Ce dont j’ai besoin (Partie 1)

            Je l’ai croisé dans la rue finalement, ça me semblait, ça et le fait que nous avons parlé de ce dont j’avais besoin dans une relation avec mon psy, l’objet d’un dernier billet avant de me faire avaler par la session. 

            Donc je l’ai croisé et ça m’a prise de court. Il était avec deux amis. Ça a été trop pour moi. Je me suis sentie envahie d’anxiété et de tristesse. Je me suis demandé de le saluer, puis je suis rentrée chez moi avec le chien, rapidement. J’ai dû avoir l’air de fuir. C’était un peu ça et un peu pas ça. J’ai fait ce que j’étais capable de faire. J’ai pris soin de lui aussi. Il ne m’est pas nécessaire, contrairement à d’autres personnes, de chercher à lui faire du mal, le mettre mal à l’aise, le faire mal paraître devant ses amis dont j’ignore ce qu’ils savent de la situation. Donc non, je n’ai pas voulu l’ignorer ni lui faire du mal, même si je peux imaginer qu’il n’est pas agréable de voir une personne qui nous souriais et était heureuse de nous voir avant, partir le plus vite possible en nous voyant. C’était pour moi une façon de prendre soin de lui malgré ce qu’il s’est passé et de prendre soin de moi en même temps. Je ne suis pas une personne qui fait très bien semblant et mon état émotif est encore trop intense pour que je puisse être certaine que je ne me serais pas mise à pleurer. Ce n’est pas mon genre de péter une crise à la base. C’est encore moins mon genre en pleine rue. Parler seule avec lui, ça irait, je pense, mais devant d’autres personnes, c’est un peu trop pour moi à ce stade-ci. Je sais aussi que ma tristesse ne provient pas seulement de ce qu’il a fait et qu’il serait injuste de ma part de la lui faire porter en entier. J’essaie d’être juste. J’essaie de ne pas le blesser inutilement davantage, même si oui, il est possible que je le fasse maladroitement. Mais bon… il y a aussi le fait que ce n’est pas à moi de dire aux autres quoi faire ni de tout faire pour eux. C’est une situation compliquée, ce qui me fait me pardonner un peu. 

            J’ai aussi essayé de « profiter » de la situation présente pour travailler sur un de mes mécanismes de défense les plus difficiles à déraciner chez moi, soit le fait d’assumer que l’autre n’en a jamais rien à foutre de ce qu’il a pu me faire. Alors quand je m’entends penser qu’il s’en fiche, je me pratique à me dire que je ne sais pas. Tout ce que je sais c’est que je ne sais pas et il ne sert à rien de me lancer dans des élucubrations qui me confirmeraient mon absence d’importance aux yeux des autres. Je dois aussi me répéter que, de ce que j’ai vu, ce n’est pas une personne méchante. Ce n’est pas parce que je pense que tous les hommes sont méchants, non, mais parce que j’en ai connu beaucoup des hommes méchants qui cherchaient à rajouter sur la peine qu’ils m’avaient déjà causée. Donc je travaille sur moi encore, oui. Je n’assume pas être parfaite, non. Je connais quand même assez bien les pièges de ma pensée et les effets que peuvent avoir les situations passées sur mon expérience du présent. Je sais toujours pourquoi je pense ce que je pense et ressens ce que je ressens. J’aimerais qu’on me le demande plus souvent. Je les ai, les réponses. C’est rare. Il serait bien d’en profiter.

             Donc, de quoi j’ai besoin… Les gens me font toutes sortes de commentaires qui me semblent très étranges au sujet de cette situation. On me dit, comme si j’étais une idiote, que l’amour ne naît pas en un jour… Je le sais bien et non, je ne m’attendais pas à commencer une relation amoureuse avec lui en le voyant une seule fois seule. Je n’ai pas cette naïveté-là. C’est lui qui a parlé de relation, pas moi. Ce que je m’attendais à vivre, c’est prendre un verre avec un homme que je voulais connaître plus et dont je pensais qu’il avait aussi cette envie (qui est probablement partiellement là, mais bloquée en ce moment en tout cas). Ça ne me semble pas une attente vraiment déraisonnable. Au-delà de cette attente de base, ce dont j’ai besoin, c’est de ne pas me retrouver devant une relation avortée d’avance… Mort-née. Ce que je voudrais, c’est rencontrer quelqu’un qui est réellement libre dans sa tête, sa vie et son cœur pour qu’il y ait seulement même la possibilité que cela finisse par déboucher sur une relation. On me dit souvent que c’est moi qui dois trop en demander… Je ne vois pas comment avoir envie de rencontrer un homme qui est simplement ouvert à la possibilité d’une relation puisse être trop demander. Je ne demande même pas qu’elle ait lieu, cette relation ni qu’elle soit parfaite, ni qu’elle dure toujours. Je demande seulement de ne pas me retrouver systématiquement devant des portes fermées d’avance qui font semblant d’être ouvertes. 

