Je suis une enfant douée, une surdouée, une HP, un zèbre… comme vous préférez. Je n’aime aucun des noms. Quand je le dis aux autres, il y a deux réactions possibles. Certaines personnes pensent que je me vante et que cela implique par définition que je me crois supérieure aux autres. Pourtant rien n’est plus loin de la réalité. L’autre réaction possible est une forme de soulagement, comme celui que vous avez quand vous aviez un mot sur le bout de la langue et que finalement vous le trouvez. Ça vient enfin mettre un mot sur la différence subtile que les personnes autour de moi sentaient sans pour autant comprendre ou savoir exactement d’où elle venait.
Heureusement pour moi, la deuxième réaction est la plus commune. La première, celle d’une forme d’incompréhension, surgit surtout chez les personnes mal dans leur peau qui ne feront souvent aucun effort pour s’informer pour savoir ce que cela implique d’être une personne à qui l’on a donné cette étiquette et de vivre ainsi. Elles ont souvent tendance à présumer que c’est quelque chose qui se limite à l’intelligence et que donc, puisque vous êtes considéré comme plus intelligent, tout doit être plus facile pour vous et par conséquent aucune plainte que vous pouvez émettre dans votre vie, aucune souffrance que vous mentionnez, ne sont fondées.
C’est une incompréhension totale de ce qu’est la douance (mot que je n’apprécie d’ailleurs pas beaucoup). Oui, dans la douance, il y a un QI élevé, mais cela ne se limite pas du tout à cela. Il s’agit d’un fonctionnement différent de la personne qui affecte toutes les facettes de sa vie, allant de qu’est-ce que je vais manger ou porter (les personnes douées étant très sensibles aux textures d’aliments et d’objets, incluant les vêtements) en passant par les relations qu’il est possible d’avoir (souvent très difficiles) à quel sera le sens de leur vie. Et elles ont besoin d’un sens, oui. L’idée de vivre une vie sans se questionner, allant de plaisir en plaisir sans réfléchir est une des choses qui leur est complètement invivable… et profondément absurde aussi.
Je ne vais pas faire un texte sur la douance, pas à ce moment de ma vie en tout cas. Il en existe déjà pas mal d’excellents (Voir Arielle Adda et Jeanne Siaud-Facchin, entre autres). J’en parle pour expliquer qui je suis et pour expliquer aussi pourquoi j’ai vécu les violences que j’ai vécues comme je l’ai fait. J’en parle aussi pour montrer que le fait de se retrouver dans des relations violentes n’a rien à voir avec un manque d’intelligence. J’en ai bien plus qu’il en faut, de l’intelligence, s’il faut parler de quantité (l’intelligence de la personne douée étant en réalité aussi surtout structurellement différente). En fait, les personnes douées sont très souvent la cible de violences et elles sont des partenaires recherchés par les personnes ayant des problèmes de violence qui veulent exploiter l’autre, consciemment ou pas. C’est le cas pour plusieurs raisons, comme le manque d’estime de soi très fréquent des personnes douées (ce qui a été mon cas pas mal toute ma vie, même si ça commence à aller mieux), mais aussi parce qu’elles ont d’autres caractéristiques comme une très grande capacité de travail, énormément de ressources intérieures, une sensibilité parfois excessivement grande et… caractéristiques qui les rendent intéressantes à exploiter par les autres. Disons, pour faire une métaphore, qu’il s’agit d’un puits de richesses plus long à épuiser que d’autres. Et personne ne choisira d’exploiter une mine vide… C’est assez simple à comprendre.
Je n’ai jamais pensé être une personne meilleure que les autres. Comme j’écrivais récemment, j’ai toujours vécu dans la honte. J’ai aussi pensé, jusqu’à la fin de mon doctorat, que j’étais complètement stupide et que j’échouerais nécessairement ma vie. Je me suis longtemps répété sans arrêt, que j’étais inaimable et ça m’arrive encore certains jours, mais pour des raisons différentes maintenant. Je n’ai pas su que je suis douée avant l’âge de 30 ans, environ, et même après l’avoir appris, ça m’a pris vraiment beaucoup de temps avant de l’accepter et de comprendre réellement comment cela affecte ma vie et mes relations avec les autres. J’apprends tranquillement à mieux exploiter les forces et les faiblesses qui sont inhérentes à cette condition.
