommes pas en relation. Ou encore à nous considérer comme étant nécessairement le problème. Je n’ai pas de problème qui me rendrait insupportable en relation. J’ai réglé la majorité de mes problèmes durant les 15 dernières années en thérapie. Je pense au contraire que ça pourrait être vraiment intéressant et agréable d’avoir une relation avec moi. Je suis quand même consciente d’être atypique, ce qui rend les relations difficiles, oui, mais seulement si on espère un type de personne que je ne suis pas.
Les réactions sont variées depuis que j’ai commencé à en parler. Certaines relations sont infantilisantes, comme les personnes qui s’imaginent que j’exagère alors qu’elles ne savent rien de ce que j’ai vécu. Les personnes qui veulent me convaincre à tout prix d’essayer encore et ce qui m’apparaît alors c’est leur désespoir et non le mien. Je ne ressens pas de désespoir. Ma remise en question en est une rationnelle et non impulsive. Elle provient d’un calcul des coûts et conséquences que les relations ont eu sur ma vie. La décision n’est pas finale pour le moment. J’explore les possibles. Il y a aussi des réactions plus saines, par exemple les personnes qui m’encouragent à prendre tout le temps nécessaire pour me remettre et qui accepte que peut-être, je n’essaierai plus. Ce sont généralement les personnes qui m’ont soutenues durant mes dernières expériences et qui ont pu mesurer plus clairement les réels effets sur ma vie.
Je n’ai jamais eu peur du célibat en tant que tel. Comme je l’ai dit plusieurs fois, je suis bien seule. Je n’ai jamais eu besoin qu’on me tienne la main pour faire des choses dans la vie. J’aurais aimé avoir une relation saine, mais cela semble infiniment difficile à trouver, en bonne partie parce que les hommes que je rencontre ne travaillent pas sur leurs problèmes et ne règlent pas leurs histoires. Plusieurs veulent aussi seulement coucher avec moi. C’est ennuyant. Vraiment. Il faut admettre aussi qu’après 15 ans en thérapie, je me suis posé pas mal de questions que la plupart des gens ne se posent pas. Principalement parce qu’ils n’y pensent pas et ne sont pas aussi intensément que moi dans un constant processus de remise en question. Pas parce qu’ils ne sont pas capables. Parfois c’est aussi parce que ça ne les intéresse pas. Parfois c’est parce qu’ils sont trop fragiles pour se les poser. Leur vision du monde et d’eux-mêmes s’effondreraient.
Je pense que c’est un champ de réflexion intéressant pour les prochaines semaines. Je parlerai de la confiance aussi…
Je pense que la première décision à prendre est de ne plus me laisser ralentir dans mes projets.
Je continue bientôt.
Bonne soirée.
(C’est Grünewald sur la photo…)
