Les petits coups bas

            Je trouve que c’est difficile de traverser les journées sans faire face à diverses formes de violences. Elles ne sont pas toutes aussi graves, c’est sûr. Elles sont parfois juste énervantes, mais elles se produisent malheureusement quand même. C’est en bonne partie causé par le fait que nous vivons dans un système qui repose sur la compétition et donc sur l’écrasement des autres.

            C’est aussi lié au fait que plusieurs d’entre nous (et je m’inclus là-dedans parfois et à différents degrés selon les circonstances) ont des problèmes d’estime de soi et ont l’impression que si l’autre n’est pas comme eux ou n’agit pas comme eux cela signifie soit que l’autre a tort, soit que nous sommes dans l’erreur ou même que ce que nous sommes n’est pas bon, que ce que l’on est ne convient pas.

            Ça provient aussi du fait que certaines personnes ne savent juste pas vivre, qu’elles sont malpolies ou encore qu’elles sont inconscientes et ne pensent pas une seconde à comment leur comportement affecte réellement les autres. L’accent est alors plutôt mis sur ce que la personne veut à ce moment, ce qu’elle veut faire ou comment elle veut paraître, et peu importe les conséquences.

            Je pensais à ça cette semaine parce que je suis allée me faire masser. C’est sûr qu’on pourrait s’attendre à ce que ce soit plutôt une expérience relaxante en douceur, même si parfois il y a pas mal de fermeté dans le toucher. Le massage en tant que tel était bien. La fille était très douée pour faire cela : masser.

            Mon problème avec sa personne se situe dans sa capacité d’entrer en relation avec l’autre et de le respecter. Ce qui m’est arrivé ce jour-là, c’est quelque chose qui m’arrive malheureusement assez souvent avec les personnes qui sont dans le domaine du « bien-être » C’est-à-dire qu’au lieu d’être accueillie par une personne qui veut que je sois bien, je me retrouve plutôt, très souvent dans ces circonstances, devant une personne qui veut me dire comment être bien et qui me le dit quand même assez agressivement en plus.

            C’est vraiment très étrange et désagréable.

            C’est un peu la version supposément zen des personnes qui me disent agressivement qu’il faudrait vraiment que je me mette en shorts l’été, que ça n’a pas de bon sens que je porte des pantalons longs. Et qui n’en reviennent pas. Comme si c’était un drame. Comme si cela les faisait souffrir réellement. Comme si ça les regardait de quelque façon que ce soit. Comme s’ils savaient vraiment ce qui va me faire me sentir mieux. Je vais peut-être avoir moins chaud, mais je vais me sentir profondément mal à l’aise et exposée pour des raisons qui m’appartiennent. Je préfère avoir chaud. J’aimerais aussi qu’on me crisse la paix.

             Donc la première fois que j’ai vu cette fille, elle n’a pas trop parlé avant et le massage s’est bien passé, mais après le massage elle m’a fait une interminable leçon sur mes problèmes digestifs en me disant qu’il fallait vraiment que j’arrête de manger de la viande et de la nourriture transformée. Je respecte le fait que certaines personnes ne veulent pas manger de viande. C’est correct. Je ne respecte pas les vegan condescendants. J’ai moi-même voulu être vegan longtemps et j’ai lu beaucoup sur le sujet pendant plusieurs années et finalement, à cause d’une carence en fer naturelle prononcée et d’une incapacité à tolérer les différents suppléments disponibles, ainsi qu’à cause de certaines autres raisons, j’ai décidé, sur la recommandation de mon médecin, de ne pas devenir vegan. C’est mon choix et non, je ne me sentirai pas coupable. Tous les organismes ne sont pas égaux devant l’absorption de fer, peu importe les mensonges qui sont racontés à ce sujet. J’ai été tellement effroyablement malade à me sentir coupable et à vouloir à tout prix satisfaire mes principes moraux que maintenant tout le monde qui veut me dire quoi manger peut très sérieusement aller se faire foutre. Il y a d’autres façons d’avoir une alimentation éthique et responsable que d’être vegan.

            Depuis que j’ai été malade et que j’ai résolu la question pour moi, ça me fâche beaucoup quand je lis la quantité incroyable de mensonges qu’on lit sur ce sujet. Mensonges accompagnés en plus du slogan « une vie sans cruauté », ce qui est faux, puisque un nombre important d’animaux meurent du fait d’étendre les terres cultivables… mais aussi parce que traiter monsieur/madame tout le monde qui sont déjà dépassés par leurs problèmes et leur quotidien difficile de meurtriers et meurtrières (mots qui ne s’appliquent qu’aux humains en fait) et se présenter comme moralement supérieur est quelque chose de quand même assez pas gentil merci. La cruauté implique de faire volontairement et consciemment du mal aussi… ce qui est le cas de bien peu de personnes sur terre. S’ils disent qu’il faut lire des livres qui disent d’imaginer que son steak est un animal mort (et honnêtement je ne comprends pas comment certaines personnes ont fait pour l’ignorer tout ce temps, mais bon…) ça veut dire qu’ils supposent que les gens ne savent pas ce qu’ils font et donc qu’il ne sont pas cruels. Mais même s’ils savent qu’ils mangent un animal mort, ils ne sont pas en train de jubiler à l’idée de torturer l’animal avant de le manger… ça, ça correspondrait à la définition de la cruauté. Il faudrait ouvrir un dictionnaire à un moment donné au lieu de dire n’importe quelles conneries fausses et culpabilisantes, juste pour essayer d’avoir raison.

