Les traumatismes et les relations (Partie 1)

J’ai jamais eu besoin de toi
Mais toute seule, y fait froid
Mon ombre, tu peux revenir
Je promets de ne plus te fuir

Safia Nolin

            J’ai eu une semaine difficile la semaine dernière. Il s’est passé beaucoup de choses. J’ai croisé deux fois le dernier homme avec qui j’ai eu une date il y a de cela un certain temps déjà. J… Il est difficile à oublier, parce qu’il était fondamentalement désagréable. C’est un homme que j’avais croisé dans un endroit que je fréquente régulièrement. Il avait alors quelqu’un dans sa vie et il m’attirait, mais j’ai laissé faire parce que je n’aime pas me mêler des relations des autres et j’ai tendance à décrocher assez vite quand je me rends compte que quelqu’un est en couple… ou à préférer l’amitié avec cette personne. Je n’aime pas être utilisée pour passer à autre chose. Une des choses qui m’attiraient de lui était qu’il avait l’air gentil avec sa conjointe. Je n’allais pas déconner avec ça. Je ne suis pas assez égocentrique pour ça. Aussi, après, je n’aurais plus eu confiance en lui… C’est difficile, les relations. 

            Donc, après qu’il ait été célibataire pendant un certain temps, nous sommes allés prendre un verre. Au début ça allait, il était plutôt gentil… puis j’ai commencé à me rendre compte qu’il semblait vouloir me faire boire… Il y a des hommes qui font ça en espérant que ça vous fera coucher avec eux plus vite. Malheureusement pour lui et heureusement pour moi, l’alcool ne me trouble pas tellement sur ce plan. Puis, il s’est mis à parler de son ex, avec qui il avait eu l’air pourtant si gentil. Il s’est mis à la traiter de criss de grosse truie et à dire qu’elle lui faisait honte parce qu’elle avait engraissé beaucoup pendant leur relation. J’ai déduit depuis qu’elle avait probablement engraissé parce qu’il la violentait (au moins psychologiquement) et que c’est une réaction commune aux abus conjugaux. Aussi, les gens non violents ne traitent pas leur ex de truie ou de porc… surtout pas un an après, si jamais ils l’ont fait sous l’effet d’une immense colère après la rupture, ce qui j’imagine, peut arriver… mais il brûlait encore de haine, le gars. Il me faisait peur. Quand ils étaient ensemble, leur condo était proche de mon appartement et mon voisin qui m’a dit, après que je lui ait raconté notre date, qu’il ne le connaissait pas, mais qu’il l’avait arrêté une fois dans la rue pour juste lui dire des horreurs sur son ex. Ça donne une idée… 

             Sur le coup ça m’a fait un choc, qu’il soit si différent de comment il avait d’abord semblé être… mais je me suis vite ressaisie parce que j’ai l’habitude. Ils sont comme ça, les violents. Ils ont deux visages. Ils sont gentils avant de montrer l’autre. C’est évident : si les agresseurs n’étaient pas charmants, tout le monde se sauverait en courant et il n’y en aurait pas de problème. Personne ne se ferait attraper. Personne ne se ferait agresser. Il me semble que ce n’est pas difficile à comprendre… mais pour certains, il semble que oui… mais j’y reviendrai. 

            J… était aussi bourré d’amphétamines. J’avais remarqué qu’il avait énormément maigri par rapport à quand il sortait avec la fille. Il avait aussi l’haleine épouvantable des gens qui ne mangent pas, un genre de relent acide de mort. Ça a fini de me confirmer que je n’étais pas intéressée. Il était plus beau un peu plus rond, aussi. Au moins, il avait l’air vivant. Là il avait juste l’air malade et haineux… 

            Quand je lui ai dit que je ne voulais plus le revoir, J… s’est mis à me dire que de toute façon, il ne pensait pas qu’il pourrait m’aimer à cause des choses que j’avais vécues, que ça me rendrait nécessairement difficile. Ça avait pas mal été toujours ma plus grande peur, dans tout ce que j’ai traversé, qu’un jour on considère que j’étais inaimable à cause des violences que j’avais vécues. Les agressions sexuelles… la violence conjugale et… 

Ça ne m’a pas fait ce que je pensais. Je me suis aperçue qu’au contraire, je trouvais ça libérateur qu’il me dise cela, parce que je pouvais le sentir, à quel point c’était un cave. C’était comme si j’étais retournée vivre en 1919… ou en 1819… et qu’on me disait que j’étais « abîmée » parce que j’avais été violée et violentée et que je resterais seule toute ma vie parce qu’aucun homme ne voudrait de moi après ça. Mentalité d’arriéré.  

J’ai compris que ma thérapie avait fonctionné, parce que je l’ai su, à la seconde où il l’a dit, que j’avais un malade en face de moi. Plus jeune, je l’aurais cru. Je me serais détestée. Là, j’ai plutôt compris comment il se faisait des idées connes. J’ai compris comment toutes les personnes qui me disaient que j’étais une personne avec qui une relation serait difficile à cause de ce que j’ai vécu avaient tort. Ça fait 12 ans que je suis en thérapie. Je suis pas mal certaine qu’en fait, je suis plus lucide au sujet de ce que je veux et de qui je suis et que j’ai moins de problèmes que la plupart des personnes à qui ces choses ne sont pas arrivées et qui ne sont jamais allées en thérapie. 

