J’ai décidé de changer de titre, comme vous voyez pour continuer les billets qui s’intitulaient « Noël » auparavant. Je veux préciser que je suis tout à fait consciente que les choses que je dis s’appliquent à des personnes qui vivent la situation pandémique en ne se trouvant pas dans des situations de misères physique et mentale réellement effroyables. J’ai vu ma pensée et mes points de vue caricaturés assez souvent pour savoir maintenant qu’il y a toujours un risque élevé que cela se produisent et si je doute souvent de l’honnêteté réelle des personnes qui font ce type de commentaires et que je me demande pourquoi elles choisissent toujours la pire interprétation possible, je préfère quand même essayer de prévenir les coups parce que je suis épuisée et écœurée des luttes inutiles qui me font perdre mon temps. Donc oui, je suis consciente que les mesures sanitaires et la pandémie sont terribles pour plusieurs personnes, dont les sans-abris. Cela n’a jamais été exclu de mes préoccupations. Ce qui motive les remarques que j’ai faites dans les derniers mois et maintenant, c’est le fait qu’autour de moi, ce ne sont pas du tout les personnes qui vivent dans la pauvreté ou qui manquent d’instruction qui ont causé le plus de problèmes ou qui ont fait preuve d’égoïsme. Ce sont au contraire les personnes instruites et aisées qui ne sont habituées à aucune forme de privation qui ont été dans la plainte et la nuisance. Et ça, ça m’a beaucoup découragée. J’aurais préféré qu’elles prennent conscience de leur chance et cherchent à diminuer les problèmes plutôt qu’à retrouver à tout prix un confort qu’au fond elles n’ont jamais vraiment perdu.
Je ne suis pas non plus en train de dire qu’il est anormal que les gens souffrent de l’isolement pandémique, ni que je ne veux pas en entendre parler. Je veux simplement inviter les personnes à se questionner sur la nature réelle de ces souffrances et sur l’impact que leurs plaintes peuvent avoir sur les autres. Parler de sa souffrance en tant que telle n’est pas se plaindre. Ce n’est pas du tout la même chose. Se plaindre qu’on ne peut pas regarder un film parce que la télé n’est pas assez récente ou immense et que c’est une souffrance impossible à surmonter, ça, c’est se plaindre pour rien, en plus de rabaisser la vie de la personne qui vous a invité… C’est faire l’enfant gâté.
Une des choses que j’aimerais conseiller aujourd’hui, c’est de cesser d’être cynique et de gâcher le bonheur et le plaisir des autres. Ça peut bien sûr nous arriver à tous de ne pas aimer quelque chose qu’une personne aime et de le lui dire. Nous ne sommes cependant pas obligés d’en faire une destruction en règle… Ça peut tous nous arriver aussi de le faire quand même. Ce n’est pas un appel à la perfection. Plutôt une demande que les personnes qui rabaissent constamment ce que les autres aiment cessent de le faire et mettent plutôt leur énergie à chercher ce qui les intéressent et ce qu’ils aiment. Avant de donner des exemples, je vais confesser deux fois où je l’ai fait. Je dirais, avec le recul, qu’une des deux fois ne me semblait pas nécessaire, mais que je maintiens la deuxième sans aucune gêne.