            Ça me surprend toujours qu’on ne voit pas la charge de violence intense qu’il y a dans ces paroles et ces comportements. Ne me comprenez pas mal : je suis absolument contre la violence inutile envers les animaux et je pense que c’est tout à fait bien d’être vegan si c’est ce que l’on désire. Je suis par contre tout à fait opposée aux discours mensongers et violents qui vont souvent avec ces choix. Je ne comprends pas non plus pourquoi il est toujours présumé que si une personne mange de la viande, elle en mange beaucoup. D’où le « Tu devrais en manger moins » qui sort automatiquement même sans poser aucune maudite question sur la consommation réelle de l’autre. C’est agressant… et inutile.

            Mon ancien massothérapeute m’avait fait la même chose… la morale sur le veganisme. Il m’avait dit qu’il avait jeté toute la nourriture qu’il avait dans son réfrigérateur et son congélateur quand il s’était aperçu que la viande le rendait malade (bien oui, c’est sûr… après des millénaires à en manger…). J’ai pensé à tous les êtres humains qui crèvent de faim et comment le tiers monde trouve ridicule que les gens ici chipotent sur ce qu’il y a dans leur assiette. Ça a quelque chose d’obscène. Ça me donne l’impression d’être face à un membre d’une secte qui a eu le cerveau lavé complètement… même si oui, il y a des problèmes réels dans l’industrie alimentaire. On peut ne pas être vegan et ne pas participer à cette industrie, mais ça, ça semble volontairement caché ou ignoré pour des raisons que je ne m’explique pas très bien. L’autre jour j’ai même vu une image où on avait photoshopé les dents des humains et où on prétendait que l’humain n’avait jamais été fait pour manger de la viande… Les mensonges vont loin parfois… C’est désespérant.

            Je préfère quant à moi les conceptions de la consommation de viande du bouddhisme et d’autres populations présentes ou passées (non, ce ne sont pas des pratiques barbares et inconscientes, contrairement à ce que certaines personnes prétendent) pour lesquels la consommation de viande doit être réduite et l’animal respecté et surtout pas gaspillé. On doit manger toutes les parties de l’animal consommé et on doit le traiter avec respect et l’honorer et surtout ne pas en massacrer une tonne inutilement. (Je précise que je n’entrerai pas dans un débat sur le veganisme dans les commentaires. Je n’ai rien contre le fait d’être vegan, je le répète. J’ai quelque chose contre une partie des discours que certaines personnes qui font ce choix tiennent).

            D’ailleurs, durant cette période, je n’avais pas des problèmes digestifs parce que j’avais mangé trop de viande ou trop de nourriture transformée… (d’ailleurs pourquoi me dire ça… comme si tout le monde ne savait pas que les aliments ultratransformés sont mauvais pour nous rendu en 2019… la condescendance…). J’avais des problèmes digestifs parce que j’avais arrêté les gommes de nicotine et parce que j’avais eu des antibiotiques atroces qui m’avaient donné des nausées pendant 10 jours…

            Une simple question aurait évité toute la scène moralisatrice.

            Mais non… ça ne lui a pas suffit…

            Quand je lui ai dit que j’avais pris des antibiotiques, là elle est partie sur le fait que c’était vraiment mauvais de prendre des antibiotiques et blablabla. Ce qui est vrai, mais seulement en partie encore une fois. Mon médecin régulier essaie le plus possible d’éviter de me prescrire des antibiotiques. J’ai pris l’habitude de l’écouter et de ne pas chercher à en avoir si je peux guérir sans. Le problème c’est que parfois je veux être une trop bonne patiente et là, j’ai vraiment trop attendu avant d’aller voir le médecin. Ça faisait déjà plusieurs semaines que j’étais malade quand j’ai finalement décidé d’aller à une clinique d’urgence, mon médecin étant en voyage pour le temps des fêtes. J’ai attendu de me mettre à cracher du mucus qui était vert très foncé avant de le faire et de devenir très faible physiquement. Je suis asthmatique, donc ce n’est vraiment pas une bonne idée… mais bon… je me répétais que ça allait passer. Finalement le médecin était vraiment en colère et après m’avoir examinée, il m’a dit que si les symptômes ne diminuaient pas rapidement dans quelques jours avec les antibiotiques, c’est à l’hôpital que j’allais, que ça me tente ou pas…

            Donc la petite madame que je n’avais jamais vue de ma vie et qui ne m’a posé aucune question et qui a décidé de produire un jugement violent et déplacé sur ma vie « pour mon bien » après m’avoir massée en se prétendant moralement supérieure et mieux informée que moi, elle peut se mettre ses opinions erronées où je pense…

            J’y suis quand même retournée parce que j’étais plutôt mal en point physiquement et parce que sur le coup, je me suis dit que j’étais peut-être trop susceptible et que j’avais peut-être mal interprété son comportement… ce que je fais toujours, souvent malheureusement, parce que j’aime bien donné une chance aux autres et parce que j’assume trop souvent que c’est moi qui suis dans l’erreur… mais je raconterai ça la prochaine fois.

            Je pense que je vais faire une série de textes sur les remarques fréquentes et les comportements socialement récurrents qui sont des microagressions ou des microviolences qui semblent en apparence peu graves, mais dont la répétition infinie entraîne des résultats plutôt graves pour nous.

            Respirez un bon coup si ces choses vous arrivent et passez une bonne et belle journée !

1 commentaire

  1. J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte et blog très intéressant. Je reviendrai m’y poser. N’hésitez pas à visiter mon univers. Au plaisir.

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