La force (partie 2 et fin)

            J’ai parlé à un ami du fait que l’état de choc avait fini par passer… Il a dit que c’était normal que j’aie été en choc. J’aimerais que cette réaction soit la plus répandue et qu’on arrête de minimiser les effets secondaires du fait d’être maltraité par les autres. Cet ami vient d’Angleterre et vit en Australie depuis plusieurs années et a utilisé une expression que je ne connaissais pas. Il a dit que c’était compréhensible que j’aie été en état de choc parce que c’est une expérience très désagréable qui « knock someone for six ». Selon le dictionnaire Collins, cela signifie : “to give someone a surprise or shock which they have difficulty recovering from”. Cela peut aussi signifie de rendre quelqu’un très malade. C’est une expression dérivée d’un coup au cricket. Je trouve que c’est une expression qui témoigne bien de comment nos comportements peuvent traumatiser les autres… J’ai de la difficulté à trouver une expression en français que je trouverais aussi frappante… probablement parce que le coup de maillet que j’imagine produirait la même sensation que ce qui m’est arrivé s’il s’abattait sur ma tête.  

            Comme je disais, j’aimerais que la compréhension immédiate de la situation par cet ami soit plus répandue au sein de la population. Je pense que cet homme qui m’a mise si mal en point n’est pas seul responsable de ce qu’il m’a fait. Je pense qu’il y a quelque chose qui est de l’ordre de l’échec social… Je l’ai vu avec les personnes qui m’ont harcelée, je l’ai vu avec les témoignages de personnes agressées… Les gens minimisent les actions violentes et c’est en bonne partie pour cela qu’elles persistent. Souvent, quand il m’arrive quelque chose de mal, les gens ont tendance à minimiser à la fois ce que je vis et la responsabilité de l’autre personne… J’ai entendu tellement souvent des gens me dire que l’autre ne veut pas mal faire, n’est pas conscient de ce qu’il fait, aura de la peine si on le lui dit et… J’avoue ne pas comprendre ce besoin de minimiser la responsabilité des gens dans ce qu’ils font… même si je sais d’où il vient. Les gens ont besoin de croire qu’ils vivent dans un monde où tout le monde est bon et gentil et où il ne peut pas leur arriver de mal… et donc ils font comme si rien n’était la faute de qui que ce soit pour pouvoir conserver leur vision du monde intacte… Comme cette femme au travail qui m’a dit un jour qu’elle savait que son amie mentait à mon sujet et me faisait vivre du harcèlement, mais que ce n’était pas de sa faute parce qu’elle n’en était pas consciente… et ça s’est arrêté là. Rien dans son cerveau ne lui a indiqué que ça pourrait être une bonne idée d’en faire prendre conscience à son amie ou même d’arrêter d’être amie avec une personne qui ment au sujet des autres et les harcèle… Mais qu’est-ce que c’est que ça? J’aurais tellement honte, si j’avais dit une connerie pareille… mais non. Ça semble normal pour elle. Ça semble la chose à faire d’excuser la personne qui harcèle… au lieu de m’offrir de m’aider à porter plainte. Nous n’avons pas tous les mêmes valeurs, ni les mêmes principes, ni les mêmes façons de penser… mais il me semble que protéger des personnes qui agressent les autres, ça n’est objectivement pas vraiment un bon choix de vie. Elle choisit ça parce qu’elle a peur des conflits et qu’elle a peur d’être seule, je sais… 

