There’s nowhere left to go and there’s nothing I can do
I’m always far away, when I want to be with you
Like a shining light, a photo too exposed
Seen by everyone, but still invisible
I can’t stop thinking about the sun
And where we go when we’re no one
Calverton – The Julie Ruin
Je n’ai pas fini comme l’écureuil finalement et j’espère ne pas me retrouver comme lui avant plusieurs années. Il y a quand même quelque chose qui est mort en moi et quelque chose qui renaît aussi… Tout ne va pas mal. Je vais même beaucoup mieux en fait. Les cours ont repris au collège et à l’université et même si je n’aime pas y aller en personne à cause du virus, cela me donne de l’espoir. Cela m’a fait du bien de voir les collègues que j’aime, les étudiants curieux et aussi de pouvoir contempler un peu une partie de tout ce qu’il me reste à apprendre. Une chance que c’est possible, apprendre… Sinon je ne sais pas ce que je ferais. Le temps me semblerait infini et pénible. Je ne saurais pas comment vivre.
À l’origine de ce texte il y a une sensation d’être sans cesse piquée ici et là par les interventions des autres. J’en ai parlé souvent déjà. Je n’ai pas tendance à chercher des défauts aux autres ni à chercher des problèmes dans les relations. Je note le manque de respect et la violence quand je les vois, mais sinon, je trouve assez peu de problèmes dans les autres. Je ne remarque rien de problématique dans ce qu’ils aiment ou portent, dans la forme de leur corps, dans leur vie en général, et ce, que j’aime ou pas leurs choix. J’aimerais ça souvent qu’on me traite comme ça aussi, même si oui, c’est possible que ça impliquerait que les compliments disparaissent en même temps que les critiques. Je sais aussi qu’il faut travailler à se détacher de l’opinion des autres… mais il y a des moments où on est plus vulnérable et où ça nous pénètre sans pitié.
À l’origine du conflit avec « l’ami » dont j’ai parlé dans les derniers billets, il y a le fait que j’ai écrit sur Facebook que plusieurs personnes devraient apprendre à retarder la satisfaction de leur plaisir, à reporter leur gratification à plus tard, afin que la pandémie finisse plus vite. Je sais bien que ce n’est pas le seul problème, mais c’est quand même une partie du problème et ça, je déteste ça, quand les gens adoptent des comportements qui les satisfont, mais qui nuisent aux autres. Ça oui, je le critique. Mon « ami » s’est senti visé et a été blessé. D’où la crise de dénigrement que j’ai vécue après de sa part. Mon problème avec ça, c’est que c’est encore quelqu’un qui s’aveugle… Il a pété une coche contre moi pour ne pas avoir à s’avouer que logiquement, puisqu’il est un polytoxicomane, c’est dur pour lui de retarder la satisfaction de ses désirs… C’est un fait. Pas une insulte de ma part. Ce n’est pas un choix d’avoir une fragilité sur le plan des problèmes de dépendance. C’est cependant un choix de continuer à consommer. Finalement, la crise que j’ai vécue, elle vient du fait que lui n’est pas capable de s’avouer ça à lui-même. Se l’avouer voudrait éventuellement dire qu’il faut passer à l’action pour que ça cesse et changer réellement sa vie. Et ça, c’est beaucoup plus pénible et difficile à vivre que me donner un char de marde en étant saoul et gelé… encore.
Ça ne veut pas dire qu’il est conscient de ce qu’il fait ni qu’il avait l’intention de me faire du mal. Ça ne change cependant rien à la fin. Le fait est que les choses qu’ils m’a dites sont blessantes et extrêmement irrespectueuses. C’est un type de comportement que beaucoup de personnes adoptent très souvent malheureusement. Elles préféreront vous détruire plutôt que de faire preuve de lucidité face à elles-mêmes, leurs problèmes et leur comportement. Ça ne me surprend pas quand ça arrive. Un homme adulte m’a déjà dit qu’être vu en ma présence nuirait à sa réputation parce qu’il n’aimait pas mon apparence… Il n’y a plus grand-chose qui me surprend après tout ce que j’ai vécu et entendu, disons… N’empêche que j’ai quand même toujours l’espoir qu’un jour les choses vont changer et que la conscience de l’autre et de son intériorité se répandra davantage.
