Je n’ai jamais aimé aller à des rendez-vous amoureux. Cela m’a toujours semblé complètement absurde comme concept, cette idée, qu’il faudrait s’habiller de façon particulière et faire quelque chose de spécial pour juger si on peut avoir envie de fréquenter quelqu’un comme cette personne au quotidien. Le modèle semble à l’envers. Ce serait probablement mieux de s’habiller n’importe comment et de faire quelque chose de vraiment plate comme aller faire l’épicerie. Il me semble que là, on verrait réellement si on peut quand même avoir du plaisir avec l’autre dans quelque chose de vraiment quotidien, quelque chose qu’on risque de répéter souvent. Je n’ai pas envie de m’apprêter pour être plus facilement digérable non plus. C’est ennuyant. Je refuse.
Depuis l’avènement des sites de rencontres, je déteste encore plus aller à ce genre de rendez-vous. Je déteste tout le processus. Je déteste avoir l’impression de magasiner quelqu’un. Je déteste voir des photos qui ne ressemblent finalement pas à la personne. Je déteste ne pas entendre la voix et ne pas voir la personne bouger. Je ne suis pas beaucoup attirée par l’image, pas par les types d’images qu’on trouve sur ces sites en tout cas. Souvent l’image m’ennuie. Il faut que je me force à décider si physiquement l’autre me plaît, alors que dans les faits le plus loin que je peux aller avec ça c’est de savoir si je suis curieuse de connaître l’autre. Après, je ne saurai pas si je trouve l’autre attirant tant que je ne lui aurai pas réellement parlé. Et souvent cela conduit à des moments très difficiles malheureusement.
Je n’aime pas aller à ces rendez-vous parce que je n’aime pas être confrontée aux attentes des autres qui me semblent bien souvent ridicules et ennuyantes, comme le gars qui voulait que je porte des talons hauts et qui a eu l’air d’avoir envie de vomir quand il a vu que j’avais des Dr. Martens aux pieds. Les hommes qui veulent que je sois douce et passive. Les hommes qui veulent que je sois tout le temps en train de sourire. Les hommes qui veulent être nécessairement plus intelligents que moi. Les hommes qui ne veulent pas avoir moins de diplômes que moi. Les hommes qui ne veulent pas gagner moins d’argent que moi. Les hommes qui voudraient que je veuille avoir des enfants. Les hommes qui veulent m’enfermer dans leur maison et que je n’aie plus d’amis. Les hommes qui veulent me dire comment vivre et comment être. Les hommes qui me disent de quoi je dois avoir l’air, qui évaluent mon corps. Les hommes qui ne vous demandent pas ce que vous voulez comme relation et qui assument qu’il n’y en a qu’un modèle viable. Les hommes qui vous mentent pour coucher avec vous-même si c’était tout à fait ok pour vous que ce soit seulement une relation sexuelle… comme s’ils avaient besoin de tromper à tout prix, d’être malhonnêtes pour approcher quelqu’un… Les hommes qui me parlent comme si j’étais une petite affaire cute qui ne connaît et ne comprend pas grand-chose dans la vie… et… Ces hommes-là, qui sont partout, oui…
(Il y en a des différents, oui… J’aimerais ça ne plus avoir à le dire. Il me semble que les hommes qui ne sont pas comme ça devraient juste comprendre que je ne parle pas d’eux. Je ne devrais pas avoir à préciser à chaque fois que la majorité de mes amis ont toujours été des hommes, du plus loin que je me souvienne et que donc oui, je sais qu’il y en a des bons. Je ne le ferai plus. Ce n’est pas une faute ni un signe de haine de l’ensemble de la masculinité de dénoncer des comportements néfastes.)
Je n’aime pas cette idée… l’idée de la séduction. Dans la séduction, il y a l’idée d’amener l’autre à faire quelque chose qu’il n’aurait pas nécessairement délibérément fait. Je n’aime pas que ma volonté soit tordue, infléchie. Je préférerais être vue comme une personne avec un libre arbitre qui peut décider par elle-même avec qui elle a envie de sortir et avec qui elle a envie d’avoir une relation sexuelle. Je n’ai pas envie d’être convaincue de vouloir ça par l’autre. J’ai envie que ça vienne de moi, dans le regard que je porte sur l’autre, dans ma perception de lui. Donc les rituels de séduction m’horripilent plus que tout. Avant j’étais beaucoup dans la séduction. J’étais très bonne. J’y arrivais pas mal toujours. Ça a fini par m’ennuyer affreusement. Ça ne m’intéresse pas d’avoir une relation qui commence comme ça et reste axée sur ça.
