Je ne me suis pas sentie en sécurité depuis la fin de l’été dernier. Je ne me sentais bien ni à la maison ni au travail. La maison, c’était nouveau. Le travail, je ne me suis pas sentie tout à fait à l’aise depuis le premier jour où la personne qui avait fait mon accueil m’avait déjà fait des remarques blessantes et mesquines parce qu’elle n’aimait pas mon directeur de thèse. J’ai toujours eu en ces murs une certaines crainte de ce que les gens allaient faire. Ce ne sont pas mes élèves ni le travail en tant que tel qui ont posé problème. Jamais. C’est plutôt que je ne savais jamais de quoi étaient capables les personnes autour de moi. Me sentir comme s’il était aussi impossible que j’aie la paix à la maison, ça, c’était nouveau. Ces derniers mois ont été épuisants à cause de ça. C’était difficile de trouver un espace où me reposer et exister en paix.
En thérapie, il a été assumé que je souffre de stress post-traumatique depuis l’enfance à cause des abus que j’ai vécus. C’est en quelque sorte mélangé avec ma personnalité et une partie de celle-ci se compose d’effets secondaire du trouble. Les autres violences vécues après, par exemple les agressions sexuelles, les trahisons ou les dénigrements, ont empiré la situation. Par exemple ce que des personnes perçoivent chez moi comme une froideur ou un air bête est en fait une très grande anxiété sociale qui vient du CPTSD. Ça aussi c’est dur à vivre… Les préjugés des autres. Par exemple quand on assume que je suis contre certains types de violences ou que je les vois comme des violences parce que je suis trop sensible. Je trouve que c’est insultant pour mon intelligence et un déni du fait que je passe ma vie à lire sur ce sujet ou à en parler avec des experts en santé mentale. La raison pourquoi je suis si sensible aux remarques violentes n’est pas par excès de sensibilité ou par sensiblerie. C’est parce que je sais, de source sûre, que d’y être exposé à répétition peut causer ou empirer un stress post-traumatique et je ne souhaite ça à personne. C’est ça, la raison qui motive une bonne partie de mon travail. Déjà que les remarques désobligeantes n’ont aucune raison valables d’exister, quand on sait à quel point elles peuvent détruire les gens comme j’en fais l’expérience, elles deviennent encore plus intolérables et inacceptables.
En continuant ma lecture du livre dont je parlerai prochainement, je suis tombée sur une des meilleures définitions du trauma que j’ai rencontrées. Je la donnerai de façon exacte quand je serai rendue à parler du livre, ma ça a à voir avec le dépassement de la limite de ce que le cerveau peut endurer et traiter. Comme ce qui m’est arrivé, vivre les unes à la suite des autres des expériences pénibles (et parfois très violentes) pendant plusieurs mois d’affilée. Mon cerveau n’arrivait plus. Il était juste capable de corriger ou de régurgiter ce que j’avais préparé pour les élèves. Je pense que j’étais assez bonne et efficace quand même, mais ça me prenait tout ce que j’avais d’énergie. J’aimerais ça parfois juste préparer du contenu qui aide des humains. Enseigner le manquerait, mais par les normes sociales que je ne comprends souvent pas très bien. Une amie qui a enseigné longtemps au cegep m’a dit qu’il fallait surtout que je continue de me rappeler que je suis une bonne prof même si parfois les departments ressemblent à des sectes. Ses mots, pas les miens. Et je sais que je ne suis pas seule à trouver ces situations pénibles. J’ai pensé faire un grand ménage des messages des élèves et de me faire un genre de livres des mots gentils des élèves au fil du temps. En cas de désespoir, il y aura ça.
Le stress post-traumatique, ça fait que je ne me sens souvent pas très proches des autres personnes et que j’ai de la difficulté à faire confiance. J’ai de la misère à me laisser approcher. Je ne me souviens plus de la dernière fois où quelqu’un m’a prise dans ses bras, encore moins une fois où c’est arrivé et où je me sentais en confiance. Lundi, je recommence à nager. Le mouvement et l’enveloppement de l’eau sont bons pour ma santé mentale. C’est un des endroits où je me sens le mieux. Mardi j’ai mon psy et un massage. Ça devrait aider.
Demain je reprends le travail sur mon livre. Ça me fait un peu peur. Mais il semble que la chose qui nous fait le plus peur est la chose qu’on doit faire. Parce que j’affronte toujours mes peurs, je le ferai. Je dois aussi écrire le texte que je donne à un magazine féministe à chaque année. Cette année le thème est la crise. Je pense que ce sera une crise de sens.
Parfois je me sens comme Monsieur Pingouin devait se sentir quand Cassius l’a vomi entier sur le sofa… (J’ignorais qu’il l’avait avalé!) et parfois ça va mieux et j’ai envie d’explorer le monde à nouveau, comme ma petite espionne.
Bonne nuit!