Donc cette semaine, je l’ai croisé deux fois. Quand je l’ai croisé, j’ai constaté qu’il était devenu vraiment très gros. Normalement, je ne ris pas des changements de poids chez les autres. C’est immature, ridicule et blessant. Je sais aussi que c’est pénible puisque j’en ai pris un peu de poids après avoir arrêté de fumer et j’ai dû entendre les commentaires imbéciles de certaines personnes, comme si j’étais la première personne au monde à prendre du poids après avoir arrêté de fumer… Mais pour lui, j’ai quand même trouvé ça drôle un peu, l’ironie de la vie. J’ai pensé à sa pauvre ex et j’ai souri en me disant qu’elle était un peu vengée au moins. Ce que j’espère, au fond, c’est que ça veut dire qu’il a arrêté de se droguer et qu’il travaillera à devenir une meilleure personne, ce qui serait une très bonne chose pour les autres femmes qu’il rencontrera. 

Le voir, ça m’a quand même fait sentir une sorte de panique. Je souffre quand même de stress post-traumatique à cause du nombre élevé d’événements violents que j’ai vécus. Le principal symptôme que j’ai c’est une tendance à devenir très anxieuse rapidement, mais j’y travaille. C’est une blessure au cerveau. Ça ne part pas juste en le voulant malheureusement. 

Aussi, cette semaine, une personne qui devait me donner des soins physiques reliés à cet état de stress post-traumatique (parce que ça affecte le corps aussi, oui), s’est mise à pleurer à cause de ce que j’ai vécu. Ça m’a vraiment troublée. Certaines personnes diront qu’elle n’est pas très professionnelle, mais je pense qu’au contraire, elle l’est et que j’avais besoin de ça. Je suis une personne qui a l’habitude d’être très forte malgré ce que certaines personnes qui ont su que j’avais vécu de la violence ont pensé et dit, mais je reviendrai à ça aussi. Je n’ai pas l’habitude de vraiment considérer ma souffrance. Je continue toujours à avancer. Devant la souffrance de cette femme, j’ai repris la mesure de la gravité de ce que j’avais vécu. J’ai compris aussi qu’il me reste certaines choses de ces violences sur lesquelles je veux travailler. 

En discutant avec une amie samedi, je me suis aperçue aussi que plusieurs femmes ayant vécu des violences ont eu plusieurs des problèmes que je vis. Des problèmes avec des effets secondaires, oui, mais aussi des problèmes avec comment les autres réagissent aux traumatismes qu’elles ont vécus. Ça m’a donc donné envie d’en parler un peu plus, des effets des traumatismes sur les relations. Peut-être que les personnes qui ont vécu les mêmes choses que moi se sentiront moins seules. Peut-être que les personnes qui maltraitent les personnes violentées sans en avoir conscience pourront prendre conscience de la condescendance qu’elles affichent souvent devant les récits de violence. Peut-être que certaines personnes se rendront compte qu’elles devraient écouter et poser plus de questions au lieu d’assumer et de juger. Ce serait une très bonne chose. 

Je vais donc écrire là-dessus durant les prochaines semaines, mais je risque d’être lente un peu parce que j’ai beaucoup de choses à faire pour l’université et le collège. 

À plus!      

2 commentaires

  1. Bonjour, merci pour vos temoignages, ils me sont d’une grande aide. Je connais beaucoup de victimes et de personnes en Etat de stress post-traumatique complexe, j’en fais moi même partie. Il y a à peine quelques semaines, une amie surdouée et victime a répondu a une de mes interrogations majeures. Je me suis toujours demandé pourquoi j’attirais tant les hommes, encore maintenant a 50 ans. Je n’aime pas du tout ça et ca me choque terriblement. Elle m’a alors dit tres franchement que cela n’avait rien à voir avec mon physique mais que les obsedes, les pervers narcissiques,…, nous sentent en quelque sorte…. Je ne me suis jamais consideree comme une victime et pourtant j’en suis bien une et toujours en sursis… Ce qui me protège surtout c’est de frequenter des aneurotypiques qui ont connu des maltraitances, on se ressemble tous et on se protège entre nous… Mais il faut communiquer, avec determination et courage, car effectivement, les victimes, même resilientes, doivent être mieux comprises et informees. On ne peut pas compter sur les gens neurotypiques. J’ai deja fait pleurer des psys, deux, mais j’etais en etat modifié de conscience et je devais être impressionnante, je pense. Je suis en EMDR actuellement et enfin je commence à aller mieux. Je vous souhaite tout le courage possible, encore merci pour ces lectures si precieuses. Je vais partager vos textes, ils vont aider d’autres femmes 🙏🙏

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