Les absences

Il m’est arrivé un truc un peu incroyable. Mon voisin de 77 ans est disparu pendant environ 40 heures la semaine dernière. J’avais remarqué qu’il était un peu confus quand j’avais quitté pour le travail. En revenant à la maison, un de ses amis était avec lui. Ça m’a rassurée un peu, mais il hallucinait des personnes dans son appartement et son garage alors je me suis dit que j’allais me renseigner pour qu’il soit évalué et ait de l’aide. Eh bien il m’a filé entre les pattes avant que j’aie le temps d’agir. À 4h20 le lendemain matin, je l’ai entendu crier comme un déchaîné dans la rue. Je ne me suis pas trop inquiétée parce qu’il criait après son chat. J’ai quand même noté que ce n’était pas dans ses habitudes. Il vit plus la nuit et est discret en général. Je me suis dit que je lui parlerais durant la journée. Mais quand je suis sortie pour promener les chiens, j’ai vu que les portes et les fenêtres de son appartement qui donnent sur la cour arrière étaient ouvertes et toutes les lumières allumés. J’ai commencé à me sentir nerveuse. Puis j’ai marché vers la rue et j’y ai trouvé la chemise qu’il portait la veille. J’ai alors compris qu’il était parti seul dans le petit matin, torse nu et probablement encore confus.

J’ai appelé au 811 pour parler avec une personne qui travaille en intervention psychosociale. Je ne voulais pas lui mettre la police dessus… mais nous avons convenu que c’était vraiment inquiétant et que c’était ce qu’il fallait faire. J’ai donc appelé le 911. Les jeunes policiers qui sont venus étaient condescendants. Ils m’ont dit que c’était un toxicomane et qu’on ne pouvait rien pour lui. Ils m’ont aussi dit que je n’avais pas à faire ça, à prendre de mon temps pour m’occuper de lui. Je leur ai répondu que c’était mon voisin depuis 14 ans et qu’il ne dérangeait personne même s’il consommait… et que je n’allais clairement pas le laisser crever seul torse nu dans la rue par une froide journée d’automne.

J’ai passé les heures suivantes à m’inquiéter et à arpenter le quartier à sa recherche. Ce que je ne savais pas c’est qu’il avait été intercepté à 5h30 du matin et qu’ils l’avaient envoyé dans un refuge… refuge qui l’a envoyé à l’hôpital en constatant son état. Après ils lui ont payé un taxi pour qu’il rentre à la maison. Quand il est réapparu dans la cour il avait sa tête de petit garçon mal commode. J’étais fâchée et heureuse en même temps. J’étais surtout fâchée contre la police qui m’a caché qu’ils l’avaient intercepté et amené dans un refuge pour personnes en situation d’itinérance. On ne me l’a pas dit parce que je ne fais pas partie de sa famille. Le problème c’est qu’il n’en a pas de famille mais qu’il y a quand même des personnes qui se soucient de lui. Enfin… j’imagine que comme ma belle-sœur dit, on peut au moins se réjouir un peu que le système fonctionne assez bien pour qu’il soit intercepté dans la rue par la police et qu’ils le mettent à l’abri.

J’aurai d’autres choses à raconter mais pas aujourd’hui…. Entre autres sur le fait que je pense qu’il a fait une psychose toxique… Ça m’a beaucoup fatiguée cette histoire. Heureusement que les élèves avaient choisi de faire la grève pour quelques jours. Je ne pense pas que j’aurais été super bonne en classe. Maintenant c’est l’équivalent de la Semaine de relâche… mais qui porte un autre nom ici maintenant. Je travaille de la maison.

Ça me fait du bien d’être à la maison. Je ne sais pas ce que je vais faire pour mon travail. Il y a des choses que j’aime, mais j’y ai tellement été blessée que ça devient de plus en plus difficile d’y aller. Dernièrement une personne n’arrête pas de mémérer sur ma vie et de faire des commentaires pénibles. Il faudra que je lui parle au retour. Les gens ne se mêlent pas de leurs affaires. En plus cette personne est toujours débordée. Elle le serait probablement moins si elle prenait l’énergie qu’elle met à critiquer ma vie et la reportait sur les tâches qu’elle a à faire. J’avoue ne pas comprendre. Je ne surveille pas mes collègues et je ne fouille pas dans leurs choses. Je ne leur imagine pas non plus des raisons horribles de faire les choses comme ils les font au quotidien. La pensée ne me traverse même pas l’esprit. Je me dis que ce n’est pas de mes affaires comment les gens gèrent leurs tâches et leur temps en autant que le travail soit fait.

Comme vous voyez j’ai des décisions à prendre… ou des mesures si je décide de rester là… mais je dirais que dernièrement mon cerveau explore de plus en fait lis de pistes différentes et que j’essaie de me visualiser dans différentes situations. Les commentaires mesquins que je reçois au travail ne m’aident pas à me reconstruire. Ça me mine au contraire mon estime de moi. Je pense que ce serait probablement mieux de me sortir de là. J’ai aussi envie d’aider la société différemment on dirait. La travailleuse sociale du service de police m’a dit que j’avais vraiment un bon instinct, de bons réflexes et que j’avais été vraiment efficace. Ça m’a fait du bien. Ça me donne des idées.

Les petits vont bien et commencent à porter leurs habits d’automne:

Je ne vais pas trop mal malgré tout. Je suis passionnée par ce que j’étudie. J’apprends à me connaître on dirait. Je n’ai jamais vraiment eu le temps ni l’espace pour le faire avec tous ces traumatismes que j’ai vécus. Je fais des lectures joyeuses comme toujours…

J’essaie de profiter de l’automne. Je vous revient bientôt.

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