            Si on revient à ma situation des dernières semaines, c’est que j’ai commencé à parler à quelqu’un que j’avais connu un peu plusieurs années avant et avec qui j’étais restée vaguement en contact sur les réseaux sociaux. Après un moment, je me suis rendu compte qu’il semblait avoir un intérêt. On a parlé beaucoup des violences que j’ai vécues et des effets secondaires que j’ai comme le stress post-traumatique. Il prétendait savoir de quoi je parlais et être sensible à ce que j’avais vécu (c’était peut-être réellement le cas, mais par la suite cette supposée compréhension s’est révélée plutôt superficielle, disons… ou alors elle n’a absolument pas été prise en compte). Tout le long j’étais terrorisée, mais je faisais des efforts pour dépasser ma peur parce que j’avais envie de le connaître. Il m’écrivait plusieurs fois par jours (il dira après qu’il voulait aller lentement), me donnait des petits noms et… après quelques semaines, j’ai voulu le voir (chose qui m’a été reprochée par la suite, comme si je devais rester à l’infini à me faire montrer de l’intérêt par un homme sans jamais avoir envie de le voir… il oublierait aussi pratiquement que c’est lui qui m’avait invitée en premier… Je ne savais pas que j’étais supposée comprendre que c’était pour des mois plus tard…). Nous avons eu une première date qui s’est bien passé. C’est lui qui a réécrit après le jour même et qui continuait à écrire après. J’ai commencé à trouver qu’il était différent, mais je me suis dit de ne pas m’inquiéter. Le jour où nous devions nous revoir il a dit qu’il avait oublié qu’il devait aller chez son ami et donc on avait genre 3 heures pour se voir. J’ai dit que je préférais reporter. Avec le trajet et la peur que je vivais, ça ne laissait pas assez de temps selon moi. Il s’est excusé. J’ai dit ok parce que je ne savais pas quoi penser de ce qu’il se passait, si ce rendez-vous oublié était vrai ou pas. Je me sentais bizarre et pour moi il était avec son ami donc je n’ai pas réécrit ce jour-là et il n’a pas réécrit non plus, chose inhabituelle pour lui. Il a réécrit le lendemain. J’ai expliqué que ça m’avait blessée et que je ne savais pas quoi penser. Il m’a dit que lui ça l’avait rendu de plus en plus anxieux dans une journée où il n’avait pas besoin de ça et qu’il pensait m’avoir blessée terriblement et… apparemment, vérifier ce qu’il se passait la veille ne lui avait pas traversé l’esprit et j’aurais dû deviner que la situation lui faisait vivre ça… et je me suis retrouvée en train de réconforter la personne qui m’avait blessée sans qu’elle fasse quoi que ce soit pour s’occuper de la peine qu’elle m’avait causée… mais là, en plus, pendant les conversations de cette journée, toutes sortes de choses sont sorties… comme quoi il aimait comment nous flirtions de façon légère… chose qui m’a fait vivre un premier choc quand même immense parce que je ne pouvais pas imaginer qu’une personne à qui je racontais mes traumatismes et leurs effets secondaires et que je n’avais pas laissé un homme m’approcher depuis six ans pouvait interpréter ça comme un « flirt léger » plutôt qu’une situation où il fallait faire attention à ce qu’il faisait… What the fuck? … Honnêtement? Après il mentirait en disant que j’avais mal compris et que non, il n’avait jamais flirté légèrement avec moi. Il a dit aussi qu’il pensait qu’il était prêt à construire quelque chose et que finalement non. Chose qui m’a aussi fâchée parce que c’est le genre de chose auquel on doit penser avant et, si on n’est pas sûr, au moins y aller tranquillement et non inventer un code pour dire à l’autre qu’on est intéressé et d’autres choses cutes à la pelle et des petits projets pour plus tard et foncer sur l’autre comme un camion… Après, bien sûr, j’aurais aussi mal interprété ça et en fait il n’est pas prêt à parler, et non pas prêt à être en relation… et que c’est le fait que je me sois fâchée qui l’aurait supposément figé et empêché de me dire que j’étais dans l’erreur et finalement conduit à partir. Le fait que j’ai la preuve écrite que c’est un mensonge ne semble causer aucun problème pour lui… 