Vous pouvez deviner que le fait d’avoir vécu beaucoup de violence dans ma vie et de souffrir de stress post-traumatique complexe chronique ne me fait pas aimer plus ces choses. Aussi, le moule dans lequel la société veut nous enfoncer est tellement violent et réducteur en lui-même que ça n’arrange en rien les choses. Je suis toujours surprise de combien nombreuses sont les personnes qui reproduisent cela sans se poser de questions. Je suis toujours atterrée par le nombre de personnes qui projettent leurs attentes sur les autres tout en pensant que c’est parfaitement normal et sain et que ce qu’ils désirent est la définition de ce qui est désirable dans la vie. Ça a quelque chose de terrorisant. Ça a aussi quelque chose d’exaspérant.
Quelques exemples :
Les hommes qui me demandent agressivement pourquoi je ne mets pas de photos suggestives sur le net… J’avoue que je ne comprends pas vraiment comment nous avons pu en arriver à penser que nous allons trouver l’amour à partir de clichés de personnes à moitié nues sur le net. La réponse c’est que je n’en ai aucune envie et que je n’en ressens pas le besoin, ce qui est une bonne réponse en soi. L’autre raison c’est aussi que j’enseigne à une tonne de jeunes hommes de 18-20 ans qui déjà m’invitent à des rendez-vous auxquels je n’avais aucune envie d’aller même avant que ce soit interdit et que je n’ai aucune criss d’envie de devoir dealer avec leur attitude une fois qu’ils m’auront vue à moitié nue sur le net. Il me semble que c’est évident que ce n’est pas une bonne idée. Ça ne me semble pas une option intéressante en tout cas. Je n’ai pas besoin de ce type d’attention non plus. D’autres peuvent le faire si ça leur plaît.
Les hommes qui disent des choses sur mon corps comme si je devais être une madame patate assemblée selon leurs préférences ou sinon non attirante. Une fois un homme qui ressemblait à un Monsieur Burns s’il devenait anorexique m’a dit que j’étais vraiment trop grosse pour être attirante. Je pense que je ne me qualifie même pas pour l’adjectif « ronde »… C’était juste pour se venger parce que je ne voulais pas le revoir après qu’il ait passé toute une soirée à chialer sur tout incluant la couleur du ciel apparemment choisie par un incompétent. Ça m’énerve les personnes qui ont « un type ». Je ne comprends pas. Il me semble que j’ai toujours volontairement choisi des hommes avec des physiques différents. Pour explorer. Il me semble que c’est ce qui est intéressant. Mais de toute façon, comment ça se fait qu’il y a plein d’adultes qui ne sont pas au courant que le désir ça se passe dans ta tête et non dans le corps de l’autre et qu’il est possible d’érotiser pas mal tout sur cette terre? Ça doit être terriblement ennuyant de fréquenter des personnes avec si peu d’imagination.
Il y a eu un gars qui m’a menti sur le fait qu’il avait une maison de banlieue et qu’il n’habitait pas Montréal. Il ne voulait pas être avec « une madame de banlieue »… comme si toutes les femmes en banlieue étaient la même. Je ne sais pas trop comment la suite devait se passer. Est-ce qu’il pensait me mettre un bandeau sur les yeux et m’emmener en secret dans sa banlieue où je découvrirais qu’il me mentait depuis le début et que je tomberais quand même amoureuse de quelqu’un incapable de me demander ce que je veux dans la vie et qui préfère décider à ma place. Je n’ai rien contre les gens qui vivent en banlieue. Je n’ai rien contre les personnes qui ne vivent pas à Montréal. Je ne sais même pas si je veux rester à Montréal. Si les autres pouvaient poser des questions au lieu d’assumer qu’ils savent ce qu’on veut, ça irait tellement mieux. Si les gens pouvaient aussi nous demander qui nous sommes au lieu de nous le dire en nous mettant dans une boîte qui ne nous correspond pas du tout la plupart du temps, ce serait tellement merveilleux. (Je ne suis pas une gothique parce que j’ai les cheveux noirs, merci. J’ai les cheveux noirs parce que ça me va bien et que c’est la seule maudite couleur qui résiste au chlore de la piscine. Je nage beaucoup.)
