Les relations (partie 2)

            Ce texte pourrait être difficile pour certaines personnes, particulièrement celles ayant vécu des formes de violences ou de négligence durant l’enfance. Lisez prudemment. 

Ce que je voulais dire par le fait que je n’avais pas le droit d’avoir envie de faire pipi au mauvais moment quand j’étais enfant, c’est en fait que je n’avais pas le droit d’avoir des besoins. Mes besoins étaient vus comme dérangeants s’ils ne correspondaient pas à ceux de mes parents au moment où ils ressentaient les leurs… comme si une enfant avait beaucoup de contrôle là-dessus. Les parents ayant un trouble de personnalité narcissique tendant à voir l’enfant comme un prolongement d’eux et non comme une personne différente. Vous n’avez donc pas réellement d’existence propre pour eux. Donc pas le droit d’avoir envie de pipi, d’avoir froid ou chaud, d’avoir besoin d’attention, d’avoir besoin de bouger, d’avoir faim, de ne plus avoir faim et… Ce n’était bien sûr pas une intention volontaire de me torturer d’une façon ou d’une autre. Ça a quand même eu des effets assez graves sur ma vie. Je n’ai par exemple jamais ressenti le sentiment de satiété ni de trop plein jusqu’à l’âge de 37 ans… J’avais trop été déconnectée de mon corps et… de mes besoins primaires. 

            C’est un peu ça qui m’a troublée à travers la pandémie et les réclamations des gens de pouvoir faire ceci ou cela et de péter des crises de nerfs pour pouvoir voyager ou aller sur des terrasses. Comme si manger au restaurant et voyager (même « juste » au Québec, oui) étaient des nécessités vitales. Ce sont des privilèges, pas des nécessités. Ça m’a fait me sentir comme une extra-terrestre. Ça m’a fait, pour une fois, voir que ce que j’avais vécu, plus ma thérapie de 15 ans, avaient au moins le côté positif de m’avoir préparée pour ça. Les plaintes des autres mes faisaient penser à ma mère qui m’a dit un jour qu’elle ne se séparerait jamais de mon père parce qu’elle ne supporterait pas de perdre sa maison et son terrain et de devoir vivre dans un appartement… et ce, peu importe si ses enfants devaient terriblement en souffrir. Comme si la santé physique et mentale de tes enfants importait moins que de vivre dans le luxe. Je n’ai pas été protégée. Je ne sais pas ce que c’est, être protégée ni en sécurité… Hum… Ce n’est pas tout à fait exact, mais j’y viendrai. Je dirais que les plaintes des personnes pour avoir plus de luxe en pandémie pendant que des gens mourraient par milliers à travers le monde dans des conditions atroces, ça m’a semblé obscène. J’ai fait l’exercice d’empathie de me dire que ces personnes devaient souffrir, mais j’avoue avoir été profondément désarçonnée de constater combien de personnes confondaient privilège et nécessité et étaient incapables de rester seules et de s’occuper sainement. Je ne dis pas ça pour être condescendante. J’ai réellement été surprise. J’ai survécu 19 ans sans que mes besoins soient pris en compte. Plus longtemps encore parce qu’ensuite, j’avais pris l’habitude de ne pas les considérer non plus… Alors deux ans de pandémie… ça n’était vraiment pas grand-chose à traverser pour moi… Il y a aussi que moi, contrairement à beaucoup, c’est quand je suis seule chez moi que je me sens en sécurité. C’est avec les autres que j’ai peur. 

            Au sein de cette absence de satisfaction de mes besoins, il y avait aussi l’interdiction implicite d’avoir des loisirs (autres que la lecture) et des amis. Pratiquement personne ne venait jamais à la maison, sauf lors d’événements « officiels » comme les grands repas de Pâques et de Noël où mon père se faisait un devoir de briller jusqu’à ce qu’il trouve une raison de se fâcher, de tout casser et de terroriser tout le monde présent. Les gens revenaient toujours. Je ne sais pas pourquoi. Nous avions le droit de fréquenter quelques personnes quand même, mais il fallait que ça ne demande aucun effort aux parents. Donc les enfants des voisins, par exemple… Quand je me faisais des amis, mon père parlait contre eux. Il a fait ça avec mes amoureux aussi. Il leur trouvait des défauts et disait des horreurs sur eux sans les connaître. Les parents narcissiques ont tendance à faire ça aussi parce que ça leur permet de vous isoler et vous couper des influences extérieures qui pourraient révéler à quel point leurs comportements sont malsains. Ce n’est qu’à partir de l’adolescence que j’ai commencé à un peu échapper à ce contrôle, mais il me faudrait changer de ville pour pouvoir vraiment trouver une forme de liberté relationnelle… mais même là, j’étais tellement amochée que ça n’a pas très bien été non plus.  

