Se placer en position d’infériorité

            L’histoire que je raconte en ce moment en bande dessinée, elle m’a fait penser à cette idée, celle de se placer en position d’infériorité face à l’autre. C’est quelque chose qui arrive très souvent dans la vie et qui brise des milliers (au moins) de relations (pas seulement celles amoureuses).

            C’est quelque chose que j’ai fait souvent dans la vie, que ce soit au travail, en amitié ou en amour. J’ai presque toujours pensé que les autres étaient mieux que moi, et ce, surtout en début de relation.

            Je ne pense pas que je peux imaginer quelque chose qui est plus mauvais pour une relation, quelle qu’elle soit. C’est vrai dans l’autre sens aussi, parce que se sentir supérieur aux autres, ça ne doit pas donner de très bonnes relations non plus… ça empêche peut-être même toute relation. C’est souvent la position des personnes avec un trouble de personnalité narcissique qui vont voir l’autre comme un objet qu’ils peuvent utiliser ou pas. Ils ne se soucient aucunement de l’intériorité de l’autre. Aucune relation égalitaire n’est alors possible.

            Quand j’étais enfant, puis pendant mon adolescence, j’étais vraiment convaincue d’être de la merde. J’étais convaincue que tout le monde était plus intelligent que moi. Je pensais que toutes les filles étaient plus belles aussi et plus intéressantes. C’était tellement prononcé, cette haine de moi, que j’allais jusqu’à penser que tout le monde savait mieux vivre que moi et que, par conséquent, peut-être que je n’avais pas le droit de vivre.

            Ça m’arrive encore des fois, mais de moins en moins souvent.

            Ça vient bien sûr des choses que j’ai vécues quand j’étais enfant. Pas besoin de battre sauvagement une enfant ni de l’enfermer dans une garde-robe pour qu’une enfant finisse par avoir ces idées. Il suffit de l’ignorer, volontairement ou pas. Il suffit de ne pas lui parler, de ne pas lui donner d’attention. Elle grandira avec un sentiment d’insuffisance très prononcé.

            Si vous décidez d’ajouter quelques insultes, de décourager votre enfant de faire ce qu’il aime, voire de faire quoi que ce soit et si vous le punissez pour être différent de vous, vous aurez fort probablement un enfant qui n’est même pas certain de vouloir exister.

            C’était mon cas pendant longtemps.

            Aujourd’hui, j’ai beaucoup changé, mais il y a des parties de moi qui ne sont pas encore très solides sur lesquelles je dois travailler avec plus de constance que je ne l’ai fait jusqu’à présent.

            Dans la bande dessinée, il y a mon histoire avec S… J’idéalisais S… de façon incroyable. Je pensais qu’il connaissait tout mieux que moi et était meilleur que moi en tout. Ça avait à voir avec le fait que j’avais 16 ans et lui 21. Ça avait aussi à voir avec le fait que mes parents remettaient sans cesse en question ma pensée et me dénigraient souvent en utilisant l’idée que c’était « pour mon bien ». Cette fameuse phrase manipulatrice que les gens vous assènent en vous disant ou vous faisant les pires horreurs. Il y a d’ailleurs un magnifique et fascinant livre portant sur ce sujet par l’autrice Alice Miller qui est paru en 1985. Il s’intitule efficacement C’est pour ton bien. J’y consacrerai peut-être un billet plus tard.

            Tout ça pour dire que depuis l’enfance, j’avais pris l’habitude d’écouter les autres, de les laisser me définir, de leur laisser choisir ma compréhension du monde et des événements et… au lieu de regarder en moi et de m’informer par moi-même et d’apprendre à me connaître. Ça a duré plus que 30 ans cette histoire-là. C’est une des raisons pourquoi j’ai eu autant de mauvaises relations dans ma vie. Ça ne me rend pas pour autant responsable des mauvais traitements que j’ai vécus, comme ont voulu me faire croire certaines personnes qui m’ont dit des choses comme « T’avais juste à t’aimer ! », comme si c’était si facile à changer en soi… Changer sa perception de soi est toujours un long travail. Ce travail implique aussi d’abord d’être en mesure de prendre conscience que la perception de soi qu’on nous a donnée n’est pas la vérité, ce qui peut aussi prendre beaucoup de temps. Il y a d’ailleurs des personnes pour qui ça ne se produit jamais et qui en subissent les contrecoups toute leur vie.

