***Attention, il est question de violence psychologique et un peu des dénonciations d’agressions sexuelles dans ce billet.
J’ai continué à aller sur les sites des groupes de dénonciations, mais moins souvent. Après quelques jours, j’ai ressenti une forme de montée de paranoïa au fur et à mesure que le nombre de personnes faisant partie des groupes augmentait. Je ne me sentais plus à l’aise. Je me suis contenté de montrer mon support aux personnes qui témoignaient. Ce sont des espaces qui se veulent sécuritaires, mais ne le sont jamais entièrement. Il ne faut pas l’oublier. J’ai fini par effacer mes commentaires, en repensant que souvent, les personnes encore victimes de violences sont encore solidaires de leur agresseur même si elles ne le montrent pas et qu’il y aurait donc inévitablement des fuites. Je peux gérer le mal que je m’attire moi-même, mais je ne tiens pas à gérer celui que des commères pourraient me faire en utilisant mes témoignages dans ce genre d’espace.
C’est le souvenir de quelque chose qui m’est arrivé il y a plusieurs années qui m’a fait repenser à ça. Ça date d’un peu après quand j’ai fréquenté N… Donc de 2008, si mes souvenirs sont exacts. N… C’était un gars de mon école secondaire que j’avais recroisé un jour à Montréal, par hasard. J’aurais dû me méfier. Nous étions dans un bar et il me disait que je ne devrais pas faire confiance à mon ami parce que c’était un con, il le savait d’une de ses amies… Mon ami n’était pas reposant, mais il ne méritait peut-être pas ce qualificatif, surtout venant de quelqu’un que je n’avais pas vu depuis 10 ans. Les violents font ça, souvent. Ils essaient de vous séparer de votre entourage. Ça arrive vite. Plusieurs personnes se laissent malheureusement faire et se retrouvent très seules et isolées dans la logique de l’agresseur sans point de repère extérieur.
N… voulait mon numéro. J’ai dit ok. Après, il m’a invitée à prendre un verre quelques jours plus tard. Je suis allée. Après quelques bières, il s’est mis à m’avouer qu’il m’aimait tout le long du secondaire et que je l’avais toujours ignoré. Au secondaire, je pensais que tout le monde me trouvait laide. C’était un joueur de football que toutes les filles trouvaient beau. J’étais une hybride entre une punk et un gothique dont ces gars-là riaient. C’était donc clair que je n’avais jamais pensé qu’il m’aimait. On s’est mis à se voir. Il étudiait en arts visuels. Il était tatoueur. Il était alcoolique. Il me disait de fermer ma gueule et me traitait de conne. Puis, il me disait qu’il m’aimait et que j’étais extraordinaire. Je me suis tannée et j’ai mis fin à ça. J’ai ensuite rencontré quelqu’un qui passait aussi son temps à me traiter de conne et essayait de me faire croire que c’était correct et normal de faire ça… Pas pour moi. Je me suis tannée vite. J’ai quitté celui-là aussi… pour retomber sur un autre alcoolique violent quelques mois plus tard.
Les explications à ce pattern que je répétais sans fin sont dans les billets du début du blogue. J’en suis sortie maintenant, heureusement… mais je tombais pas mal toujours sur des hommes violents. J’y reviendrai. Quelques mois après que notre histoire se soit terminée, un soir que j’étais dans un bar qui était plein à craquer, j’ai vu qu’il était dans le fond de la salle. J’ai aussi remarqué qu’une fille que je connaissais était assise au bar. Pour rester loin de lui, je suis allée parler à cette fille. Elle m’a dit qu’elle venait de rencontrer quelqu’un. Je lui ai dit qu’elle était chanceuse et que j’étais heureuse pour elle. C’était vrai. Je lui ai dit aussi que je préférais rester seule un temps, que mon ex qui me traitait toujours de conne était dans le fond du bar et que j’avais trop de mauvais souvenirs. La fille m’a demandé qui était mon ex. Vous aurez deviné que mon ex était en fait la personne qu’elle venait de commencer à fréquenter, chose que je n’avais aucun moyen de savoir puisque je ne savais pas qu’ils se connaissaient, qu’ils n’étaient pas du tout ensemble et que je n’avais vu ni l’un ni l’autre depuis des mois.