Je suis née dans une famille où le père est beaucoup plus éduqué que la mère et où celle-ci est restée persuadée toute sa vie (jusqu’à présent en tout cas) qu’elle n’aurait jamais rien fait de sa vie si elle n’avait pas épousé cet homme. Bien sûr c’est faux. Aujourd’hui les études tendent vers l’idée que ce serait la mère qui transmet l’intelligence aux enfants. Alors ma mère, avec ses deux enfants doués, n’est pas l’idiote inapte qu’elle a toujours pensé être. Cela faisait par contre beaucoup l’affaire de mon père, qu’elle le croit, dans la mesure où il a toujours eu besoin d’être le centre d’attention de tout le monde, dans toutes les situations. Ses besoins et son apparence passent avant tout. Alors naître en étant une fille intelligente n’était pas une bonne chose dans ma famille.
J’ai été une enfant très effacée et très malheureuse. Je sais aujourd’hui que c’est parce qu’on m’a trop contrôlée et empêchée de vivre. Nous n’avions pas le droit (et nous ne l’avons toujours pas, même si j’ai coupé les ponts avec ma famille depuis longtemps à l’exception de rares et superficielles conversations ici et là au fil des ans) d’avoir des émotions ou des idées différentes de mon père. J’ai grandi dans la peur aussi parce qu’il avait une humeur très instable, au point de passer d’une seconde à l’autre d’une bonne humeur qui le fait chanter en faisant la cuisine, à avoir une crise de rage pouvant lui faire tout lancer et jeter par terre, voire défoncer un mur, s’il avait échappé un morceau de ce qu’il cuisinait par terre.
J’ai donc grandi en marchant littéralement sur des œufs et en essayant de disparaître le plus possible, mais en étant toujours surveillée et donc aussi toujours prise en faute. Enfant, j’ai commencé à lire pour ne pas faire de bruit et pour disparaître. Il n’y avait rien à reprocher (mais tout en même temps parce qu’il y avait toujours une raison pour lui de se plaindre) à une enfant toujours enfermée seule dans sa chambre à lire des livres et ne faisant aucun bruit. Mon père faisait par contre beaucoup de bruit. Constamment. Ce qui est un des traits caractéristiques de la personnalité narcissique. Ça allait au point où nous ne pouvions même pas dormir si lui était éveillé. Il l’interprétait comme si nous l’ignorions et se mettait à faire un boucan infernal dans la maison avec ce qui lui tombait sous la main pour nous réveiller et nous faire lui donner de l’attention.
Mes parents étaient fiers de leurs enfants qui ne se plaignaient jamais et ne faisaient aucun bruit. Ils disaient que nous étions sages et matures pour notre âge alors qu’en fait nous étions terrorisés et très nerveux. J’ai encore des problèmes nerveux aujourd’hui qui sont liés à cela. Entendre quelqu’un crier contre quelqu’un ou renverser violemment des objets fait encore trembler une partie de moi involontairement. Ils avaient l’idée qu’ils pouvaient nous emmener partout et que nous n’avions pas à avoir de réaction négative. Pas le droit de pleurer, pas le droit de ne pas aimer, pas le droit de s’ennuyer… presque pas le droit de respirer. Même lorsque nous regardions la télévision sans dire un mot, mon père entrait dans la pièce plusieurs fois en demandant : « Qu’est-ce qu’il y a qui ne va pas ? Vous avez donc bien l’air down »… Comme s’il était nécessaire d’être toujours conscient de la tête qu’on fait. Comme s’il fallait regarder la télévision le sourire fendu jusqu’aux oreilles peu importe ce qui est diffusé, peu importe comment on se sent réellement. Il n’y avait pas une seconde de répit. Vous ne pouviez pas vous laisser aller à exprimer une idée ou une émotion réelle sans être accusé immédiatement d’être dans le tort ou d’être en train de trahir l’autre.
