Faire des zines

            Malgré le fait qu’il est question de violences sexuelles dans ce billet, je ne pense pas qu’il soit difficile à lire ni très perturbant (à part le fait qu’on y constate encore que ça arrive à beaucoup de personnes), mais je préférais quand même vous aviser du sujet au début de votre lecture.

            Dimanche dernier, je suis allée à une rencontre entre survivantes (anciennes victimes, choisissez le mot que vous désirez… je n’ai toujours pas tranché, mais j’ai un gros problème avec le mot « survivor » sur lequel je finirai par revenir) de violences sexistes et/ou sexuelles. Cela concernait surtout comment prendre soin de soi après. Ça avait lieu à la librairie féministe à côté de chez moi, L’Euguélionne.

            C’est la première fois que j’allais dans une rencontre où il y avait autant de personnes qui ont vécu des violences parfois semblables et parfois différentes de moi. Des personnes qui doivent apprendre à vivre tous les jours avec des choses horribles qu’on leur a faites. Il y avait des personnes à qui ça venait d’arriver, d’autres qui avaient vécu cela dans l’enfance et d’autres comme moi, au milieu en quelque sorte, ma plus grave agression physique fêtant son 18eanniversaire le mois prochain. C’est arrivé le jour de ma fête, c’est ça, oui. C’est un double anniversaire à chaque fois.

            Un zine, c’est une publication qu’on fabrique et qu’on publie soi-même. C’est généralement fait à la main, puis photocopié en tirage assez limité. Il y a donc un nombre restreint de copies en circulation. Le zine est un moyen d’expression intéressant. On peut le faire comme on le désire. Il existe plusieurs types de reliures artisanales plus ou moins élaborées, mais on peut en inventer aussi. On peut utiliser n’importe quelles images et matériaux, en autant que cela tienne sur le papier (et que ce soir reproductible si on veut faire plusieurs copies).

            Il existe des zines sur à peu près tout : la musique, le féminisme, la violence conjugale, le self care, l’homosexualité, l’asexualité, la littérature, la science fiction, le cinéma, l’horreur… Ça peut être constitué seulement de texte, ou encore mélanger texte et images, ou seulement des images. Il y a plusieurs façons de faire. Vous pouvez le faire en bande dessinée, en photos photocopiées, en dessins, en collage et… À partir de matériaux recyclés ou neufs… tout peut servir. C’est vraiment comme vous le désirez.

            Finalement, le zine peut-être produit seul ou en groupe, une seule autrice ou plusieurs, selon vos préférences. Le zine peut remplir toutes sortes de fonctions sociales et est vraiment un objet culturel fascinant. Il permet à tout le monde de prendre la parole et d’en garder une trace. Je vous laisse vous informer si vous voulez une histoire du zine plus longue. Ce n’est pas l’objet de ce billet. Mais voici de quoi la table avait l’air :

            Ça m’a beaucoup touchée d’être en présence de ces femmes qui affichaient ouvertement qu’elles avaient vécu ces violences même si je n’ai pas appris beaucoup sur leurs expériences. Ce n’était pas l’enjeu de la rencontre. Juste savoir que quelque chose de cet ordre est arrivé, ça suffit. Pour certaines d’entre elles, c’était encore à vif. Ça le reste toujours d’une certaine façon, je pense, mais on développe des façons de vivre autour et des façons de vivre avec sans que cela nous définisse complètement. J’étais heureuse de mon parcours pendant toutes ces années. J’étais reconnaissante d’avoir un si bon psy qui a su m’accueillir dans ce que je vivais et ne m’a forcée à suivre aucun type de traitement contre mon gré ou contre mes principes. C’est très précieux et rare dans la société dans laquelle nous vivons.

            Le sujet de l’atelier était le self care et c’était vraiment intéressant de pouvoir apprendre quels sont les moments difficiles pour les autres depuis les violences, mais aussi quels sont leurs moyens d’aller bien. Que l’on ait été agressée ou pas, il est parfois difficile de savoir comment prendre soin de soi. Le monde commence à s’y intéresser un peu plus, mais nous sommes surtout poussés toujours vers la performance et la productivité. Nous devons toujours faire plus de choses et disparaître de plus en plus intérieurement alors que notre image prend de plus en plus de place sur les réseaux sociaux. On a souvent honte de s’accorder du temps et de penser que c’est important de le faire… mais il ne faut pas. C’est effectivement très important. C’est fondamental si on veut survivre et trouver un peu de paix. Entendre les façons de le faire des autres était très enrichissant. Peut-être que je ferai une liste de ce qui m’en est resté pour pouvoir la mettre ici pour celles ou ceux qui en auraient besoin.

            En voici un aperçu :

            Mon amie qui donnait l’atelier a vraiment bien fait ça. Je pense que toutes les participantes se sont senties accueillies et vues dans ce qu’elles vivaient. Je ne pense pas que personne se soit senti forcé de participer ou de parler de choses qu’elle ne voulait pas aborder. Je pense que c’est important de créer ce genre d’événements où des personnes qui ont été victimes (oui, j’utilise ce mot et je l’aime dans sa vraie définition qui est un état ponctuel qui doit être reconnu pour être guéri et qui ne devrait générer aucune honte, mais je reviendrai là-dessus plus longuement) de violences sexistes et sexuelles.

            Ça m’a fait penser à un livre que j’ai lu, qui s’appelle La Fabrique de fanzines(Ici : http://atrabile.org/livres/la-fabrique-de-fanzines-par-ses-ouvriers-memes). Ça parle d’un groupe d’amis qui partent certains jours avec plein de matériel de bricolage et qui vont s’installer dans des endroits publics où ils fabriquent des zines ensemble et invitent les passants à se joindre à eux. C’est une si belle façon de tisser des liens sociaux et d’amener tout le monde à s’exprimer de façon créative, anonymement ou ouvertement, puisqu’il est possible de décider de signer le zine ou pas, selon ce que vous préférez. Il est aussi possible de le faire seul chez soi si c’est ce que vous préférez. C’est parfait comme ça aussi.

            Le zine que j’ai fait ne reflétait pas mon état d’esprit du moment, qui était celui de me sentir incluse dans un groupe, une forme de sororité. Il reflétait plutôt comment je me sentais avant d’arriver, c’est-à-dire un peu craintive, beaucoup dans la peur de l’autre, chose qui m’arrive assez souvent.

            Le voici :

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            J’espère que vous aurez la chance de faire partie d’une fabrique de zines vous aussi !

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