            Bien sûr, plein d’autres choses ont été faites et dites. Je me suis forcée à lui donner le bénéfice du doute et à être gentille même si ça me prenait énormément d’énergie et que la plupart des gens l’auraient juste immédiatement envoyé chier et bloqué, mais ce n’était pas suffisant… Supposément qu’il a fait ça parce qu’il se déteste… Supposément qu’il a fait ça parce qu’il ne croyait pas que c’était possible que je m’intéresse à lui et… Je n’ai aucune idée de ce qui est vrai, tout simplement parce qu’il a changé de versions et a menti trop de fois. J’ai grandi avec quelqu’un qui agissait comme ça, donc ça aussi c’est retraumatisant… La chose que les gens ne comprennent pas avec les traumatismes, c’est qu’il affectent physiquement des zones précises du cerveau en créant des lésions dans celui-ci… Ils ne guérissent jamais complètement et peuvent être réactivés par plusieurs choses. Donc les options de « se changer les idées », de me rappeler qu’il y a d’autres hommes, de me dire que je vais survivre et blablabla… Je comprends que ça se veut gentil, mais c’est plutôt condescendant en fait et ça aussi c’est pas mal traumatisant. Si j’ai survécu à deux agressions sexuelles et des relations plus violentes que ça, c’est clair que je sais que je vais survivre à celle-là aussi. Je suis clairement quelqu’un de très fort… Je l’ai déjà prouvé à maintes reprises. Mais malgré ma force, il y a des choses que je ne peux pas accélérer. Je ne peux pas faire que mon cerveau se répare plus vite. Je ne suis pas fâchée parce que je sais que beaucoup de gens sont démunis face à la tristesse des autres… mais j’aimerais que ça change. 

            J’aimerais que nous cessions de dire aux gens de cacher leur tristesse. Je fais exprès pour la montrer, dont sur les médias sociaux… pas pour avoir de l’attention, mais parce que déteste que les gens se montrent faux sur les réseaux sociaux et contribuent à créer du mal être chez les autres, voire la dépression. Je veux montrer que c’est ok d’aller mal et d’être triste. J’ai le droit d’être visible même dans cet état. Je suis assez forte pour me montrer vulnérable et ça ça prendre plus de force que de cacher qu’on va mal et faire des faux sourires. Certaines personnes émettent aussi l’opinion que je devrais cacher que j’ai mal sinon ça lui fera plaisir et il aura gagné… Je ne suis pas d’accord avec ça non plus. Sérieusement, si lui ou qui que ce soit ressentait du plaisir et une sensation de pouvoir devant le faire de blesser les autres, ce serait juste le signe clair que ces personnes ont de graves problèmes de santé mentale et non qu’elles ont gagné quoi que ce soit même si c’est possible qu’elles se le raconte dans leur délire. Savoir admettre qu’on a été touché par quelque chose et continuer à avancer même blessé, c’est un signe de force. Pas de faiblesse. Et je ne suis pas détruite. J’ai mal, c’est tout. Ça ira mieux un jour. Je le sais.    

