Le retour du Revenant

      

      Je suis certaine que si Dante revenait à la vie aujourd’hui, il ajouterait une autre section à L’Enfer… Celle-ci serait peinte en bleu Facebook et il y aurait un nombre infini de tuyaux et de micro-orifices par où les personnes qui vous ont blessé dans le passé pourraient avoir un accès constant à vous, peu importe si vous vous évertuez à boucher les trous… Il y aurait toujours un autre passage. Vous seriez constamment exposé.

            Ce matin, je me suis réveillée avec une demande d’ami Facebook accompagnée d’un message du Revenant. Oui, oui, celui de la bande dessinée et du texte. Celui que j’ai fréquenté quand j’avais 16 ans et qui est revenu 20 ans plus tard me dire qu’il pensait encore à moi et avait peur d’être encore amoureux de moi… et qu’il voulait quitter sa blonde et ses enfants et… Le message dit qu’il sait que je ne veux plus être son amie Facebook, mais qu’il voulait juste me dire qu’il a souffert ces 4 dernières années et que le Karma l’a rattrapé… En quoi ça m’est utile? Qu’est-ce que ça m’apporte qu’il souffre atrocement dans le fin fond de Beauport? Certainement pas de la joie. 

            Ça m’est absolument inutile et ça me replonge sans aucune raison dans une histoire qui m’a déjà fait souffrir plusieurs fois dans ma vie. Ça me montre aussi qu’il ne me connaît pas et qu’il n’a encore rien compris. J’imagine qu’il pensait que j’allais sauter de joie à l’idée de sa souffrance ou qu’elle me ferait du bien. Mais je ne suis pas comme ça. Je ne suis pas une vilaine sorcière qui se frotterait les mains de bonheur à l’idée de la souffrance des autres. Je n’ai aucun besoin ni aucun désir que les personnes qui m’ont fait du mal souffrent. Je sais déjà que ça leur arrivera. On ne peut pas ne pas régler ses problèmes et faire du mal aux autres impunément sans qu’il nous arrive quoi que ce soit. Je ne parle pas de morale chrétienne malgré la référence à l’enfer du début du texte. C’était juste une petite blague de fille dont la vision du monde est peut-être parfois trop littéraire. Je parle plutôt de dépression, d’incapacité de refouler le mal qu’on a fait aux autres et… parce que ça ne disparaît pas, non.

            Une chose que partagent les personnes qui se font blesser par les autres et dont l’estime de soi a souvent été amoindrie, voire détruite, par les actions et paroles de cette personne, est l’impression que ça arrive juste à elles, qu’elles l’ont mérité, que si l’autre les quitte c’est pour aller être plus heureux ailleurs avec une personne plus merveilleuse. C’est peut-être vrai pour les personnes qui quittent une personne violente, qu’elles seront plus heureuses ailleurs. Mais la personne qui fait du mal, elle, ne changera pas magiquement à cause d’une personne qui serait plus merveilleuse que vous. C’est possible qu’elle en donne l’apparence sur les réseaux sociaux, parfois expressément pour vous faire du mal, ce qui est une des raisons pour lesquelles j’ai tendance à me méfier des trop grandes démonstrations de bonheur en ligne. Si vous étiez si sincèrement heureux, vous seriez en train de le vivre dans la vie, votre bonheur, vous ne perdriez pas votre temps à le montrer aux autres sur Facebook. Ce qui ne veut pas dire que je juge toutes les belles photos que je vois, n’allez pas là. Oui, moi aussi je trouve beaux les paysages que vous avez ramenés. Oui, moi aussi je suis fière de votre enfant qui a accompli quelque chose et je suis heureuse pour vous. Je parle des personnes qui vous ont blessé et que vous espionnez sur le net et que vous voyez s’évertuer à convaincre tout le monde de leur bonheur infini… Ce pourquoi ça ne sert à rien d’espionner son ex en étant triste… parfois les photos sont là juste parce que l’autre sait très bien que vous regardez et le « bonheur » que vous voyez est souvent simplement dû au fait que la nouvelle personne dans sa vie ne sait pas encore à qui elle a affaire…  ou alors c’est une personne qui accepte de souffrir et d’endurer des mauvais comportements plus que vous… ce qui n’est, à la fin, pas vraiment un bonheur non plus. 