Vous me voyez venir, j’imagine… Encore aujourd’hui, la fille est en colère contre moi… Elle pense que j’ai fait exprès de gâcher leur relation en lui disant que mon ex me traitait toujours de conne… mon ex que j’avais laissé, là… et que je n’avais aucune raison de vouloir revoir. On penserait qu’elle serait contente d’avoir été avertie avant que l’histoire aille trop loin, mais non. La fille était enragée et a dit plein d’horreurs à mon sujet pendant des années. Je l’ai croisée récemment aussi et j’ai eu peur de lui tourner le dos. Vraiment. Elle me déteste encore. C’est ça qui me fait peur, encore aujourd’hui. Le fait que bien des femmes choisiront toujours leur homme avant les autres femmes, peu importe si ce même homme les maltraite épouvantablement ou en a maltraité d’autres. On leur a trop fait croire qu’il était indispensable pour elles d’en avoir un et elles voient les autres femmes comme des rivales… au lieu de remettre en question ses comportements à lui… C’est ça qui me fait peur dans ce groupe… qu’une d’entre elles choisisse son homme et nous expose toutes. Mais peut-être aussi que ça commence à changer et qu’il y aura réellement beaucoup de solidarité à l’avenir. Je serais tellement heureuse d’avoir tort, d’avoir eu peur pour rien.
Malgré l’horreur du contenu de ces témoignages, parce que c’est ce que ces témoignages racontent, des horreurs, ça m’a fait du bien de les lire. Ça m’a fait du bien, parce que probablement qu’en lisant l’histoire de N… vous vous êtes dit que peut-être il avait changé et qu’elle avait raison d’être en colère contre moi puisqu’elle, il ne la maltraiterait pas… mais non. Vous avez tort si vous pensez ça. C’est le genre de choses que je me suis fait dire pendant des années… que j’étais négative, que ces hommes étaient peut-être différents avec d’autres femmes… mais non. Ils ne le sont pas. Je le savais par mon psy qui me répète sans arrêt depuis douze ans que les gens sont les mêmes avec tout le monde, juste comme je me fâche de la même façon avec tout le monde qui me manque de respect. La seule raison pour laquelle une personne violente sera gentille avec vous, c’est parce qu’elle cherche à vous séduire ou parce que vous avez quelque chose qui peut lui être utile… ou les deux. Ou peut-être parce que vous lui faite peur. Ça arrive, oui. Je fais peur à plusieurs de mes exs violents maintenant. J’ai dû apprendre la férocité.
Et ce que ces témoignages montrent hors de tout doute c’est que ces hommes sont pareils avec toutes les femmes de leur vie. Ils sont des ordures et des salauds… et ils le sont à répétition. En même temps que j’étais triste pour ces femmes, ça m’a fait un bien immense. Je savais, malgré ce qu’on m’avait répété toutes ces années, que ce n’était pas quelque chose en moi qui provoquait cette violence… mais quand on a été violentée on reste toujours un peu plus anxieuse, nerveuse et… Là, c’était juste étalé partout que je n’étais pas le problème et que cette violence, elle venait d’eux. Il n’y a plus de doute possible.
Certains de ces hommes sont des personnes que j’admirais, que j’appréciais ou dont j’ai pu ou j’aurais pu penser à différents moments de ma vie qu’ils étaient trop bien pour moi, ce qui aurait été une raison de me faire du mal et de me rabaisser… Ça m’a fait rire épouvantablement. Ce n’est tellement pas le cas. J’aurais eu tellement tort… cette fois tristement. Ça m’affectait de moins en moins depuis des mois, ce que les hommes pouvaient bien penser de moi. Maintenant, après ce que j’ai vécu et lu de ce qu’ils ont fait vivre aux autres, je m’en contrecrisse pour toujours de ce que les hommes ou de ce qui que ce soit peut penser de moi. Mes amis hommes me le disent frénétiquement depuis des jours aussi : « On s’en fiche des garçons et de ce qu’ils disent et pensent! ». Ce sont les alliés ceux-là, les hommes décents qu’il est possible d’aimer. Ils existent, oui, mais ils ne sont pas le sujet de ce billet aujourd’hui.
Ça a eu un effet libérateur, cette perte d’intérêt pour ce que l’autre peut penser de moi. Depuis, ça va mieux chaque jour. Je travaille sur mon roman, sur mes bandes dessinées, mes toiles… J’avance. Je répare mon système nerveux en méditant et en faisant du yoga. Je cherche une façon de créer à partir de certaines choses que j’ai lues sans mettre qui que ce soit en danger. Une histoire qui me touche de près et dont je ne veux utiliser que ma partie sans y mêler d’autres personnes. J’y arriverai.
Merci Msry. J’admire ce style dépouillé pour parler de choses di fures. C’est justement une question que je me posais: les hommes violents le dont-ils avec toutes les femmes, pas pout remettre ce comportement dur le dos d’une femme ou d’une autre, mais pour savoir di ce comportement était récurrent. Je me doutais de la réponse, mais je voulais qu’elle vienne d’une femme qui (malheureusement) a connu cette violence. Merci.
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Merci à vous! Désolée pour le délai pour le commentaire. Merci beaucoup pour votre intérêt!
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