            Je n’ai donc pas très bien appris à me faire des amis. J’en ai quand même. Ils me sont tombés dessus, si je peux dire. Ce sont toujours les autres qui m’ont choisie. J’avais intégré l’idée que j’étais complètement nulle et inintéressante et que je n’avais rien à apporter à qui que ce soit. C’est cette insécurité, je crois, ce qu’il en reste, que les personnes violentes de ma vie sentent. Ça les attire. Je pense qu’elles pensent qu’à cause d’elle, je me laisserai faire… mais ce n’est pas le cas. Je pense aussi que c’est ce qui me fait parfois les tolérer. Elles tiennent un discours haineux sur moi qui m’est malheureusement familier. J’ai cependant changé, même si ma perception de moi n’a pas complètement changé, elle. Ça les surprend toujours, les personnes violentes. Elles ont des répliques de l’ordre de : « Je pensais que t’étais cool! » quand je me révolte… ou m’accusent de méchanceté si je ne leur obéis pas… comme la jeune éditrice qui pense qu’elle peut dire n’importe quoi et que si quiconque ose lui tenir tête, cette personne a un comportement toxique… comme si elle avait une autorité suprême sur quoi que ce soit et que nous devions nous incliner sans commentaire jamais. Elle a osé me dire qu’elle, elle n’avait pas de problèmes avec ses relations… Bien voilà… Elle sait maintenant en partie pourquoi j’en ai des problèmes relationnels et non, ça n’a rien à voir avec une supposée toxicité de ma personne ou de mon comportement. Ça a plutôt à voir avec le fait que je refuse de subir les mêmes comportements malsains des autres maintenant que ceux que j’ai vécus enfant. Et ça n’a rien de mauvais de ma part de dire non à ces comportements malsains. C’est ça, le comportement auquel je dois être le plus attentive chez les autres : la tendance à faire quelque chose de violent à l’autre et à ensuite lui faire croire que sa réaction est anormale, à faire comme si on n’avait rien fait. Ça c’est profondément, totalement toxique. Et c’est ce qu’elle m’a fait… Et c’est ce que toutes les personnes qui m’ont blessée cette année ont fait. Je suis habituée aux personnes comme ça… Mon père était le roi des excuses ou interprétations tirées par les cheveux pour ce qu’il faisait. Je n’ai donc pas un « délire de persécution » contrairement à ce que mon « ami » disait… J’ai plutôt beaucoup d’expérience avec ce type de personnes… D’autres personnes ont aussi cette expérience, mais sans en être conscientes. C’est plus facile de s’aveugler que d’accepter que notre parent était violent et qu’on n’a pas été aimé vraiment… ni même respecté. C’est beaucoup plus facile de m’insulter que d’avoir le courage et la lucidité nécessaires pour voir ça et l’accepter.    

            Il faut que je travaille encore sur ma perception de moi : identifier qui je suis et ce que j’ai à donner. Arrêter de paniquer face aux nouvelles personnes. Me demander si je les aime, surtout. Je me suis rendu compte que je donnais beaucoup de temps encore aujourd’hui à des personnes que je n’aime pas vraiment. Simplement parce que je considère encore, à quelque part au fond de moi, que me parler est une faveur qu’on me fait. Je pense que c’est exactement pour ça que j’ai attiré et enduré des personnes qui me traitaient tellement mal : on me faisait une faveur de passer du temps avec moi, d’accepter de me donner des miettes de temps et d’attention. J’en ai fini avec ça et je veux que cela se reflète de plus en plus dans mes relations. Je sais plus qui je suis. C’est fini la honte.

        L’autres aspect que je devrai travailler est d’accepter de risquer de parler de mes besoins et de mes limites. C’est une autres des raisons pourquoi l’histoire avec l’homme fuyant m’a fait si mal : j’ai été rejetée justement pour avoir posé mes limites… et c’était la première fois que j’osais vraiment le faire en relation… Ça a alors confirmé des peurs très anciennes que j’avais … mais c’est une autre histoire. Je dois filer. 

Bonne semaine!

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