            J’ai besoin de ne pas être sous-estimée ni réduite, mais respectée et vue, le plus possible, dans mon entièreté et ma complexité (complexité étant le lot de tous les êtres humains et non juste de moi). Je ne veux pas être réduite à juste une fonction, ma sexualité. Je ne veux pas qu’on exige de moi que je fasse disparaître mon vécu pour être supposément plus facile à vivre et accommodante pour l’autre alors qu’aucun effort n’est fait de leur part pour l’être. J’avoue rester toujours un peu bouche bée d’incompréhension quand je me retrouve face à ces hommes qui ne sont pas disponibles intérieurement, qui n’ont pas réglé leurs affaires, qui ne travaillent pas sur leurs problèmes ni leur façon d’être ni ne questionnent les vieilles idées sur la masculinité qu’on leur a enfoncé de force dans le crâne qui s’imaginent pourtant être faciles à vivre et que je devrais me plier à leur façon d’être sans qu’eux aient aucune attention pour ce que je vis. Je précise ici que non, je ne parle pas de tous les hommes ni de cet homme en particulier. Je parle de l’ensemble des expériences que j’ai eues. Je ne doute pas une seconde qu’il y a aussi plein de femmes qui font des choses pénibles aux hommes, mais je ne les fréquente pas, donc je ne peux pas en parler malheureusement, sauf peut-être parfois par l’intermédiaire d’expériences pénibles vécues par des amis. Sinon je n’ai juste pas accès à ce qu’elles font. J’aurais aussi besoin, en ce sens, que même un seul des hommes que je rencontre me demande de quoi j’ai besoin pour me sentir bien avec lui considérant ce que j’ai vécu. Durant les 22 ans depuis la première fois où j’ai été agressée, ça n’a jamais traversé l’esprit d’aucun homme de me demander ça. Pas un seul. Il a toujours plutôt été question de comment moi je devais être pour répondre à leurs besoins à eux. C’est quand même incroyable, non? Je sais que certains ne l’ont pas demandé par gêne, ce qui peut être compréhensible, mais vu la suite de mes relations avec les autres, la plupart ne l’ont pas demandé par égocentrisme. Ce dont je pouvais avoir besoin, et qui n’est pas grand-chose en passant, ni quelque chose qui demanderait bien plus qu’un minimum de respect, de curiosité, de compréhension et de souci de l’autre, choses qui devraient être juste la base d’une relation… Donc ce dont je pouvais avoir besoin n’a jamais eu aucune importance aux yeux des hommes qui sont passés dans ma vie. La relation était toujours à propos d’eux. Toujours. 

            J’ai besoin qu’on cesse de toujours essayer de me faire croire que ça doit être moi le problème puisque ces situations pénibles se répètent. Il y a une extrême violence dans cette idée d’une simplicité idiote. Ça fait 16 ans que je suis en thérapie. J’ai donc admis il y a longtemps que je devais travailler sur moi et sur ce qui m’était arrivé. Donc ce que vous me dites quand vous me dites ça, c’est que je serais en quelque sorte un être humain si imparfait et tout croche que même après 16 ans de thérapie à travailler sur moi, me remettre en question, fournir des efforts pour réparer les blessures qui m’ont été infligées, ne pas trop affecter les autres avec ce que j’ai vécu et… Après 16 ans de travail, ce serait encore moi le problème dans tout cela? Avec tous les trous du cul, hommes ou femmes ou autres, qui reçoivent tous les jours de l’amour sans faire aucun criss d’efforts pour s’améliorer, j’ai comme l’impression que votre conclusion est fausse. Si vous le voyez si clairement, ce qui me rend inaimable et qu’apparemment mon psy et moi sommes incapables de trouver depuis 16 ans, dites-le-moi, ça me sauvera du temps. Assurez-vous cependant de bien comprendre ma vie avant de dire des niaiseries violentes… Le problème nous semble plutôt, à mon psy et moi, dans des facteurs sociétaux liés à la façon dont on traite les relations ainsi que dans les stéréotypes de genres. Mais peut-être que nous sommes juste deux cons ignorants et aveugles…    

