Avoir su que je serais si fatiguée et que j’écrirais si lentement, j’aurais choisi un autre titre… un qui n’est pas dépassé depuis plusieurs jours… Il reste cependant que les choses que je dirai aujourd’hui peuvent également aider à passer un meilleur jour de l’an en isolement, donc ce n’est pas si mal, finalement.
Cette histoire d’écrire tous les jours dont je parlais dans le dernier billet, elle aide à vraiment beaucoup de choses. Elle aide à prendre l’habitude de faire le retour vers soi pour se questionner. Cela n’a rien d’égocentrique. Ça m’est arrivé certaines fois dans ma vie de me faire dire que je ramenais beaucoup les choses à moi. Je pense que c’est une erreur de perception et que les conclusions qui en sont tirées sont fausses. Ce n’est pas parce qu’on pense à soi, qu’on s’intéresse à l’intériorité, qu’on a appris à se connaître, qu’on analyse certaines situations à partir de nos expériences passées que l’on est égocentrique. Oui, je passe beaucoup de temps à penser à moi et à me connaître. Ça a à voir avec le fait qu’on m’a longtemps interdit d’exister, dénigrée, insultée, ignorée et… et qu’on me le fait encore quand même assez souvent. Durant mes 15 années de thérapie, j’ai appris à me connaître et à me donner le droit de vivre, que cela plaise ou pas aux autres. C’est justement cette excellente connaissance de moi qui me permet de m’oublier un peu et de patienter quand la situation l’exige, comme c’est le cas pour la pandémie.
Une chose que j’aimerais vraiment que tout le monde fasse plus, c’est se poser des questions sur les autres, leur poser des questions sur pourquoi ils font et aiment les choses. Je trouve que ça manque énormément. Cela m’arrive souvent de me demander à qui les gens parlent quand ils me parlent parce que souvent ce qu’ils me disent n’a rien à voir avec ce que je pense ni ce que je suis. J’en viens à la conclusion que beaucoup de personnes qui ont prétendu être mes amis ou qui ont fait partie de ma vie un temps, n’ont en fait aucune idée de qui je suis. Il y a une part qui relève de moi, c’est sûr. Probablement que je ne parle pas assez de ce que je pense et… mais il y a définitivement une part qui vient des autres, d’un manque de curiosité et d’écoute, d’une absence de questionnements, parfois aussi d’une volonté d’écraser qui découle d’une insécurité et d’un mépris intégrés.
Donc au lieu de proposer des activités en tant que telles, je vais proposer des questionnements. Par exemple : d’où vous vient l’idée que les choses sont plus agréables quand elles sont faites à plusieurs? Mon expérience négative des groupes provient beaucoup des expériences de mon enfance. Elle n’est pas objective, je le sais, mais elle m’amène à voir les choses différemment. Par exemple dans les partys des fêtes de fin d’année, mon père s’engueulait toujours avec quelqu’un et cela virait inévitablement au cauchemar. Je ne ressens donc aucune tristesse à ne pas célébrer les fêtes et je n’aime pas qu’on essaie de me forcer à le faire. J’ai refusé beaucoup d’invitations au fil des ans. Je les ai refusées pour les autres, parce que je savais que cela me rappellerait de mauvais souvenirs et que je risquais d’être pénible pour les autres. Je préférais donc rester seule que de nuire aux autres. J’ai développé mes propres traditions. Par exemple, pour le jour de l’an, au lieu d’aller dans un gros party et de boire au point de me rendre malade comme je le faisais dans la vingtaine, j’aime m’asseoir chez moi avec du papier et des crayons (et parfois un verre, oui) et dresser la liste de tout ce que j’aimerais accomplir durant la prochaine année. C’est plus enthousiasmant, enrichissant et efficace pour moi de faire ça que d’effacer superficiellement les mauvais souvenirs de l’année passée en me saoulant la gueule en groupe. Ça aide à me mettre en mouvement aussi, à donner des lignes directrices à ma vie pour les prochains mois. C’est une des raisons pourquoi j’arrive à accomplir autant de choses dans une année, chose qui surprend souvent les autres. J’ai entendu si souvent la fameuse phrase « Je ne sais pas comment tu fais… ». Bien je prévois ce que je veux faire puis je le fais par étapes. Je me donne le droit de rêver aussi et de chercher par la suite des moyens concrets et des connaissances qui me permettront d’atteindre mes objectifs. Un pas à la fois. Certaines personnes fonctionnent mieux avec un seul projet. Parce que je suis surdouée, parce que j’ai le cerveau qui change de poste très vite et très souvent, je trouve plus stimulant d’avoir plusieurs projets qui avancent simultanément. C’est à vous d’apprendre à vous connaître et à trouver la façon la plus efficace de fonctionner pour vous.
