Au début du blogue, j’avais prévu parler beaucoup de création en raison de mon retour à celle-ci et de mon inscription en arts visuels à l’université. Finalement, il s’est passé énormément de choses et j’ai malheureusement un peu délaissé cet aspect du blogue pendant un temps. J’y reviens aujourd’hui. J’ai choisi, pour ce faire, de parler de ma première expérience de vente d’une toile.
J’ai commencé à peindre seulement au début 2019. J’avais toujours voulu le faire, mais comme pour un peu tout ce qui m’intéresse, je m’en suis empêchée pendant très longtemps, en croyant que je n’avais pas ce qu’il fallait pour le faire. Puis, comme j’avais un cours à la session d’hiver 2019, je n’ai pas eu le choix de me lancer. Vous trouverez ces premières expériences dans les textes précédents sur le blogue (Peindre 1er, 2e et 3e projets).
Après avoir fini mon premier cours de peinture pour lequel je m’étais quand même fixé des défis assez élevés, j’ai eu envie d’en relever un autre. J’ai vu qu’il y avait une vente de toiles faites par des employés du collège où j’enseigne afin de financer la fondation qui vient en aide aux étudiants. Après m’être sentie effroyablement gênée, j’ai décidé d’y participer. Un collègue avait été assez gentil pour aller me chercher une toile parce que je n’enseignais pas au moment où elles ont été distribuées.
Pendant quelques semaines, j’ai regardé la minuscule toile sur laquelle je devrais peindre laissée dans le coin de ma cuisine où j’ai installé mon minuscule atelier. Je n’osais pas trop y toucher. C’était un format imposé. Un format qui n’avait rien à voir avec ceux que j’aime, mais je l’ai vu comme un défi. Je préfère aussi peindre sur des panneaux de bois et il fallait utiliser une toile. Ça représentait pour moi une forme d’obstacle à franchir, une contrainte.
Je n’avais pas aimé mon expérience sur toile la première fois. Je ne sais pas comment l’expliquer, si ce n’est en disant que sur le plan tactile, pour moi, le contact du bois est plus intéressant que celui de la toile. J’aspire aussi à construire des choses, des tableaux qui sont des objets. C’est donc plus facile à faire avec des panneaux de bois… en tout cas, c’est comme ça que je le vis. Je me suis néanmoins résignée à la toile.
Est ensuite venu le moment de décider ce que j’allais peindre. Cette question était rendue encore plus complexe par le fait que je trouvais difficile d’imaginer que j’allais me séparer de cette chose que j’allais fabriquer après l’avoir faite. Je m’attache beaucoup aux choses que je fais. Je ne serais pas, pour le moment, capable de me séparer des deuxième et troisième projets de peinture que j’ai faits. J’en avais parlé un peu avec un ami artiste et avec mon psy. Je n’ai ensuite malheureusement pas vraiment suivi leurs conseils et j’ai décidé de faire quelque chose qui ne me plairait pas tant, ce qui rendrait alors l’idée de m’en séparer moins difficile. Ce n’était pas une bonne idée… et finalement j’ai fait quelque chose qui me plaît un peu moins, mais que j’aimais quand même beaucoup après toute ces heures à y travailler. Les photos ne sont pas toutes jolies, mais elles montrent au moins plusieurs étapes du travail et c’est ce que je voulais.
Je suis une débutante en peinture. J’ai recommencé à me donner le droit de créer sur le plan visuel après avoir arrêté de le faire pendant 16 ans suite à des violences psychologiques vécues durant l’enfance et l’adolescence. Traverser ce processus m’a fait découvrir que beaucoup de personnes sont complètement inconscientes ou épouvantablement méchantes face à la création des autres, et ce, sans avoir bien sûr aucune raison pertinente de le faire, puisqu’il n’y a jamais de raison pertinente de se prendre pour un autre ni d’essayer de détruire les autres et ce qu’ils font. C’est un fait. Je ne comprends pas vraiment non plus pourquoi les autres s’attendent à ce que je fasse des choses parfaites en commençant. C’est insensé.
