Deuxième bilan de fin d’année (3)

            Je pense aussi qu’il y a, dans cette impression d’attaque ressentie par les personnes qui reçoivent des messages de moi qu’elles n’aiment pas, l’inconfort d’être confrontées au fait qu’elles n’en savent pas autant d’elles-mêmes et ne sont pas habituées à autant d’analyse. Le fait que leurs actions et paroles aient autant été analysées leur semble excessif parce qu’elles pensent qu’un grand effort y a été mis, alors qu’en fait, il s’agit en quelque sorte d’un mécanisme automatique, chez la personne surdouée. Il n’y a pas de choix, dans cette activité du « trop penser » qui nous est souvent reprochée. À la limite, on pourrait réussir à parfois stopper ou ralentir la pensée à force d’exercices infinis de méditation et… mais honnêtement, ça représente vraiment beaucoup de travail et j’avoue ne pas toujours en trouver l’intérêt, autre que d’apaiser certaines douleurs passagères. Je pourrais cependant questionner davantage, comme je l’ai dit la dernière fois, la nécessité de dire tout ce que j’ai compris de la situation et de l’autre. Je me suis souvent fait dire par des hommes surtout, que je voyais trop de choses d’eux, même ce qu’ils voulaient cacher, et que cela les rendait inconfortables, qu’ils se sentaient nus. Je ne peux pas avoir une relation avec une personne qui a peur d’être vue pour qui elle est, ça, ça m’a coûté très cher de l’apprendre. 

            Aussi, il y a un problème qui apparaît pour le cerveau surdoué face à l’idée de ne pas voir et de ne pas dire. C’est un peu le même problème que j’ai avec le fait d’émettre des avertissements ou d’éviter de parler de certains sujets ouvertement… Je parle ici de choses qui sont observées en général chez les surdoués. Nous ne sommes pas des clones et certaines personnes surdouées peuvent vivre et penser ces choses différemment. Pour les surdoués, en général, donc, éviter de parler ou de penser à un problème ou à quelque chose de difficile a quelque chose de fondamentalement absurde. Cette position, doublée du fait que chez la plupart des surdoués, on retrouve une forme d’indignation intense, voire de rage dans certains cas, devant les situations d’injustice, rend l’évitement encore plus insensé. Il y a un problème. Il faut le régler, dira logiquement le surdoué, heurtant parfois au passage les sensibilités exacerbées, sensibilité hyperactive que le surdoué partage, mais qui ne se soumet pas très souvent à l’envie de fuir, justement. Tout simplement parce que fuir contribue la plupart du temps à l’exacerbation de l’injustice qui révolte à la base le surdoué. La fuite n’est donc pas envisageable pour la personne surdouée. On se retrouve alors avec une personne surdouée qui est déjà très fâchée devant une injustice et qui devient encore plus fâchée devant l’absurdité et l’illogisme de la réaction de fuite devant le problème au lieu de la solution directe qui est plutôt l’affrontement, cet affrontement n’ayant pas, non, à être effroyablement violent ni brutal. Une sorte de « Mais qu’est-ce qu’ils font? » ou, au pire : « Ils vont où, les lâches? ».

            Je n’ai pas beaucoup de patience pour les personnes qui évitent et qui fuient. C’est le cas, parce qu’elles empirent toujours la situation, à la fois pour elles et pour les autres. On s’entend ici que je ne suis pas en train de parler d’une personne qui mettrait votre vie en danger, auquel cas, vous pouvez fuir ardemment, oui… Je dois dire cependant qu’aucune personne que j’ai vu fuir dans ma vie n’étais réellement mise en danger. Je n’ai pas de doute qu’elle le ressentait comme cela, mais dans la plupart des cas, cette crainte était irrationnelle. Je sais en tout cas que jamais personne qui m’a bloquée ou ignorée ou m’a fui n’était devant une menace réelle de ma part. Cette fuite-là ne dépendait pas réellement de moi non plus. Je n’ai jamais menacé ni mis en danger qui que ce soit. Elle provenait plutôt de fuites antérieures, parce que c’est une habitude, la fuite. C’est une façon de vivre, la fuite. C’est aussi un choix qui nuit absolument à tout le monde. À la personne qui fuit, mais aussi à la personne qu’elle tente de laisser derrière et qui bien souvent n’a rien fait pour mériter un tel comportement. Ça vient aussi de la psychologie de bottines qu’il y a sur internet, particulièrement sur Facebook et Instagram, qui sont maintenant pas mal la même chose malheureusement à part la disposition des images sur la page. Je ne sais plus combien de fois j’ai vu le conseil absurde voulant que si quelqu’un publie des choses qui te dérangent sur Internet, tu dois le bloquer pour assurer ta tranquillité d’esprit. Quel atroce encouragement à l’intolérance et à l’infantilisation! Ça me décourage tellement que ça m’empêche souvent de dormir. La fuite vous affaiblit. Elle ne vous protège pas du tout. 