Par rapport à cette histoire de solitude, il y a quelques semaines, une collègue était surprise que je parte en voyage seule et que je ne connaisse aucune personne où j’allais. Ça, ça semble dépasser beaucoup de personnes. Certaines ont peur, peur de l’inconnu, peur de s’ennuyer et… Je pense qu’il y a beaucoup de personnes qui craignent leur propre compagnie (parfois la détestent aussi) et qui n’ont jamais appris à être seules et à faire les choses seules. Je trouve cela triste pour ces personnes. C’est sûr que oui, c’est agréable de partager de bons moments. C’est cependant tout aussi agréable de faire les choses seul et de partager nos expériences après si on en a envie. Ça permet d’apprendre à se connaître et de prendre confiance en soi. Je préfère voyager seule, personnellement. Depuis quelques années, je voyage avec un chien, ce qui est un peu rassurant pour la part plus anxieuse de ma personne. Je n’ai jamais vraiment aimé voyager avec quelqu’un en fait. La plupart du temps, ça a pour conséquence que je me retrouve en train d’attendre après l’autre et ça devient très vite très pénible pour moi au sens où je dois souvent m’adapter au rythme de l’autre, mais que les efforts en sens inverse ne viennent pas. Il n’y a pas beaucoup de personnes qui font l’effort de s’adapter à mon rythme ni même qui se questionnent sur mon rythme tout court. Enfant, je l’ai déjà dit, je n’avais pas le droit d’avoir des besoins différents de ceux de mon père. J’ai appris très tôt qu’il me fallait être extrêmement rapide et efficace pour éviter les crises de nerfs et me conformer au rythme de l’autre. Je suis prête à partir vite, je marche vite, je m’organise vite et… Tout cela a pour conséquence que quand je pars avec quelqu’un, je retombe facilement dans ce rapport et je me soumets à l’autre pour éviter les problèmes… mais ça a pour conséquence que je fais alors le voyage de l’autre au lieu du mien qui serait très différent si j’étais seule… C’est en bonne partie pour cela que je pars seule. Aussi, parce que je refuse d’être une femme qui craint de faire les choses seule.
J’ai aussi été longtemps comme ça dans les relations au quotidien, mais je le suis moins. J’avoue cependant que quand je vois les autres ne pas penser aux autres autour et à leurs besoins, cela m’énerve profondément. Les personnes qui prennent des heures à choisir et font attendre d’autres personnes dans la file d’attente, les personnes qui emballent leurs choses super lentement même s’il y a foule à l’épicerie, les personnes qui bloquent le trottoir, les personnes qui font du bruit intensément à toute heure du jour et… Durant la pandémie, ça s’est incarné pour moi dans le « j’ai le droit » évoqué à toutes les sauces… J’ai le droit d’aller voir ma mère qui habite à 300 km, j’ai le droit de voir d’autres personnes parce que je suis seul, j’ai le droit de… Ces droits-là, pour moi, ils étaient à considérer comme à prendre dans des situations d’urgence. Oui, j’ai le droit d’inviter quelqu’un chez moi parce que je suis seule, mais pour moi, parce que je voulais éviter de multiplier les contacts, j’ai choisi de ne voir personne en personne tant que je le pouvais pour éviter de contribuer à propager le virus. Plusieurs personnes ont interprété mon repli de la vie sociale comme une peur du virus. C’est sûr que ma santé a joué un peu. Je suis asthmatique. Je me suis fait gueuler après par plusieurs personnes que les personnes asthmatiques n’avaient pas plus de risques de souffrir du virus que les autres. C’est faux. Si une personne attrape le virus dans une période où son asthme n’est pas bien sous contrôle, où il y a de l’inflammation dans ses poumons, elle sera plus affectée qu’une autre personne. Ce n’est donc pas à prendre à la légère du tout. Mais au-delà de ça, ce qui a vraiment été le centre de ma décision, c’est un choix altruiste. Le choix de contribuer à minimiser le plus possible les risques pour les autres en diminuant mes contacts le plus possible. J’ai été capable de faire ce choix de rester seule de façon sereine parce que je me connais bien et que je sais aussi que je peux survivre extrêmement longtemps (au moins 19 ans) en ne voyant pas comme urgents tous les besoins que je ressens.
