Mieux et plus mieux

Finalement j’ai encore des choses à dire…

Ce matin je suis allée à un atelier de création et d’entretien de bonsaï pour faire semblant d’avoir une fin de semaine à travers mon étude pour mon dernier examen.

Voici mon bébé rabougri:

Il s’appelle Charlie, parce que quand les gens n’arrêtaient pas de capoter parce qu’il fallait lui enlever ses feuilles, j’ai fini par dire que c’était comme le sapin de Charlie Brown, que tout le monde trouve qu’il est laid et fait pitié. Pourtant nous l’aimons tous. Nous nous sommes attachés et il a persisté à travers le temps. Il faut être patient avec les bonsaïs. Il faut les sculpter à travers le temps (on remarque qu’à la fin j’en ai quatre auxquels je donnerai d’autres formes à travers le temps). Pour Charlie j’ai choisi la forme d’extrême adversité, presque couché au sol. Il s’élèvera avec le temps.

Il y avait un homme infiniment pénible à l’atelier. Il me faisait penser à mon père. Tout le long il chialait à sa femme que son bonsaï n’était pas réussi et faisait pitié. Je savais que secrètement il voulait, de façon vraiment pas subtile, qu’elle échange le sien contre le sien. Une sorte de trait narcissique… de toujours penser que les souffrances, émotions, accomplissements et joies des autres sont toujours moins importantes que les siennes. J’ai répondu en souriant et en étant calme à certaines de ses plaintes parce que je voyais bien que sa femme était mal. Elle s’est retournée à chaque fois pour rire sans qu’il la voit… et ça m’a fait plaisir. La gentillesse fait son chemin même si elle devra malheureusement rentrer chez elle avec lui… mais nous allons choisir pour aujourd’hui de nous dire qu’il doit avoir d’autres qualités. Mon père faisait ce genre de choses sans arrêt, même à ses enfants, oui. La phrase que j’ai entendue ma mère dire la plus souvent dans mon enfance c’est: « Il faut que tu sois plus raisonnable que ton père. C’est toi, l’adulte. »

Il y avait de ça dans cette histoire de l’enfance de Serge Thériault qui m’a fait pleurer. Beaucoup de gens sous-estiment la trace et l’impact durables d’avoir un parent avec un trouble de personnalité ou de santé mentale. Ça fait peur. Ça fait s’oublier. Ça fait marcher sur des œufs. Ça fait disparaître. Et… Je n’avais aucune difficulté à imaginer la terreur et le stress intense qu’il devait ressentir face aux changements brusques et imprévisibles de sa mère. Face à ses disparitions. Et cet état là reste en partie enfoui en nous toute la vie je pense… il faut trouver des façons de l’apaiser.

Ça nous donne toujours quelque chose aussi. Dans mon cas, les visions d’horreur des animaux morts, la présence des armes, les crises de rage et… et l’interdiction de fuir, ça m’a rendue capable de regarder sans broncher bien des choses qui en feraient hurler d’autres. Ce n’est pas de la froideur, contrairement à ce que les gens imaginent souvent. C’est plus une forme de courage acquis à force d’avoir du regarder l’horreur en face. Il ne sert à rien de crier ou de se défiler (même si oui, il y a quelques petits trucs qui me troublent encore et sont plus difficiles). Il y avait cette phrase dans le livre de Pascale Monpetit qui m’a semblée juste:

Mais je suis tannée de survivre à tout. Je prendrais plus d’amour et de douceur…

Je pense aussi que c’est merveilleux d’arriver à conserver sa capacité d’émerveillement et sa gentillesse même si on a grandi dans l’horreur… comme Pascale, comme Serge, comme moi.

Ce qui ne veut pas dire être niais… la gentillesse n’est pas de la stupidité. Elle n’a pas à être infinie non plus. La gentillesse est un choix.

Je retourne étudier 📚

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