J’ai choisi le sujet de la toile en fonction de mes intérêts. Je m’intéresse beaucoup à la solitude et à l’enfermement. J’ai aussi travaillé sur les écrivaines qui ont été internées pour mon doctorat et cela m’a fait me pencher sur l’architecture asilaire, particulièrement l’architecture du plan Kirkbride, un projet architectural qui visait en partie à soigner les patients en utilisant un environnement magnifique où ils seraient plus aptes à s’épanouir. En mélangeant mes intérêts et mes préoccupations, j’ai décidé de peindre une fenêtre d’un hôpital que j’avais trouvée magnifique. Cela représentait pour moi un défi technique, à la fois sur le plan de la précision, mais aussi la suggestion de textures. Je peins pour le moment de façon assez réaliste, même si pas toujours. Je suis en cours d’exploration. Je ne sais pas ce que je ferai sur le long terme. J’aime la peinture abstraite, mais ce n’est pas ce que j’ai envie de faire pour le moment. J’ai besoin de quelque chose de plus organique, de quelque chose qui raconte plus clairement une histoire aussi… ce qui explique en partie mes choix. J’ai eu ensuite différentes idées, que vous pouvez voir sur la photo, afin de rendre la composition un peu plus intéressante qu’une simple fenêtre sur un mur de briques.
Au moment de finalement apporter la toile au collège, j’étais super gênée, timide. J’étais quand même satisfaite de ce que j’avais fait et j’avais hâte d’avoir des commentaires. J’avais un peu anticipé les commentaires négatifs que je risquais de recevoir en discutant avec un ami, dont celui de me faire dire que c’était sombre et que quelqu’un mentionne idiotement que c’était une décoration d’Halloween parce que je l’avais peinte durant l’automne. J’ai commencé par me faire regarder vraiment étrangement et une personne m’a demandé si j’avais vraiment besoin de tant d’attention qu’il fallait que j’emmène une de mes peintures au collège… Déjà là, c’était mal parti. Mais on voit un peu le genre d’atmosphère… La personne n’a jamais supposé qu’il pût y avoir une bonne raison pour que j’apporte cette toile. Non… c’était pour me rendre intéressante. Quand j’ai dit que c’était pour la vente de charité, j’ai eu droit à un regard dégoûté et à me faire dire : « Ah… ok… ». Puis la personne est partie.
Ensuite, j’ai vu un de mes collègues qui passait pas loin de mon bureau et comme une enfant, j’avais envie de montrer ce que je faisais alors je lui ai demandé de venir voir. L’erreur. Il est devenu super agressif : « Tu peins? Qu’est-ce que tu veux de moi au juste? Que je te fasse une analyse sémiologique de ton œuvre? Qu’est-ce que c’est que ça? C’est tellement sombre! Tu as fait ça pour Halloween? Ah non! Je n’avais vraiment pas envie de voir une affaire comme ça aujourd’hui! J’aurais préféré que tu ne me la montres pas! ». Et moi sous le choc de lui répondre : « C’est correct, tu peux partir. Désolée de t’avoir dérangé. ». Cet homme enseigne la création. J’étais dégoûtée. Je me suis demandé s’il faisait des choses comme ça avec les pauvres étudiants de 18-19 ans et comment ceux-ci se sentaient si moi, à 38 ans alors, je me sentais à l’envers. Ça m’a vraiment découragée. Ça s’appelle « Espoir » et il y a plein de lumière qui sort de la fenêtre… Il me semble que c’est clair que ce n’est pas une toile complètement dark ou déprimante… mais bon. Les gens voient souvent ce qu’ils veulent voir et confondent ensuite cela avec la vérité.