            J’ai appris, en thérapie, que les comportements des gens et la façon dont ils traitent les autres sont plutôt stables. La façon dont une personne vous traite ne dépend pas de vous, mais d’elle et de ses problèmes. Et elle va continuer à traiter les autres comme elle vous traite jusqu’à ce qu’elle fasse un travail sur elle-même pour régler ses problèmes. Vous n’avez pas à vous diminuer ni vous culpabiliser. En vous éloignant d’une personne qui vous fait du mal, vous prenez soin de vous. Les hormones, les souvenir du corps, les fausses promesses qui vous faisaient rêver et… tout cela s’estompera et vous trouverez mieux, un jour ou l’autre. Vous aurez au moins mis fin à la source de souffrance et vous n’en aurez pas rajouté par-dessus. Vous pouvez en fait être triste pour les nouvelles personnes dans la vie de la personne qui vous a blessé. Elle risque fort de subir le même sort que vous, voire pire si elle reste plus longtemps que vous. Je me souviens d’une femme qui était amoureuse d’un collègue qui flirtait avec elle et dont la femme était enceinte jusqu’aux oreilles. Elle la traitait de salope et voulait qu’il la laisse. Elle ne se rendait pas compte qu’elle idéalisait l’homme et qu’en réalité, c’était le pauvre sort de cette femme à la veille d’accoucher avec un conjoint qui regarde ailleurs qui l’attendait… Ce qui ne me semble pas quelque chose de désirable. C’est lui qui lui faisait du mal, pas la pauvre femme trompée… mais il y a ça souvent dans les relations, une sorte de déculpabilisation de l’homme et un dénigrement des femmes. Les femmes font ça en tout cas. Elles excusent souvent les hommes et frappent sur les femmes. Probablement que l’inverse existe aussi, mais je l’ai vu personnellement moins souvent.  

            Je n’ai rien contre le fait de donner des chances à des personnes qui m’ont blessée. C’est un peu comme au baseball dans ma tête. 3 strikes. Une fois ces trois chances passées, c’est out. Généralement pour toujours. Après, ça dépend des cas. Je ne donnerais par exemple pas 3 chances de me blesser à mon violeur. J’ai donné parfois trop de chances à d’autres… La chose que tous les hommes qui sont revenus dans ma vie (et il y en a beaucoup, vous le verrez dans la suite des bandes dessinées) ont en commun, c’est qu’ils n’avaient absolument pas réfléchi à ce qu’ils avaient fait et ne s’étaient pas remis en question. Ils n’avaient pas non plus travaillé sur le problème qui avait causé ma blessure à l’origine. Ils n’avaient pas pensé à moi ni à ce dont je pouvais avoir besoin. Ils n’avaient pas non plus réellement fait l’effort de me connaitre. Ce qu’ils voulaient, c’était retrouver mon amour (puisque, apparemment, selon un de mes ex violent qui avait quand même un peu réfléchi, je suis incroyablement pleine d’amour)… Ils voulaient que je sois comme j’étais quand je les avais rencontrés, alors naïve, curieuse et émerveillée par la rencontre. Leur retour est donc à propos d’eux et non pas à propos de moi ni pour moi. Il n’est pas vraiment pour me faire du bien. Ils veulent se faire du bien à eux-mêmes et récupérer ce qu’ils ont perdu sans avoir à fournir aucun effort de changement…

            Ce que j’aurais vraiment voulu de ces hommes, c’est qu’ils me voient et me traitent bien la première fois. J’aurais voulu, puisque ce n’est pas arrivé, qu’ils effectuent un travail sur eux-mêmes, seuls ou accompagnés, afin de ne pas blesser d’autres femmes comme ils m’ont blessée. J’aurais voulu qu’ils réfléchissent réellement et pensent à moi aussi dans leur réflexion plutôt que de penser seulement à eux et à soulager leur conscience. J’aurais voulu, s’ils voulaient réellement revenir dans ma vie, qu’ils se tournent vers moi intérieurement, qu’ils se mettent à ma place en pensée et qu’ils fournissent des efforts réels pour que ce soit possible que quelque chose de beau se passe entre nous. Je suis tout à fait capable de le faire en retour. Finalement, cette réapparition du Revenant et des autres, c’est comme la dernière histoire que j’ai vécue. Je me retrouve injustement placée dans une situation où il n’y a rien de bon pour moi parce que l’autre n’a pas réglé sa situation ni ses problèmes. Et je me retrouve inutilement et injustement blessée. 

            Bonne fin de semaine et à la semaine prochaine!  

(On constate que je dessine mieux les cheveux maintenant qu’à l’époque où j’ai fait cette bd…)

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