            Je comprends qu’on puisse vouloir bloquer et rapporter une personne qui mettrait des images profondément dérangeantes, par exemple de la pornographie juvénile, mais là, ce n’est pas du tout de ce genre d’images qu’on parle lorsque l’on suggère de bloquer des gens. Le contenu dérangeant, selon ces valeureux faux psychologues du net, va de quelqu’un qui produit trop et cela te fait sentir inférieur, à des images qui te font te sentir triste, comme si c’était mal d’être triste encore une fois, chose qui est aussi complètement fausse. Je ne comprends pas ces œillères. Ça ne va aider personne de réagir en bloquant l’autre aussitôt qu’on se sent troublé. Quand quelque chose nous trouble, sur Internet, c’est pas mal plus souvent le signe qu’on a du travail à faire sur soi plutôt que le signe que l’autre a un problème. Au lieu de te dire que tu es poche et incapable et paresseux quand tu regardes le profil d’une personne qui produit beaucoup de choses, tu pourrais plutôt choisir de trouver la personne inspirante et ça te donnerait de l’énergie pour toi aussi faire des choses qui te plaisent dans la vie. Je sais aussi que des personnes m’ont bloquée parce que ça m’arrive de mettre des photos d’animaux morts. C’est vraiment malsain et bizarre de ma part, il paraît… J’avoue que ça aussi je ne comprends pas. Nous vivons dans un monde où les animaux et les humains meurent. C’est un fait. Il n’y a pas de façon d’éviter cela, même si je sais que oui, il y a beaucoup de personnes qui évitent d’y penser. Il reste que s’habituer à l’idée de la mort en s’y confrontant, c’est une pratique bouddhiste très ancienne qui mène à plus de respect pour soi, sa vie et celle de toutes les créatures. Ça aide à penser à ce qui vient après nous aussi et à réévaluer notre vie et nos valeurs. Mais bon… probablement que les bouddhistes et moi avons tort. Tout le monde sait que les bouddhistes sont les êtres les plus bizarres et malsains de la terre! (Je précise que je suis sarcastique ici, puisque, inévitablement, quelqu’un lira trop vite et superficiellement et m’accusera d’insulter les bouddhistes que j’admire en fait énormément.) Le fait est aussi, que j’aime la photographie et la course à pied. Quand on court très tôt à Montréal le matin, les rues et les parcs sont pleins d’animaux morts, des animaux morts qui ont parfois l’air en paix et qui n’ont pas encore été mis à mort plusieurs fois et complètement déchiquetés par les voitures qui passeront sans s’en soucier dessus toute la journée après. Donc oui, je trouve ça important de les regarder et de garder une image d’eux, là où ils ont fini, malheureusement encore à cause de nous. Il n’y a pas non plus de volonté puérile de ma part de choquer, quand je montre ces images.

            Donc non, je ne ressens pas un plaisir morbide à regarder des animaux morts. J’ai une sensibilité différente face à eux parce que j’ai vu, dès l’enfance, mon père vider des animaux morts et leur enlever leur peau, leurs organes et… directement devant moi à un âge où ça n’aurait pas dû arriver. Je ne suis pas insensible. Je sais ce que je regarde. J’ai conscience de ces choses. Je ne les encourage pas. Non. J’ai pris cet exemple pour montrer aussi une autre caractéristique des surdoués, qui est qu’ils savent à peu près toujours exactement pourquoi ils font ce qu’ils font et que ça a rarement quelque chose d’irrationnel. C’est pour cela qu’il a été extrêmement décourageant pour moi qu’on puisse penser que j’allais me suicider quand j’ai écrit un message à plusieurs personnes au sujet du harcèlement que je vivais au travail (qui semble réglé, en passant). J’étais parfaitement calme quand j’ai écrit ce message. J’en avais aussi parlé avec mon thérapeute qui trouvait aussi que c’était une bonne idée puisque les institutions ne pouvaient pas vraiment m’aider et qu’il était impensable et inacceptable de continuer à subir cela en silence. Mais je sais aussi que la plupart des gens, au lieu d’analyser réellement ce qu’on leur écrit, assument que si vous écrivez beaucoup, c’est que vous êtes hystérique, en perte de contrôle ou d’autres conneries du genre. Il n’y avait absolument rien qui suggérait une envie de mort dans mon message. Il montrait au contraire beaucoup de force. Avant ce jour, la seule personne dans ma vie qui a prétendu que j’allais me tuer est mon violeur. C’est une tactique super commune pour essayer de faire passer une personne qui a été victimisée pour instable. Or, cette personne qui a prétendu que j’allais me tuer à la suite de mon message, c’est une personne qui craignait d’être confrontée sur le fait qu’elle savait que j’étais harcelée par son amie et n’a jamais rien dit ni fait pour que cela cesse. Je n’ai jamais eu envie de mourir. Jamais.  

            Donc ce texte, ce qu’il vient faire dans mon bilan de l’an dernier, c’est de souligner que je n’ai plus de temps pour les personnes qui évitent, qui fuient, qui ne veulent pas regarder les faits ni régler les problèmes. On pourrait se dire que c’est le droit des gens de fuir. En théorie, cela semble effectivement le cas, mais je ne suis pas si certaine que ce soit le cas et qu’il suffise de réellement dire « C’est mon choix! » pour que la conversation cesse. À partir du moment où les comportements d’évitement et de fuite ont des répercussions graves sur la santé mentale des personnes qui les subissent, pour moi, c’est un manque de respect grave et cela ne m’intéresse plus d’avoir à perdre mon temps et mon énergie à subir cela. 

            Cette année sera une année où je consacrerai mon énergie à mes pratiques écrites et artistiques. J’aurai des relations avec les personnes capables d’être là, de poser des questions, de penser à l’effet sur l’autre de leurs comportements et surtout, capables de réciprocité dans les relations.  

            À plus!

(C’est une photo que j’ai déjà utilisée, oui… mais elle convient si bien au propos…)

2 commentaires

    1. Oui je suis d’accord. Je ne veux pas fuir non plus. Juste moins chercher à m’intégrer, poser des limites plus claires… m’occuper de ce qui me nourrit plus… mais observer quand même, oui. Bonne journée!

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