Les déceptions sentimentales (partie 5)

The garden’s overgrown
And I run in thе middle of the road

Well, can you see me? I cannot see you

Cassandre – Florence + the Machine

 

            La semaine dernière, mes étudiantes ont fait un genre de quiz au début de leur exposé oral. Elles ont demandé si ça nous était déjà arrivé de passer une semaine dans un tout inclus dans le Sud. Comme j’étais toute seule avec elles dans la classe. Il y a eu une seconde de silence gêné quand j’ai répondu d’un « Non! » assez ferme. Puis elles ont commencé à rire, parce qu’elles me connaissent un peu et ont bien l’idée que ce n’est vraiment pas mon genre d’aller m’étendre sur une plage dans un hôtel de luxe dans un pays où de l’autre côté de la rue les gens crèvent de faim. Elles ont répondu que d’habitude la réponse serait probablement oui et elles ont continué leur oral. J’ai aimé ce moment, parce qu’il me représente assez bien. Il représente bien mon rapport au monde, à la norme, à ses choix, à l’aveuglement dont font preuve tant de gens. 

            Je pense que mon rapport aux relations ressemble un peu à ça aussi. Je pense que je suis parfois très loin d’avoir la même représentation de ce que peut être une bonne relation, de ce qu’est une relation tout court. Je n’accepte pas qu’on vienne dans ma vie comme on va dans un tout inclus : pour ne pas avoir de soucis. Et pourtant ce n’est pas moi qui cause des soucis la plupart du temps. J’entends les adeptes de la sagesse populaire me dire que ça ne peut pas toujours être l’autre le problème et que si c’est toujours l’autre ça doit vouloir dire que c’est moi le problème. C’est une interprétation simpliste de la vie. Une interprétation qui n’a pas tellement de valeur. Quand j’entends cette phrase sortir de la bouche d’une personne qui prétend me connaître, j’ai toujours la bouche qui tombe. Je n’ai aucune idée de pourquoi tellement de personnes semblent incapables de faire des liens ni même de simplement « porter l’autre en soi » comme j’aime parfois dire. Porter l’autre en soi, pour moi, ça veut dire avoir une représentation la plus juste possible de l’autre qui tient compte de tout ce que la personne nous a dit d’elle depuis qu’on la connaît. Je me sens trahie quand des personnes qui prétendent me connaître depuis dix ans (voire plus) sont surprises que je manque de confiance en moi ou que je puisse douter de moi. Je n’arrive pas à me figurer comment ça pourrait être une nouvelle nouvelle. Je ne comprends pas que ces personnes n’aient pas intégrer le fait que j’ai pensé que c’était toujours moi le problème dans toutes les situations jusqu’à l’âge de 37 ans. Je ne comprends pas non plus pourquoi elles ne semblent pas capables de comprendre que si je suis en thérapie depuis 15 ans, c’est justement parce que j’assume que j’ai des problèmes et que je travaille ardemment à les régler, peu importe le prix. 

            Mais si jamais j’osais leur demander s’ils ont une conscience de l’autre et sont capables de faire des liens entres les choses, ils me considéreraient immédiatement comme une vilaine, une condescendante ou je ne sais quoi d’autre. Alors que pour moi, être consciente d’à qui je parle et de ce que je sais de cette personne est à la base de ma façon de considérer ce que l’autre fait ou dit. Nous vivons dans une société où il me semble que parfois les gens ne voient pas les autres. Ça me fait rire quand on me dit que c’est moi qui suis égocentrique, alors qu’il me semble passer tout mon temps tourné vers l’autre à faire les activités qu’il veut comme il veut et endurer une infinité de choses qui me semblent souvent, mais pas toujours, des caprices sans jamais avoir le droit de demander quoi que ce soit. Ok, je ne fais pas de simagrées qui insinueraient les efforts que je fais, mais il me semble que j’en fais une infinité face à ce qui est fait pour moi. Mais où est-ce que je m’en vais avec tout cela?

            Je m’en vais vers la tristesse infinie que j’ai quand on me fait des remarques sur mes relations. Des remarques qui impliquent souvent une forme de condescendance, mais surtout le fait de ne pas être vue et de ne pas avoir le droit d’exister. Et ce sont des choses qui me font énormément souffrir dans les relations. Parfois on me dit directement que la raison pour laquelle je ne suis pas en couple est que j’en demande trop ou que je suis trop difficile. Est-ce que c’est vraiment trop demander que d’être vue pour qui je suis et que l’autre se pose au moins un minimum de questions sur comment ses actions vont m’influencer? Est-ce que c’est trop demander de penser que, peut-être, mes amis (ou amoureux) auraient une certaine conscience de ce que j’ai vécu et de comment les relations peuvent être difficiles pour moi après tout cela? Surtout que j’en parle. Les gens ne peuvent pas dire qu’ils ne savent pas puisqu’ils me reprochent souvent de trop en parler. La question pour moi est de savoir pourquoi ils ne savent pas. Pourquoi ils ne retiennent rien. Pourquoi ils me servent des phrases vides de « sagesse populaire » qui ne tiennent aucun compte de ma réalité au lieu de juste avoir de l’empathie et de comprendre qu’en fait les choses que je vis sont fondamentalement normales et, jusqu’à un certain point,  banales pour une femme du 21e siècle. Parce que les femmes agressées ne sont pas une exception. Elles sont plus souvent la règle. Ça me scie en deux quand on me demande pourquoi ça m’arrive à moi, comme si j’étais la seule à qui ces choses arrivaient. Alors que les statistiques démontrent clairement l’omniprésence des violences relationnelles. Il y a de la violence dans 8/10 couples à Montréal. Et une femme sur trois sera agressée au moins un fois dans sa vie. Au moins, ça veut dire que plusieurs le sont plusieurs fois. Parfois à répétition. Il me semble que j’aurais droit à un peu de respect pour ne pas m’y soumettre et avoir le courage d’y réfléchir au lieu de me cacher dans une relation de marde parce que j’aurais peur d’être seule, chose que font tant de gens.  

            Ça me scie aussi en deux quand on me dit que ce n’est pas parce qu’un homme est d’une telle façon que tous les autres le seront. Comme si je n’y avais pas pensé. Comme si ce n’était pas exactement la phrase que je me répète depuis 25 ans maintenant et qui me permet intérieurement en bonne partie (parce qu’il y a d’autres raisons) de faire table rase et de, à chaque fois, être enthousiaste pour les nouvelles rencontres comme si j’avais encore 15 ans et que toutes les horreurs que j’ai vécues ne s’étaient jamais produites. Je pense que souvent les gens devraient arrêter de prendre les autres pour des cons et de leur servir des phrases toutes faites. Je pense que les gens devraient s’efforcer de voir les autres, au moins un peu, au lieu d’être pris dans leur nombril. 

            Je vais arrêter ici entrer plus en profondeur dans le prochain billet. J’ai vu que plusieurs personnes attendaient la suite parce que plusieurs ont visité le blogue dans les derniers jours. J’étais occupée à finir mes corrections pour être enfin en vacances. Je serai plus régulière maintenant. Je finirai aussi par revenir à l’expérience qui a servi de base à la rédaction de cette réflexion. 

            À plus!          

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