Les faces de dégoût (Partie 1)

            Je vais encore bien. Étrangement, j’ai une bonne humeur qui ne diminue pas malgré tout ce qu’il peut se passer et malgré le fait que je suis complètement épuisée et que j’ai hâte que les deux sessions se terminent. J’ai juste envie de créer et lire et ne pas trop parler. J’ai envie de ne plus être regardée sans arrêt aussi. Même si j’aime beaucoup enseigner, il y a des choses que j’apprécie moins, dont le fait d’être toujours vue. J’ai réussi à vaincre ma peur de parler en public, mais je reste une introvertie avant tout et cela finit par m’épuiser d’être devant les autres et de toujours devoir donner quelque chose. J’apprécie parfois plus la solitude, honnêtement.

            Je remarque le fait que je suis un peu au bout du rouleau parce que je n’ai plus de patience pour beaucoup de comportements humains. J’en ai déjà peu en général, mais quand ça me pèse autant, c’est le signe que je devrai passer beaucoup de temps seule durant les semaines après la session. Je suis tellement fatiguée que j’ai l’impression que je dormirai pendant 3 semaines. Ça fera vraiment beaucoup de bien si c’est le cas. 

            Ces jours-ci, j’en ai après les faces de dégoût et les commentaires mesquins. Je ne pense pas que la plupart des personnes qui font ces choses sont vraiment conscientes de ce qu’elles font. Ça n’enlève pas que c’est quand même blessant et énervant. J’avoue rêver d’avoir le courage de les prendre sur le fait en photo avec mon cellulaire et de leur envoyer leur portrait quand ils font cette face-là après, juste pour qu’ils voient, qu’ils puissent prendre conscience un peu de quoi ils ont l’air et de tout ce qui est exprimé dans ces plis de nez et autour des yeux et la moue épouvantable que ça fait. J’ai décidé d’en faire un projet artistique finalement. J’ai d’abord pensé à un mur de photos, mais ça pose trop de problèmes à cause du droit à l’image. Ça m’étonnerait aussi que ces personnes me donnent le droit d’exposer leur photo comme ça aussi puisque ce n’est pas très élégant comme expression faciale. Une des choses qui me marque avec le port du masque, c’est qu’il est encore super facile de reconnaître une face de dégoût quand on en croise une. Si seulement on avait pu avoir la paix, pour un temps… Ça aurait allégé l’atmosphère… mais non. Apparemment ce ne sont pas ces masques-là qui freineront l’épandage du dégoût. J’ai quand même trouvé un autre projet qui me permettra de défouler pleinement ma frustration. Je le garde secret pour le moment, mais il devrait m’occuper et m’amuser pendant un temps cet été. 

            En attendant il y a des souvenirs qui me tournent en rond dans le cerveau parce que je suis trop fatiguée et occupée par les corrections. Un de ces souvenirs est un incident assez mineur dans les faits, mais il me trouble quand même. Il me trouble peut-être plus parce que ça semble mineur justement. Donc c’est arrivé quand j’étais allée participer à une activité organisée par une femme dont je pensais qu’elle m’aimait bien. On parlait de façons de s’apaiser à la suite des violences vécues. J’ai alors parlé d’une compagnie que j’aime bien et de certains de leurs produits que j’utilise, dont un applicateur d’huile essentielle à la menthe poivrée et d’autres mélanges d’huiles essentielles que j’utilise en diffusion dans mon appartement quand ça ne va pas. Les huiles essentielles ne guérissent peut-être rien, mais elles influencent quand même l’humeur. J’en reparlerai. 

            La femme qui m’avait invitée s’est alors mise à respirer très fort et à dire « Ben voyons! Ben voyons! Franchement! » en secouant la tête et elle me regardait comme si j’étais un tas de merde fraîchement fait devant elle. La bouche tordue par une moue dégoûtée. Elle a ajouté : « Franchement! Un applicateur pour les huiles essentielles! Des mélanges! Tu peux les faire toi-même les mélanges! » et d’autres choses du genre. Elle parlait très fort et elle avait une respiration vraiment intense qui lui tordait le corps. On aurait dit qu’elle assistait à l’éventrement d’un enfant et que c’était insupportable. Elle avait aussi un regard découragé et agressif à la fois. Elle s’est finalement éloignée en secouant la tête et je suis rentrée chez moi, troublée.

            Premièrement, j’ai un seul applicateur. Je l’ai depuis 10 ans et je le recharge. Je l’aime. Il est solide. Il ne risque pas de couler dans mon sac sur les copies des étudiants. Il fonctionne bien et est plus efficace et étanche que tout ce que je pourrais faire à la maison. Ensuite il contient la bonne quantité d’huile diluée comme il faut puisque se mettre de l’huile essentielle pure sur la peau n’est vraiment pas intelligent. Deuxièmement, je n’ai pas envie d’acheter 10 bouteilles différentes d’huiles essentielles pour faire des mélanges moi-même. Je n’en utilise pas assez et je suis satisfaite des choix que fait la compagnie dont je parlais. Troisièmement. Je l’aime, cette compagnie. Je pense qu’elle fait de bons produits et je suis heureuse de les encourager. Je sais que je n’ai pas du tout à justifier mon choix, mais bon, je tenais quand même à le préciser, parce que la simple idée que je suis assez intelligente et soucieuse de l’environnement pour faire des choix éclairés et qui conviennent à ma vie en évitant un gaspillage inutile n’a jamais traversé l’esprit de cette femme qui prétendait pourtant me connaître. Si je passais dix applicateurs par mois, je pourrais toujours comprendre, mais là… c’est juste une attaque mesquine et irréfléchie. Un jugement sauvage d’une femme qui prétend vouloir « juste du doux ». 

            Je comprends qu’il y a probablement quelque chose en dessous et que ce n’est peut-être pas tout ce qu’elle a contre moi, mais c’était quand même troublant. Je n’aurais jamais imaginé qu’on puisse m’attaquer ainsi pour un seul applicateur d’huile essentielle… Comme quoi je suis bien innocente et naïve parfois… Ce qui m’a troublée, c’est surtout l’absence de questions et l’intensité effrayante de la réaction. Aussi le fait qu’elle puisse passer aussi vite d’un sourire se voulant bienveillant à une expression comme si elle allait me vomir dessus pour une niaiserie pareille et dans une absence totale d’information face à ma pratique et mes raisons. Ça me fait peur, les gens comme ça. Sa face me hante encore les jours où je vais moins bien.  

            Je dois retourner travailler, mais je continuerai avec l’histoire du tatouage d’hyène bientôt. C’est un peu la même chose. Et je réfléchirai au dégoût et j’expliquerai pourquoi ça me trouble autant. 

            Bonne journée!   

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