            Je suis fâchée parce que les gens ne réfléchissent pas, ne se responsabilisent pas et blessent le cerveau des autres et s’en câlissent… et j’ai le droit d’être fâchée pour ça. Je suis fâchée que tellement de gens soient des lâches. Je suis fâchée d’être sans arrêt utilisée par des hommes pour se prouver à eux-mêmes qu’ils sont des trous du cul. Je suis fâchée qu’il ait exigé de moi que je sois gentille alors que ce qu’il m’a fait n’est pas gentil une criss de seconde. Mentir aux gens à propos de qui ont est et de nos intentions face à eux et la relation, ce n’est pas gentil. Absolument pas. Je suis fâchée qu’il m’ait demandé d’être triste pour lui… mais je ne peux pas être triste pour lui. Je n’ai aucune idée de qui il est, ni de ce qui est vrai ou pas dans ce qu’il dit. Il m’a demandé d’imaginer comment il se sent… Je n’en ai aucune idée encore une fois parce qu’il a tellement menti. Je ne peux pas savoir ce qui est vrai ou pas dans ce qu’il dit. Il ne va probablement réellement pas bien. Ça, j’en suis pas mal certaine, parce que les gens qui vont bien ne traitent pas les autres comme ça. J’ai fait l’exercice avec mon psy qui n’a bien sûr pas posé de diagnostic, mais qui a émis des hypothèses selon les cas qu’il rencontre qui ont ces types de comportements. Dans le meilleur des cas, il se sent vraiment mal et a beaucoup de travail à faire sur lui et aura besoin d’aide pour le faire. C’est possible d’avoir une relation avec ce type de personne, mais il faut qu’elle fasse des efforts. Avoir besoin d’aide n’est pas honteux. C’est juste normal, parce que souvent, si on essaie de le faire seul, on se trouve des excuses et on se ment à soi-même et à l’autre et rien de change. Dans le pire des cas, il est complètement inconscient et ment aux autres à propos de se sentir mal juste pour sauver la face… et avec ce type de personnes il n’y a rien à faire. Il faut juste se sauver et rester loin. Je ne sais pas qui il est entre ces deux extrêmes.   

                Mon psy et moi sommes arrivés à la conclusion que dans l’état où il a laissé les choses, cette situation est un ostie de paquet de marde injuste dont je n’avais pas besoin. Un autre de mes amis a aussi eu un peu le même genre de réaction. Il a dit que c’était terrible que les gens ne réfléchissent pas plus aux effets de leurs comportements sur les autres et que nous soyons punis parce qu’ils ne règlent pas leurs problèmes… Et oui, toute la colère que j’avais ces dernières semaines vient en bonne partie de ça : l’injustice… J’ai dû me taper un mois (3 semaines, pardon… j’ai recompté après… ça semblait plus long parce que c’était très pénible) d’effets secondaires terribles et d’état de choc parce que monsieur ne règle pas ses problèmes et ne veut pas être tenu responsable de ce qu’il fait… Et j’en ai encore pour un bon moment à ne pas être capable de faire confiance aux hommes même si je veux bien croire qu’il ne sont pas tous comme ça… et à vivre d’autres effets secondaires de la situation. 

             J’aimerais que les choses changent. J’aimerais que les gens arrêtent de toujours excuser les mauvais comportements, que ce soit eux-mêmes qui les ont ou leurs amis ou… Je ne suis certainement pas la première personne à lui dire que ses actions et son inconscience me blessent… ou peut-être que oui… Peut-être que les autres étaient assez dépendantes affectivement pour se laisser faire et être plus dociles et s’épuiser à prendre soin de la personne qui les a blessées alors que ce devrait être l’inverse… ou au moins ne pas être à sens unique. 

            J’ai quand même décidé d’en tirer quelque chose de positif, de me faire un cadeau à partir de cette histoire. Cette histoire m’a fait tellement de mal gratuitement et inutilement qu’elle m’a conduit à être prête à renoncer à toute envie de plaire aux autres. Et de ne plus me soucier du tout de ce qu’ils peuvent penser de moi. Ce n’est pas lui qui a fait ça. Je ne lui dois rien. Je ne le dois qu’à moi. J’étais pas mal avancée dans ce processus avant, mais là, ça a juste coupé tout reste de besoin que je pouvais avoir d’être aimée par qui que ce soit. Je sais comment m’en donner de l’amour. J’ai des amis sur qui je peux compter. Ça ira. Mon petit chien arrivera bientôt aussi. Enfin! Une tonne d’amour sans manipulation en vue. Ce billet est très long, mais j’avais besoin d’en finir. Je pense que j’ai vraiment fini cette fois… Je me suis donné congé jusqu’à dimanche finalement. J’étais trop épuisée… mais lundi on reprend la création. Voici un portrait que j’avais fait de mon ancien chien en attendant. 

            À plus!    

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