Un autre aspect du comportement et de la pensée de mon père est qu’il devait toujours être considéré comme une personne qui sait tout avant vous. Quand j’ai appris à compter et que je suis rentrée à la maison fière de moi pour le montrer à mes parents, mon père a répondu : « Je le savais bien avant toi ». Et c’était comme ça pour tout. Absolument tout. Même les choses qu’il ignorait totalement. S’il ne savait pas une chose, il mentait sans aucune gêne, inventant des faits. Avoir une enfant qui pouvait détecter ses mensonges et qui a pu le faire de plus en plus en grandissant était quelque chose de complètement intolérable pour lui. Il a tout fait pour me punir, m’écraser, me faire douter de mes perceptions et de mes connaissances. Il utilisait beaucoup la dissonance cognitive (gaslighting), un concept dont je parlerai plus tard, mais qui prenait chez lui la forme de vous dire que vos perceptions étaient toujours fausses, que vous n’aviez pas vu ou entendu ce que vous savez avoir vu ou entendu, que ses mots signifient des choses complètement différentes de leur signification réelle et… Il s’agit d’un comportement qui vise à décrédibiliser l’autre, voire parfois à le rendre fou. Il s’agit de manipulation, mais quand vous êtes enfant, vous ne savez pas cela. Vous ne savez pas nécessairement non plus qu’il y a des parents qui peuvent nuire de façon volontaire à leurs enfants.
Ça a eu des conséquences fâcheuses et des conséquences positives. D’un côté, j’ai pensé très longtemps que j’étais complètement stupide et que je n’avais rien à dire et j’ai douté de tout ce que je pensais savoir, au point de lire compulsivement sur les mêmes choses jusqu’à l’épuisement pour finir par avoir l’impression de connaître un peu quelque chose. Ça a aussi fait qu’aujourd’hui, je n’ai aucune patience pour les personnes qui parlent de ce qu’elles ne connaissent pas et pensent que leur opinion infondée (même si elle a été démontrée fausse depuis longtemps par des tonnes de recherches) est plus pertinente et valable que les recherches que vous faites depuis plusieurs années. Ça a fait de moi quelqu’un qui apprend constamment (inquiète de me tromper, inquiète d’être ignorante) et qui peut parfois sembler rigide dans les conversations. Mais ce que les autres ignorent souvent, c’est que je le suis seulement sur les sujets pour lesquels j’ai développé un intérêt et fait des recherches d’un niveau qui pourrait être comparé à la manie. Et donc ce qui peut être interprété comme un besoin d’avoir raison chez moi, est en fait un besoin très fort de m’accrocher à ce que je suis certaine que je sais (au sens où j’ai déjà regardé plusieurs points de vue sur la question, ainsi que les recherches les plus récentes… même si oui, on ne connaît jamais complètement quelque chose), parce que je l’ai déjà vérifié cent fois, sous tous les angles, auprès d’une tonne de sources différentes… Avant d’arriver à la sensation de connaître quelque chose et de savoir ce que j’en pense, il y a toujours une expérience factuelle de recherche et de réflexion infinie… Il est alors difficile de me faire douter du fruit de ces recherches infinies, mais souvent l’autre ignore cela et s’entête à croire que je veux juste avoir raison, alors que ce n’est pas du tout l’enjeu… L’enjeu est plutôt de fonder sa pensée plutôt que de juste se contenter d’opinion faciles et souvent fausses et violentes… comme celles que plusieurs personnes ont souvent sur les personnes violentées… comme celles que mon père essayait de m’entrer de force dans la tête.
Je suis une machine à connaître.
Je ne tolère plus qu’on essaie de me faire croire que ma pensée est invalide.
L’ignorance m’exténue.
L’ignorance agressive encore plus.
Elle me rend triste et en colère en même temps.
À suivre mercredi…
Bonne journée !
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