J’ai descendu le film Amélie Poulain devant des personnes qui l’apprécient beaucoup. Je ne l’ai pas fait pour les blesser, mais parce que je suis tannée qu’on infantilise les femmes et qu’on soit dans les contradictions par exemple en adorant les personnages capables d’émerveillement à l’écran alors que dans la vie on les traite comme des débiles. Ça reste une bonne raison de ne pas aimer le film, dont j’apprécie pourtant beaucoup le réalisateur. J’avais d’autres bonnes raisons aussi, mais dans ce cas particulier, ça aurait été ok que je continue à garder pour moi le fait que je n’ai pas apprécié le film ni les idées qui le sous-tendent. L’autre chose que beaucoup de personnes aiment que j’ai descendue est la méthode KonMari. Pour cela, je ne change pas d’idée. Je trouve son approche fondamentalement hypocrite et à la limite dangereuse. Dangereuse parce qu’elle renforce le mythe et la pression liés à l’idée fausse que les êtres humains doivent être heureux 24h sur 24 et aussi celle voulant qu’aimer les objets soit superficiel ou le signe que quelque chose ne va pas. Il y a différentes façons d’avoir un lien avec les objets et celles-ci sont infiniment plus complexes et intéressantes que la simple question de savoir s’ils nous rendent heureux ou pas. L’idée entourant le fait de ne pas s’attacher aux objets a à voir avec le fait qu’il ne faut pas remplacer nos relations humaines par ceux-ci… Si vous accordez de l’importance déjà à vos relations humaines, le fait de vous intéresser à des objets ne fait pas de vous une personne superficielle ou conne automatiquement. C’est ridicule et complètement superficiel, cette fois réellement. Je ne l’aime pas non plus parce qu’elle a été à l’origine d’énormément de pollution, mais aussi parce qu’une fois qu’elle a fait que tout le monde se débarrasse de ses objets, elle a ouvert une boutique où elle vend quoi? Des objets! Des objets qui eux nous rendent supposément heureux… C’est comme immonde d’hypocrisie et d’opportunisme et non, je ne changerai pas d’idée là-dessus.
Bon, ce sont mes exemples des dernières années pour prouver que parfois ça m’arrive. Il reste que la plupart du temps j’essaie de faire attention et d’avoir du respect pour ce que les autres aiment. Je vais même souvent regarder un épisode ou lire un livre sur des sujets qui à première vue ne m’intéressent pas, juste pour essayer de voir ce qui attire les autres. Parfois aussi je pose des questions parce que ça m’aide à mieux connaître l’autre personne. Ce sont des choses qu’on fait rarement de façon réciproque pour moi. J’ai droit plutôt à des remarques comme quoi ce que j’aime est de la merde ou d’autres choses bien pires… ou parfois moins.
Par exemple pour Bones. J’aime bien Bones et j’ai vu tous les épisodes. Je l’avais dit à un homme une fois qui s’était empressé de me faire une crise voulant que ça n’avait pas de bon sens et que c’était de la merde parce que Bones n’avait pas toujours ses gants et que ce n’était pas scientifique. C’est quelqu’un qui veut absolument que les choses qu’il regarde soit comme dans la réalité. Je ne suis pas comme ça. S’il m’avait posé la question de pourquoi j’aime ça, je lui aurais répondu que, à ma connaissance, c’est une des rares séries (peut-être la seule ou la première, ce serait à vérifier, mais je n’ai pas le temps ni la nécessité de le faire dans ce cadre) dont le personnage principal est une femme qui a deux exceptionnalités sur le plan neurologique. Elle est à la fois surdouée et dans le spectre de l’autisme. Ça m’intéresse, moi, de voir comment elle est représentée et comment on met en scène les inévitables difficultés relationnelles que cela cause. Il me semble que c’est une raison suffisante de regarder l’émission. Les relations que les personnages ont entre eux sont aussi intéressantes à suivre. Finalement, l’autre point essentiel qui m’intéresse, c’est le rapport à la mort qui est présent dans l’émission, qui n’en est pas un de dissimulation ou d’horreur. La mort est là, dans tous ses états, et les personnages vivent avec elle au quotidien. Ça, je trouve ça fascinant parce que c’est contraire à la façon dont nous traitons généralement la mort en Occident. Ça ne veut pas dire que chaque épisode est réfléchi à fond, mais moi, ça me fait m’interroger sur beaucoup de choses et réfléchir et c’est très stimulant. À la lumière de ça, le fait que, parmi tous les détails auxquels il faut penser quand on réalise un épisode d’une série comme celle-là, le fait qu’elle ne porte parfois pas de gants me laisse honnêtement complètement indifférente. Ça m’étonnerait que des scientifiques regardent l’émission et se disent soudainement que c’est une bonne idée et qu’eux aussi vont arrêter de porter des gants. Cette absence de gants n’a aucun effet nocif réel dans la réalité et je peux en faire abstraction pendant mon visionnement. Cela n’entraînera jamais un mouvement massif de révolte contre les gants en science… Enfin, la série n’a pas une visée d’exactitude scientifique, même si je pense que les informations qui y sont sont généralement valides. La série vise plutôt à raconter la vie de l’autrice, une femme neuro-atypique et c’Est suffisant en soi.