Il y a eu le gars qui m’a dit que j’étais asexuelle parce que je ne voulais pas coucher avec lui. Il y a les hommes qui assument que j’ai des problèmes sexuels parce que j’ai été agressée. Je ne suis pas asexuelle. Je n’ai pas de problèmes sexuels. Être violée et avoir une relation sexuelle sont des choses complètement différentes. Ce serait important de le savoir. Faire semblant de m’étrangler ou me traiter de salope sans préavis la première fois qu’on se retrouve dans l’intimité sont des choses qu’il serait sensé d’éviter, mais je pense que ça s’applique à pas mal tout le monde à moins d’avoir demandé ce service à une personne professionnelle ou d’en avoir discuté auparavant.
Il y a les hommes qui assument que je déteste les enfants parce que je ne veux pas en porter un. C’est faux. J’aime les enfants et je pourrais être avec quelqu’un qui en a. Je n’en ai juste jamais voulu qui sortent de moi et non, ce n’est pas parce que je ne m’aime pas ni parce que je n’aurais pas trouvé le bon. C’est comme ça. Mon envie de procréer se passe autrement. Et oui, j’ai quand même une facette maternelle. Ce sont généralement mon chien, mes étudiants et mes amis qui en subissent les effets. Aussi, mon utérus est difforme. Ce serait un calvaire d’avoir un enfant dans ces circonstances. Il faudrait que je me tape fausse couche après fausse couche pour que ça finisse éventuellement par fonctionner. Je n’en veux pas, de ces deuils infinis. J’ai décidé que j’en avais assez bavé dans ma vie pour ne pas m’imposer ça en plus. Mais oui, j’aime bien les enfants. Et oui, j’aimerais qu’on me sacre la paix avec l’idée d’en avoir un.
Malgré le fait que mon ami M-A me dit parfois que personne ne pourrait jamais penser que je suis une idiote, ça arrive quand même vraiment souvent. Je pense que M-A respecte vraiment les femmes et qu’il projette ses pensées et ses comportements sur les autres, parfois, mais tous les hommes ne sont pas comme lui. Il y a vraiment beaucoup de personnes, surtout des hommes, qui me parlent comme si j’étais une imbécile. C’est souvent pire avec ceux qui me trouvent jolie, comme s’ils avaient besoin de m’abaisser. Il y a ceux qui parlent de plus en plus fort jusqu’à finir par crier pendant qu’on essaie de leur expliquer quelque chose parce qu’ils doivent mieux savoir… Il ne faudrait surtout pas que je sache quelque chose qu’ils ne savent pas.
Je pourrais continuer comme ça à l’infini. Ce n’est pas toujours facile de déterminer dans mon aversion pour ces choses, ce qui vient de mes traumas, de la thérapie, de mon cerveau neuro-atypique, de mon anticonformisme ou… Je sais juste que quand on est déjà affectée gravement par les violences qu’on a vécues, tout cela ressemble à un cirque insensé et terrorisant. Toute cette pression de toujours avoir l’air rayonnante et épanouie. Eh bien non… parfois, je ne suis pas ça et c’est supposé être normal et je ne devrais pas avoir à être agressée de nouveau pour entrer en relation. Je m’ennuie de quand on rencontrait les gens dans la vie. Quoique parfois je ne me rends compte que bien plus tard que quelqu’un était intéressé par moi… et après je me sens mal de ne pas avoir remarqué. Il ne faut pas être trop subtil… sinon je n’allume pas. Ce que je me demande vraiment c’est : Elles sont où, les personnes qui veulent connaitre les autres? Les personnes qui aiment rencontrer l’altérité? Les personnes curieuses? Les personnes qui posent des questions?
Aucune idée.
Je suis encore fatiguée, mais ça va mieux et j’avais besoin de chialer. J’apporterai des solutions un autre jour…