Un jour où les gens s’empêcheront de faire une face d’envie de vomir et d’idiotie combinée quand ils n’aiment pas ce que vous aimez, qu’ils cesseront de se sentir obligés de rire de ce que vous aimez, de votre apparence ou de vos difficultés, qu’il arrêteront de penser qu’ils savent mieux que vous alors que souvent ils ignorent de quoi ils parlent, qu’ils se déferont de l’idée qu’ils doivent tout commenter, incessamment, sans que vous leur ayez demandé quoi que ce soit … qu’ils comprendront surtout que tout le monde a des différences et que le fait que vous êtes différent d’eux n’est ni meilleur, ni mauvais et que votre différence ne les menace pas réellement. Que c’est donc leur confiance en eux qu’ils doivent travailler au lieu de rabaisser les autres.
J’aimerais entre autres qu’on arrête de me dire de passer à autre chose, de penser à autre chose, de ne pas me laisser empoisonner par mon passé et… de faire comme si ce que j’ai n’est pas grave et peut juste être balayé du revers de la main. Ce n’est pas possible de faire abstraction du passé quand on a vécu des traumatismes graves. Le cerveau est affecté, parfois pour toujours. Les souvenirs et émotions sont envahissants par moments, avec ou sans votre consentement. Il serait éventuellement possible de tout refouler jusqu’à une apparence d’oubli. Le problème avec ça est que le cerveau et le corps n’oublieraient pas, eux… et que la personne se retrouverait alors à souffrir d’une quantité énorme de stress qui nuirait en retour à sa santé physique et mentale, qu’elle en soit consciente ou pas. Donc arrêtez de dire aux personnes qui ont vécu des choses graves de penser à autre chose. Arrêtez de leur suggérer de se droguer, de manger, de se divertir et… Elles doivent au contraire penser à ce qui est arrivé et travailler activement à leur guérison. Elles passeront à autre chose quand elles seront prêtes. Pas avant.
Je préférerais guérir avec les autres. C’est probablement possible, mais il me faudra trouver ces autres. J’en connais déjà quelques-uns. Je vais quand même déjà un peu mieux. Je remarque que mon humeur change, mon énergie aussi et je ne pense plus autant à toutes ces choses qui se sont produites dans les derniers mois. Ma vie reprend le dessus sur ces événements pénibles. Moi aussi. Il y a quelque chose de pratiquement increvable en moi que je dois quand même protéger davantage. Je dois continuer à travailler à guérir aussi. Par hasard, le physio que j’ai engagé pour mon pied a fait son doctorat sur l’impact des traumatismes sur le corps et la mémoire traumatique. Nous allons faire des séances de trauma thérapie pour voir si ça m’aide. C’est excitant. Ça faisait longtemps que je cherchais quelqu’un qui avait la formation pour faire ça. La vie m’aime, parfois. Aussi, j’ai appris que dans mes prochaines relations amoureuses et amicales, je devrai vérifier davantage si l’autre me voit vraiment ou s’il se fabrique une image de moi qui ne me correspond pas. Je sais qu’il est impossible de contrôler la perception des autres. Je sais cependant qu’il est possible de mieux vérifier qu’on a été entendue que ce que j’ai fait jusqu’à présent. Je sais aussi qu’on peut partir plus tôt. Je le savais, mais je l’avais comme oublié temporairement. Je continue à grandir. C’est ça l’important.
La semaine dernière, j’ai dit quelque chose d’insensible à un homme que je connais seulement sur le net et seulement depuis le début de la pandémie. C’est quelqu’un qui n’a pas travaillé à distance depuis le début de la pandémie. C’est un mécanicien de moto et il travaillait de façon indépendante et quand la pandémie a commencé, parce qu’il n’avait plus de contrats, il a dû aller travailler dans une usine de ventilateurs, sans protection… Je lui ai dit que j’avais peur de retourner au collège. Il m’a poliment rappelé sa situation. Je me suis alors sentie conne, même si un oubli de ma part était possible sans que ce soit dramatique. Je me suis excusée et je lui ai dit que je ne voulais pas lui manquer de considération et que j’aurais dû m’en souvenir. Il a accepté mes excuses et nous avons continué la conversation. Il n’a pas essayé de me faire passer pour un monstre. Je n’ai pas non plus piqué de crise parce qu’il m’avait fait remarquer mon erreur. Après la conversation, je souriais. Je me suis dit que c’était bel et bien vrai qu’elles existent, ces personnes… Les personnes gentilles et bien intentionnées avec lesquelles il est possible d’avoir une conversation réelle, de se tromper et d’être encore respectée après. Ça m’a fait beaucoup de bien.
Bonne fin de semaine et à plus!