Il m’a souvent fait ça, cet homme, même parfois pour des séries qui me laissaient un peu indifférente, mais que je lui avais dit avoir vues. Ce qui m’intéresse vraiment dans ça, c’est le plaisir qu’il mettait à rabaisser ce que j’aimais et à trouver des arguments qui montraient qu’il pensait réellement avoir raison. Tellement de temps perdu. Qu’est-ce qu’il pensait faire? M’éduquer sur c’est quoi une bonne série télévisée? Ça va, merci… Je peux choisir. Une fois il a même pris la peine de me dire que je n’allais pas aimer ce qu’il avait à dire avant d’entamer une descente en règles d’une série que je lui avais dit avoir vue mais dont au fond je ne pensais pas grand-chose. Je l’avais vu et c’était divertissant. C’est tout. Ça va, hein? Je passe mon temps à remplir mon cerveau de connaissances. Parfois j’écoute des choses pour me distraire et elles n’ont pas à être parfaites ni d’un niveau intellectuel très élevé. J’ai besoin de repos, comme tout le monde et le mien ne se passe jamais au soleil sur le bord d’une piscine parce que je n’aime pas ça. Je ne ressens pas pour autant le besoin de détruire le plaisir des personnes qui aiment faire ça… mais elles se sentent toujours curieusement obligées de me dire que je suis vraiment bizarre de ne pas aimer ça. C’est dur à supporter pour plusieurs personnes, la différence. Mais ce qui m’intrigue vraiment, c’est l’espèce de plaisir cruel qu’il prend à dire du mal de ce que les autres aiment. Si je n’aime pas ce qu’une autre personne aime, je vais me demander si c’est nécessaire que j’en parle… Je pense que ça le fait se sentir supérieur de faire ça… mais cette supériorité n’est que du vent si vous voulez mon avis et reflète plus un mal-être qu’une réflexion intelligente sur la relation avec autrui.
Ces temps-ci, j’écoute Call the Midwife. Je prends le risque de le dire même si je sais que certaines personnes me diraient des horreurs. Je préciserai que oui, certains passages sont cul-cul… mais on s’en fiche! C’est une série qui depuis 11 ans traverse l’histoire de l’évolution des droits des femmes et aborde des sujets de nature extrêmement sensible… et elle le fait très bien. Donc même si non, ce n’est pas la réflexion intellectuelle la plus poussée sur ces sujets, ce n’est pas de la merde non plus. Je pense que ces sujets sont abordés d’une façon qui fait que la majorité des gens peuvent comprendre les problématiques et évoluer par leur visionnement et ça, c’est magnifique et très utile.
La même personne, quand je lui ai dit m’être acheté un ukulélé, s’est mis à rire de moi et à me dire qu’il me fallait maintenant une salopette et un brin d’herbe dans la bouche. Et il revenait sans arrêt là-dessus. Je n’ai pas perdu mon temps à lui dire qu’il se trompait à la fois d’instrument et de pays et qu’il pensait à un banjo et non à un ukulélé… Mais lui il trouvait ça tellement drôle de ridiculiser mon plaisir… Mais dans les faits, lui, il s’ennuyait, alors que moi je ressentais du bonheur à apprendre un instrument. Qui est vraiment le plus sain des deux?
La suite bientôt.
Bonne journée!