Heureusement, après, je l’ai montrée à d’autres collègues qui ont fait de meilleurs commentaires. Des commentaires intéressants et riches, qu’ils aient apprécié l’œuvre ou pas et ça c’était enrichissant. Durant les jours suivants, j’ai eu d’autres bons commentaires d’autres personnes qui sont allées à la vente et la toile a finalement été vendue, l’argent allant aux étudiants. J’étais fière de moi. Je ne sais pas qui l’a achetée. Pour me désensibiliser à la séparation, je me suis dit que c’était quelqu’un qui me détestait et que la toile serait brûlée. Ça m’a fait rire et je me suis sentie plus détachée.
Il m’est quand même restée une forme de traumatisme lié à tout cela et ça m’a fait réfléchir aux réactions des autres face à la création. J’ai eu aussi plein d’autres réactions horribles face aux bandes dessinées que je fais et que je ne veux volontairement pas jolies… Je les veux plutôt simples et enthousiasmantes et drôles, au-delà des sujets graves qu’elles abordent. Je veux aussi qu’elles portent la marque de mon évolution comme créatrice. C’est vraiment important pour moi. Je déteste les images parfaites, aussi impressionnantes soient-elles. Je me suis faire dire que c’était horrible, que je n’arriverais à rien, que c’était laid, que ça avait l’air de n’importe quoi, qu’il y avait trop de noir, que si j’avais été vraiment une artiste, je n’aurais pas eu besoin de prendre des cours (Allo Picasso et…!) et… quelqu’un a même ri du fait que je voulais vendre mes bandes dessinées sous forme de zines… comme si c’était la chose la plus ridicule du monde. C’est super encourageant. Ça me ralentit parfois, mais je continue toujours quand même, à mon rythme. D’autres personnes les trouvent merveilleuses, mes bandes dessinées. Très belles. Je dois me détacher des deux points de vue et juste travailler à faire ce que je veux faire comme je veux le faire.
Je reviendrai dans d’autres textes sur différentes questions abordées ici afin que celui-ci ne soit pas trop long, mais ce qu’il me reste c’est beaucoup le fait que je n’en reviens pas d’à quel point beaucoup de personnes se prennent pour d’autres et ne s’aperçoivent pas que leurs goûts et leurs jugements ne sont pas la fin du monde. L’histoire de l’art et de la littérature ont montré déjà à plusieurs reprises que nous ne savons pas ce qui restera ou pas avec le temps comme œuvres marquantes. Donc que quelqu’un s’autorise à dire maintenant qui est ou pas un artiste, une autrice ou… c’est pas mal de la merde effrontée. C’est tellement égocentrique et ridicule. Bien sûr on peut avoir des goûts, on peut préférer certaines choses, miser sur celles-ci, mais de là à chier sur les autres et à les décourager de continuer, il y a une maudite limite!
Créer ça s’apprend. C’est fragile. Ça doit être nourri. Pas écrasé sauvagement. Nous devons laisser aux autres les temps d’explorer, d’apprendre à connaitre les médiums, de développer des techniques et… de se créer comme artiste finalement. Ça prend du temps, des errements, des expériences… Et oui, la personne arrivera probablement à dépasser les commentaires mesquins, mais c’est tellement inutilement épuisant et vide que je ne comprends pas pourquoi ces commentaires existent. Peut-être par jalousie… Il vaudrait mieux essayer de s’intéresser à pourquoi la personne fait ce qu’elle fait. C’est là que l’intérêt est souvent. C’est là qu’il y a quelque chose à apprendre.
Je veux éventuellement appliquer pour le baccalauréat, mais je ne sais pas encore si je le ferai. Ma haine des institutions et de leurs postures est tellement forte que je ne sais pas si j’ai envie de m’exposer à ce type de commentaires et à l’ego des autres pendant des années… mais j’ai encore le temps d’y penser et de m’améliorer. Je veux apprendre et créer, ça c’est certain. En attendant, cet automne, je suivrai un cours de peinture et un de photographie.
Bonheur!
À plus!