Je pense que beaucoup de personnes ne savent pas qu’elles sont capables de faire ça, qu’elles se racontent qu’elles ne le sont pas, alors que c’est faux. Je pense que plusieurs personnes ne se connaissent pas et n’ont pas appris à apprécier leur présence. Je pense que plusieurs personnes confondent « manque temporaire » avec « insupportable souffrance ». Je pense que plusieurs personnes ne questionnent pas les idées reçues et ne font pas assez preuve d’inventivité dans les moyens de communication et de rencontre de l’autre qui sont à notre disposition. Je pense que beaucoup de personnes confondent « J’ai le droit » avec « je dois le faire ». Ce n’est effectivement pas parce qu’on a le droit de faire quelque chose qu’on doit impérativement le faire. Durant la pandémie, j’ai adopté la stratégie voulant que tant que je n’avais pas absolument besoin de sortir et de voir des humains en personne, je ne le ferais pas. C’est un choix personnel qui découle de mes valeurs profondes qui impliquent de me soucier des autres, de leur vie et de leur bien-être… et agir de cette façon m’a permis d’être en accord avec moi-même et d’avoir une bonne estime de moi qui a contribué fortement à mon sentiment de bien-être et de paix pendant la période de plus grand isolement de la pandémie.
Je dirais aussi qu’une des choses à faire pour éviter de se sentir seul, c’est de se soucier des autres, de parler à tout le monde, de vraiment regarder et écouter les autres. Parlez à la pharmacienne, au caissier, au facteur, à votre médecin, à votre voisine, aux gardiens de sécurité… à TOUT le monde que vous croisez. Il y a une caissière que j’aime bien au IGA du centre-ville. À un moment donné, je me suis aperçue qu’elle souffrait beaucoup d’isolement même si elle était parmi les personnes qui voyaient le plus de gens durant la pandémie. Les gens avaient arrêté de lui parler et elle se retrouvait seule derrière son plexiglas. Je me suis mise à avoir de vraies conversations avec elle, les rares fois où je faisais des expéditions à l’épicerie. Elle souriait beaucoup. Ça m’a aidée personnellement aussi. Je pense que beaucoup de personnes oublient que les autres sont des personnes qui ont une vie intérieure comme elles. Au lieu de vous plaindre que c’est ennuyant d’avoir des conversations sur Zoom, regardez l’autre, écoutez-le, enregistrez ce qu’il vous dit dans votre esprit et votre cœur, posez des questions, regardez où il est, son décor, l’image choisie pour le cacher, les micro-expressions sur son visage, son regard… L’autre est là même si c’est seulement en ligne. Il y a des gens partout et ils sont importants. Ça m’a vraiment secouée que ce gars qui me disait être mon « ami » depuis 21 ne sache en fait rien de ma vie ni de qui je suis. C’est comme si j’avais parlé à un trou noir pendant 21 ans. Ne commettez pas cette erreur. Ouvrez-vous vraiment aux autres et apprenez à les connaître. Être seule longtemps, quand on a des relations vraiment riches à d’autres moments, ce n’est pas pénible, parce qu’on porte l’autre en soi. On sent sa présence et son importance même quand il n’est pas là. Il n’y a pas de hiérarchie réelle dans les modes de communication. Il y a des conventions, oui, mais les conventions sont des créations et non la réalité. Ce sont des choses que vous vous répétez à vous-mêmes et qui gâchent des moments où une réelle communication pourrait avoir lieu malgré la distance physique. Et je pense que ces idées reçues bloquent le mode de relation à l’autre de trop de personnes. Elles ne profitent pas de la richesse d’être en contact avec l’autre. Elles sont trop occupées à regarder ce qui manque plutôt qu’à réellement être en contact et passer un bon moment. Et ça me rend triste. Ne faites pas ces erreurs de raisonnements. Elles vous ruinent la vie.
Bonne fin d’année ce soir. Occupez-vous bien de vous et à bientôt!
