J’ai mal partout depuis plusieurs mois maintenant. Le stress post-traumatique, ça affecte le corps de différentes façons. C’est un peu difficile à vivre. Je vais écrire une série de billets sur le rapport que j’entretiens avec mon corps et les choses que je dois faire pour qu’il aille mieux et que ma santé mentale aille mieux… et que les deux s’influencent l’un et l’autre pour le mieux. Il y aura fort probablement des passages difficiles à lire pour certaines personnes. J’espère que je n’oublierai pas de le mentionner à chaque fois, mais disons que vous êtes avisés. La nouvelle bande dessinée s’en vient aussi… Patience. Ce billet est un peu plus décousu. Disons qu’il montre en vrac une partie des sujets que j’aimerais aborder dans les prochains mois, mais il y en aura beaucoup plus.
De plus loin que je me souvienne, j’ai toujours vécu avec la peur au ventre. Cette peur est là, dans mes plus anciens souvenirs. Un inconfort, une grande inquiétude, une nervosité, le cou et le dos un peu arrondis, la tête un peu baissée, à la fois par honte et par crainte. C’est une posture que j’ai bien apprise. Il y a eu en moi, du plus loin que je me souvienne (On pourrait même éventuellement postuler que c’était là même avant que je naisse par l’exposition à un niveau élevé de cortisol que j’ai vécue dans le ventre de ma mère.), la sensation que quelque chose de terrible allait m’arriver. La peur d’être brisée. La peur de mourir. La terreur, plutôt. La peur de tout le monde aussi.
Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours détesté mon corps. Je me suis toujours sentie mal dans ma peau. Je ne suis pas cette méchante séductrice qui saurait qu’elle est belle que les autres m’ont souvent projetée dessus dans ma vie. Je n’ai jamais eu envie d’être cette personne non plus. Je n’ai jamais connu d’insouciance du corps. Je n’ai jamais réussi à en faire abstraction et encore moins à l’oublier. Je ne l’ai jamais aimé. Je ne l’ai pas très bien traité non plus. J’ai voulu le détruire souvent. D’autres l’ont blessé gravement aussi, à l’intérieur et à l’extérieur, allant jusqu’à attaquer mon cerveau.
Malgré tout cela, j’ai vécu ma vie. J’ai fait énormément de choses en bravant mes peurs et le sentiment que j’ai toujours eu de ne pas avoir le droit d’être qui je suis, ni même d’exister. À chaque année, en thérapie, j’enlève une couche de honte et de peur. Je me libère peu à peu, mais c’est très difficile parce que je vis cela depuis que je suis née. Je suis née dans la violence physique et psychologique et ça laisse des traces. Cependant, contrairement à beaucoup d’autres personnes qui refusent de voir comment ce qu’elles ont vécu les affecte et qui se permettent de faire du mal aux autres en conséquence de cela, je suis très très très consciente de qui je suis et de ce que j’ai vécu. Je suis aussi très consciente de ce que je fais aux autres et de comment j’agis. C’est pour cela que je trouve cela ridicule quand les personnes qui me font mal essaient de me faire croire que c’est ma faute ou que j’ai fait des choses que je n’ai pas faites. J’ai beaucoup moins de problèmes que la majorité des personnes qui ne sont pas allées en thérapie et qui n’ont pas vécu ce que j’ai vécu, mais j’en ai quand même. Je me propose de vraiment travailler à améliorer ma relation à mon corps dans les 4 mois qui restent de cette année et d’écrire là-dessus. J’écrirai sur d’autres choses aussi, mais je pense qu’il y aura plusieurs billets spécifiquement reliés à ce sujet.
J’ai vu un physiothérapeute la semaine dernière pour ma blessure au pied. La bonne nouvelle, c’est que l’origine de ma blessure au pied semble avoir été trouvée. J’ai deux malformations congénitales des pieds qui expliqueraient en bonne partie pourquoi je me blesse si souvent en courant et pourquoi cette fois je me suis blessée si terriblement. J’ai besoin de traitements de physio et d’orthèses. Il s’est passé quelque chose d’intéressant avec le physio la dernière fois.
Je ne sais pas à quel point j’y crois, mais je trouve ça pertinent quand même. Le physio m’a dit que parfois, quand il intervenait, les gens ressentaient plein de choses du passé qui remontaient en eux. Je sais que le corps, son espèce de mémoire qui n’en est pas exactement une en même temps, enregistre beaucoup de choses liées à ce que nous vivons dans nos vies. Je trouve ça intéressant que je me sois blessée au pied à la suite à de la terrible histoire avec l’homme fuyant. C’est comme si on me forçait à m’arrêter. Comme si on me disait que cette fois, j’ai quelque chose de vraiment important à régler et que je ne peux plus fuir vers l’avant. La nuit suivant le traitement par le physio, j’ai effectivement fait beaucoup d’insomnie et des souvenirs pénibles sont remontés toute la nuit. Je ne sais pas si c’est vraiment mon pied délié ou si ce n’est pas simplement l’effet de suggestion. J’y retourne dans quelques minutes. Je pourrai alors voir si l’expérience se répète. Ce que je sais, en revanche, c’est que ça a été vraiment pénible pour moi, cette immobilité. La course et la marche me manquent énormément. La nage aussi.