            J’ai besoin qu’on cesse de penser que j’exagère et de sous-estimer l’état dans lequel je suis. J’ai passé en revue mes relations récemment. Ça fait 19 ans que je n’ai pas été dans une relation où je me sentais vue et où j’ai reçu de l’amour et de la tendresse sincères d’un homme. C’est vraiment vraiment long, oui, et souffrant. Ça me manque, oui. Je m’en rappelle très bien, de P. Il habitait un immeuble sur Ontario qui a ensuite été une maison abandonnée longtemps après que j’ai emménagé dans le cartier. Ça me rappelait de bons souvenirs quand je passais devant. Il est encore mon « ami Facebook ». Je ne suis plus amoureuse de lui depuis très longtemps et il a l’air heureux, ce qui me rend heureuse pour lui. Je le garde dans mes amis parce que sa présence, même diffuse, me rappelle que parfois, si je ne fais pas assez attention à mon état intérieur, c’est moi qui peux blesser horriblement quelqu’un. Parce que cette fois-là, c’était ma faute. Parce que j’étais jeune et que je me détestais et que je n’avais pas commencé ma thérapie, j’étais incapable de me laisser aimer. Dix ans après notre rupture, il m’a fait une crise dans un bar qui portait sur le fait qu’il n’avait jamais compris pourquoi je l’avais laissé et il était très émotif. Quand j’ai demandé, quelques jours plus tard, à un de ses amis s’il était ok, au lieu d’assumer que quelque chose s’était passé pour que je demande cela, son ami m’a répondu avec beaucoup de condescendance, qu’il était vraiment certain qu’il s’était remis du fait que je l’avais laissé après tout ce temps, me renvoyant l’image que j’étais une prétentieuse qui assumait que les hommes ne se remettaient jamais d’elle, ce que je ne suis pas. J’ai plutôt tendance à penser qu’on m’oublie rapidement en fait, même le fait que tant d’hommes sont revenus dans ma vie, parfois près de 20 ans plus tard, me disant qu’ils étaient encore amoureux de moi, n’a longtemps pas suffit à me donner l’impression que j’avais pu compter pour quelqu’un à quelque moment de ma vie. Maintenant je ne pense plus ça. Je sais aussi que ces déclarations d’amour à rebours étaient fausses puisque ces hommes ne me connaissaient pas ou plus du tout, à cause du temps et de la distance… mais j’ai quand même compris que oui, c’est possible que je marque les autres et que j’aie une certaine importance, du moins… C’est très long, 19 ans sans se sentir vue ni aimée. Depuis, j’ai eu des relations où je devais disparaître ou me contenter de miettes, des relations où l’autre ne faisait absolument aucun effort pour me connaître, me rabaissait, me limitait et… Puis, je n’ai plus eu de relations parce qu’elles me détruisaient trop. J’ai donc besoin de quelqu’un capable d’aimer et capable de me voir. 

J’aurais aussi besoin, par rapport à la dernière histoire, qu’on cesse de me dire que c’est triste pour lui qu’il ait le cœur brisé. C’est triste pour lui, oui, mais en même temps c’est beau. Ça veut dire que pendant un temps et jusqu’à récemment, il en a reçu, de l’amour. C’est le privilège des personnes ayant reçu beaucoup d’amour de penser que c’est un drame qu’on le leur retire même temporairement, alors qu’il y a des humains qui doivent subsister pendant des années, parfois toute leur vie, sans amour. Ça n’enlève pas le droit au chagrin, qui est normal et sain, bien sûr, mais ça relativise un peu les choses. Je ne veux pas, en écrivant cela, que les gens trouvent que je fais pitié et se disent « pauvre elle ». Oui, il y a eu beaucoup de tristesse et de douleur dans ma vie, beaucoup de violence aussi, mais je l’aime quand même. Je pourrais me regarder le nombril en me disant pauvre de moi… mais ce n’est pas comme ça que je la vois ma vie même si je reconnais ma souffrance. Je trouve que c’est une belle chose, d’avoir eu une vie si atypique. C’est intéressant. Ça me permet aussi d’être utile. J’ai travaillé fort pour rendre ma connaissance intime de la violence quelque chose qui me permettrait d’être là pour les autres, que ce soit dans ma vie privée, dans mon art ou en classe. Après avoir lu une partie du blogue, une femme m’a récemment parlé d’une relation violente qu’elle avait vécue. C’était la première fois qu’elle en parlait à quelqu’un. Je sentais qu’elle pensait encore que c’était sa faute si elle avait vécu cela. J’aurais aimé qu’on lui dise avant, mais j’ai été la première personne à lui dire que ça n’avait rien à voir avec elle, qu’elle n’était pas la seule femme, cas pourri particulier méritant la violence de cet homme et que les personnes qui agissent comme ça agissent comme ça avec tout le monde. Le problème est en eux. J’étais heureuse de pouvoir lui dire avec aplomb, puisque je sais, maintenant, que c’est vrai. Je resouligne que je ne pense pas, malgré ma blessure, que ce dernier homme dont je me suis approchée est un homme violent. Pour ce que je sais de lui ça ne me semble pas le cas.    

Je continuerai plus tard. Je vous laisse une photo du beau Cassius au réveil avec sa tête d’endormi ne voulant pas se lever, Cassius qui me donne quand même une forme d’amour et d’affection, oui. Je pense publier les vendredis ou samedis dans les semaines à venir. 

À plus! 

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