            Dans mes mauvaises relations racontées précédemment, je croyais par exemple que mon amie qui m’a dit plein d’horreurs l’automne dernier était plus avancée que moi dans la vie et beaucoup plus mature parce qu’elle avait une maison. J’utilisais donc un critère extérieur et superficiel qui ne fait pas vraiment partie de mes valeurs pour juger de ma valeur et de mon avancement en tant que personne. Au lieu de nous voir comme des personnes égales ayant vécu des choses différentes et fait des choix différents, je la voyais comme quelqu’un qui était mieux que moi. Cette maison devenait le symbole que mon amie m’était supérieure sur tous les plans et la preuve que j’avais échoué ma vie. La relation amicale, quand nous l’avons renouée après s’être perdues de vue pendant quelques années, a donc commencé sur des bases inégalitaires. Et honnêtement, jusqu’à tout récemment, toutes mes relations étaient toujours pensées et vécues comme ça.

            Ce qu’il se passe pour moi, quand la relation avance, c’est que je commence peu à peu à voir que l’autre n’est pas parfait ni incroyablement au-dessus de moi tel que je l’avais pensé au début. L’autre n’est qu’un humain, comme moi, avec des défauts et des qualités. Donc au fur et à mesure que je passe du temps avec la personne, je la vois agir, parler, me traiter de différentes façons et… en parallèle avec ça, j’avance continuellement dans ma thérapie et je change des choses en moi et dans ma vie. Des fois ça se passe bien et la relation devient plus riche. D’autres fois ça se passe vraiment mal.

            Il y a deux problèmes principaux avec ce genre de schéma. Premièrement, le fait que j’idéalise l’autre (et beaucoup de personnes font ça, pas seulement moi) implique qu’à un moment donné, l’autre ne correspondra pas à ce portrait et je serai déçue. Il faut donc que j’arrête d’abord de faire cela si je veux de meilleures relations. Deuxièmement, l’autre problème c’est que ce type de prédisposition à se voir inférieur n’attire généralement pas de très bonnes personnes, pas en tout cas des personnes qui recherchent des relations égalitaires. Ça attire plutôt des personnes qui ont avantage à ce que vous vous voyiez comme inférieur, parce que ça leur donne beaucoup de liberté de vous manquer de respect, de vous maltraiter, voire de vous contrôler. (Il y a heureusement quelques exceptions à cela, des personnes qui vous traiterons décemment même si vous ne vous aimez pas, mais ces personnes sont plus rares. Si vous en trouvez une, gardez-la précieusement dans votre entourage).

            Donc après, quand je deviens mieux dans ma peau et que je commence à refuser les mauvais traitements, l’autre qui avait pris l’habitude de me dominer pète sa coche et essaie de me faire sentir mal… de me remettre dans mon trou… à la place où ça l’arrange que je sois. Ou alors je décide de m’en aller et l’autre qui s’était habituer à me contrôler et à bénéficier de ma générosité et de ma gentillesse se met à me dire plein d’horreurs afin d’essayer de me faire croire que je suis une sorte de monstre…

            Ce n’est pas vrai.

            Je le sais maintenant, même si ça m’a pris beaucoup de temps…

            Dans le prochain billet, je raconterai comment une de ces relations malsaines s’est terminée récemment et je détaillerai les formes de manipulation que l’autre m’a fait vivre pendant cette histoire qui est heureusement finie !

            Bonne journée !

 

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