Quand cette histoire avec l’homme fuyant est arrivée, ça faisait plus de 6 ans que personne d’autre qu’un médecin ou un massothérapeute ne m’avait touchée. C’est long, six ans sans que qui que ce soit vous prenne même dans ses bras. Je sais qu’il y a des gens qui passent toute leur vie sans affection. C’est comme ça que je me sens, même si ce n’est pas exactement la réalité. J’imagine que j’en ai eu, de l’affection, parfois. C’est difficile à dire. Je ne peux pas dire que je me suis sentie souvent touchée avec affection et gentillesse. J’imagine que la chaleur et le contact du chien peuvent compter. Ça joue aussi sur le fait que ce n’est pas quelque chose dont l’absence m’a heurtée pendant la pandémie. Je suis habituée à cette absence. Elle est cependant devenue plus souffrante quand le chien est mort.
Donc quand cette histoire avec cet homme est arrivée, j’étais complètement terrorisée à l’idée que quelqu’un m’approche, voire me touche. Ça m’a pris vraiment beaucoup de courage pour juste le laisser me prendre dans ses bras. La suite de l’histoire m’a tellement blessée. Je ne sais pas ce qu’il se passera maintenant. C’était déjà difficile pour moi de me laisser toucher. Je pense que ce sera encore pire à présent… ou pas. Je ne sais pas. J’ai plus de difficulté encore à montrer mon corps. Ça, je l’ai observé cet été, mais je développerai ça dans un autre billet.
En lisant sur les traumatismes, j’ai réalisé que ce qu’il faut vraiment, c’est que j’arrive à développer un sentiment de sécurité et de calme. C’est un gros défi pour moi. C’est quelque chose que je ne connais pas. Plus jeune, j’avais élaboré l’hypothèse que j’avais de la difficulté à cesser de fumer et que je fumais autant parce que j’étais habituée à l’état d’anxiété que ça me faisait vivre. Ça reproduisait celui dans lequel j’ai grandi. Quand j’ai eu le premier gros épisode de stress post-traumatique, avec la cigarette ça faisait trop. J’étais tellement tendue que le soir, dans mon lit, je me sentais comme si j’avais du métal qui me coulait dans les veines et que c’était pour ça que j’étais aussi tendue. Je sais bien que ce n’est pas possible, mais c’est l’impression que ça me faisait. Je me sentais aussi empoisonnée. Je l’étais, au fond… Par tout le cortisol et la nicotine. Ça m’a fait un bien fou d’arrêter, même si ça m’a pris du temps avant de me sentir bien. Ça a été interminable. Je développerai sur ça aussi.
Mon corps a subi beaucoup de mauvais traitements. Parfois de ma part et parfois de celle des autres. Maintenant, après tout ce qu’il s’est passé, je pleure beaucoup. C’est une bonne chose malgré le fait que la plupart pensent que pleurer est mauvais signe. Ce n’est pas vrai. C’est le signe que ça ira mieux en fait. Je ressens beaucoup de tristesse et de peur. Du découragement, aussi. Je laisse couler. Tout cela doit sortir si je veux retrouver un peu plus de vitalité… parce que je me sens à moitié morte depuis que toutes les choses des derniers mois sont arrivées.
J’essaie de prendre soin de moi. J’ai commencé à prendre plus de bains malgré la chaleur. L’enveloppement chaud me fait du bien. Il y a une compagnie que j’aime beaucoup qui fait des sels de bain incroyables. Si je ferme les yeux, je peux m’imaginer en voyage dans les Maritimes avec le chien… Ou alors en forêt. J’y resterais des heures si je le pouvais. La femme de la compagnie fait aussi des sérums pour le corps qui sont incroyables. Là, je veux bien accepter la douceur, ce qui est habituellement très difficile pour moi.
Dans les semaines à venir et pour la suite de ma vie, j’ai besoin de retrouver un meilleur contact avec mon corps et une perception de celui-ci qui soit plus positive. Je dois cesser de le traiter comme mon ennemi, comme s’il me nuisait. Il n’est pas responsable de ce que les autres m’ont fait. Il est la seule maison que j’ai. Il faut l’aimer, le pauvre. Ça fait trop longtemps qu’il est maltraité et souffrant.
Bonne fin de semaine et à bientôt!